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Guards Brothers présente
Le Livre d'Aryn

Contrées d’Akanamano – Treizième année de l’ère Sojiba  

 

Le maître Seul fait tourner son sabre à une vitesse à peine imaginable. Le Seigneur peut ainsi observer son chef des armées montrer en public l’entièreté de son talent. Aryn est assis à côté de son père, il regarde lui aussi l’homme faire la démonstration de son talent. Un jour il sera comme lui. Derrière lui près des jardins, il voit des jeunes de son âge s’amuser. Ils se jettent l’un sur l’autre, riant, jouant. Pourquoi n’était-il pas avec eux ? Peut-être parce que son père était Seigneur, justement. Il y réfléchissait depuis longtemps mais il n’arrive pourtant toujours pas à comprendre.  

Lorsque Seul met enfin à terre son adversaire, il s’incline devant son Seigneur, un signe de profond respect. Les yeux d’Aryn s’attardent sur le sabre de Maître Seul : on l’appelle Senshi, d’aucuns disaient qu’il s’agissait d’un tsukumogami, c’est-à-dire un obake, un esprit qui s’était éveillé dans un objet. Ces esprits étaient très rares, et on rapportait que les qualités martiales de Seul étaient dues à Senshi. Aryn ne sait toujours pas quoi en penser : Maître Seul est un grand guerrier, et il veut croire que Senshi est un obake – il se retrouve alors à chaque fois qu’il se fait cette réflexion devant un dilemme : qui croire entre l’homme et le sabre ?  

Les gens du Seigneur se lèvent et quittent la cour. Aryn tente de s’approcher des enfants qu’il a vu jouer toute à l’heure, il croit d’ailleurs savoir qu’ils travaillent aux cuisines. Aryn s’avance lentement dans la cour, mais d’un pas assuré, en essayant de s’éclipser dans l’indifférence générale qui suit la fin du combat. En même temps qu’il se rapproche, il se met à réfléchir sur Maître Seul : comment est-il devenu si expérimenté ? Il devait être un enfant lui aussi, il y a longtemps. Peut-être un garçon des cuisines, qui sait ? Il faudra lui demander. Maître Seul entraîne régulièrement Aryn aux arts de la guerre, même si il n’aimait pas ça. Mais il doit travailler, si il veut devenir comme Maître Seul, et que son père le Seigneur le regarde avec autant d’admiration qu’il le fait avec le chef des armées.  

Il n’est plus qu’à quelques pas des garçons, qui ne l’ont toujours pas remarqué. Il va y arriver, il le sait. C’est alors qu’une main se pose sur son épaule. Un frisson parcourt son corps, tandis que sa tête se retourne lentement vers ce qu’il va découvrir comme étant le visage de son père. Leurs regards s’entrecroisent alors sans qu’un seul mot ne vienne interférer cet échange, mais Aryn finit par baisser les yeux.  

 

L’heure du Bœuf, bien trop tôt pour que le château soit éveillé. Il fait nuit noire, les étoiles sont la seule source de lumière. Mais un garçon marche, dans l’obscurité, se faufilant à travers une fissure dans le mur d’enceinte pour sortir du château. Portant sur le dos une cape, dérobée dans la penderie du Samouraï Otomo, la lumière de la lune se reflétant sur sa chevelure albinos, cet enfant c’est Aryn.  

Il porte à bout de bras un baluchon dans lequel il a déposé un peu de nourriture et un couteau récupérés aux cuisines. Ce qu’il est en train de faire, il le prépare depuis trois jours. Aryn n’est sorti que trois fois de toute sa vie du château de son père le Seigneur, dont une dont il se souvient pas. A chacune de ses occasions, il n’est pas allé plus loin que le village voisin d’Osawaka. Mais Aryn se pose des questions, auxquelles personne ne peut lui répondre au château : pourquoi son père n’a d’admiration que pour ceux qui manient le sabre ? Pourquoi ne peut-il pas jouer avec les autres enfants ? A quoi ressemble la mer ? Depuis qu’il est petit, les contes qu’il lit parlent de yôkai, des créatures, des esprits qu’il n’a jamais eu l’occasion de voir au château car elles ont fui les hommes.  

Mais Aryn veut répondre à ses questions, il veut aussi découvrir ce monde par un autre moyen que les livres. Voilà la raison du départ d’Aryn. Il sait que sa mère pleurera, mais il sait aussi que son père ne le cherchera pas. Il ne l’aime pas, il le sait.  

Il marche désormais dans la forêt, après avoir traversé les longues plaines qui entourent le château. Son père les a rasés, pour pouvoir voir arriver ses ennemis. Arrivé au bord d’une rivière, Aryn s’assoit pour se reposer un instant. Il a rarement autant marché, il ne pensait pas qu’on pouvait être aussi essoufflé en marchant autant. Soudainement, un craquement venant de derrière lui parvient à ses oreilles. Il se retourne brusquement mais ne voit rien de suite. Après quelques instants, une forme sort de derrière un fourré. Aryn fait un bond en arrière et tombe sur le sol : ce n’est pas une forme humaine. Il cherche sa besace et finit par l’attraper du bout de ses doigts, il doit absolument sortir son couteau. La bête se rapproche alors lentement, sur ses deux pattes, marchant aidé d’une canne de bois. « N’aie pas peur, petit. » dit soudain la bête d’une voix grave.  

Aryn en a le souffle coupé. Il aurait voulu lui parler, mais il sait qu’il ne peut pas parler. Aryn n’a jamais pu parler, émettre un son avec sa bouche, entendre sa propre voix. Il n’a jamais su pourquoi, les médecins non plus, et il sait que c’est pour cela que son père ne l’a jamais aidé. Alors que la créature n’est plus qu’à quelques pas, toujours dans l’obscurité, il trace rapidement quelques signes sur le sol. Qui êtes-vous ? écrit-il. La bête fait quelques pas de plus et arrive à la hauteur d’Aryn. C’est une sorte de chien sur deux pattes, au corps rebondi et aux yeux stupides. Il semble très âgé, au vu de sa démarche et de ses poils grisonnants. Ses yeux se tournent vers les signes qu’a tracés Aryn.  

« Tu es donc un humain sans parole ? Un muet ? » Aryn hoche de la tête, toujours inquiet de cette surprenante apparition. « Je suis un tanuki, mon nom est Akino. Que fais-tu par ici ? Rares sont les jeunes de ton âge s’aventurant aussi loin en forêt… » Aryn prend alors sa besace et en sort, non pas un couteau, mais une feuille de papier et son sumi pour écrire sa réponse. Je suis venu poser des questions.  

Akino semble étonné et amusé. Il ne doit pas croiser souvent de jeunes humains. « Des questions ? Nous avons tous des questions, jeune humain. Je n’arrête pas de me demander pourquoi je vieillit aussi vite : l’ais-je mérité ? Peut-être que toi-même, tu veux savoir pourquoi tu ne peux pas parler ? » Comment le sait-il ? « Je ne peux te répondre, moi-même je ne sais pas. Mais je connais une femme qui pourra répondre à toutes les questions que tu lui poseras. »  

Qui est cette femme ? « Une grande femme, du nom de Dame Takana, elle vit dans les hauteurs du mont Shisu. Je pourrais t’y conduire, si tu veux, mais comme tu peux le voir, je suis très lent… Je n’ai jamais été un grand compagnon de voyage ! » Mais Aryn ne peut pas attendre. Conduisez-moi vers Dame Takana, je vous en prie. Akino semble alors réfléchir quelques instants. « Je… Il y aura beaucoup d’obstacles, et la route sera longue. Le monde est cruel, jeune humain. Mais tu sembles décidé, et même si tu n’es pas très bavard, je t’apprécie. La montagne Shisu est à l’Est, c’est par ici, suis-moi… »  

 

Akino marche juste derrière Aryn, trainant son corps âgé à l’air de sa canne de bois pourri. Le vent souffle dans la cape d’Aryn, il a l’impression de s’envoler. Depuis son départ, il n’arrête pas de découvrir de nouveaux paysages, de faire de nouvelles rencontres.  

Le ciel gronde.  

Il se retourne vers Akino, l’air interrogé. Une fois celui-ci arrivé à sa hauteur, il comprend son incompréhension. « Ça, jeune humain, c’est le bruit des hommes. Celui de la guerre, du sang, de la bataille. » L’image du Maître Seul revint alors à l’esprit d’Aryn. C’est ça qu’il faisait : la guerre. Aryn en entendait parler, mais n’avait jamais compris son pourquoi et son comment. La guerre ? écrit-il sur un papier. « La folie des hommes, le malheur des enfants. » Il tendit l’oreille, l’ouïe d’Akino était très développée. « Nous devrions éviter cette région, nous risquerions d’être fait prisonniers. » Ils firent alors un détour, par un village isolé. De loin, il ressemblait à n’importe quel autre village, mais une fois à l’intérieur, ils remarquèrent qu’il était vide, comme tous ses habitants avaient disparus. Alors qu’ils avancent pas à pas dans les rues désertes, Aryn croit entendre un bruit étrange. Il le fait remarquer à Akino, qui finit lui aussi par entendre le son. « Je crois que cela vient de cette maison. » Ils s’avancent vers la bâtisse et poussent la porte. Là, dans un coin, une jeune fille, à peine plus âgée qu’Aryn. Elle est recroquevillée sur elle-même, habillée de guenilles. Les deux compagnons s’approchent d’elle. « Que s’est-il passé ici, jeune fille ? » demande Akino.  

Tout en sanglotant, la fille bredouille : « Les hommes de l’autre clan… ils… ils ont emporté tout le monde… »  

Akino se penche vers-elle. « Comment t’appelles-tu ? » Il y a un long silence, durant lequel Aryn se demande si elle va répondre.  

« Iki… Ikisa. » Elle relève alors la tête. C’est alors que, dans ses yeux, Aryn voit quelque chose qui le fait reculer d’un pas. Ils sont blancs, d’un blanc parfait. Elle est aveugle. Pourquoi elle ? Qu’a-t-elle fait pour mériter cela ? Qu’avons-nous tous fait pour mériter cela ? Il sort alors un papier de sa besace et, après avoir écrit rapidement dessus, le tend à Akino. Emmenons-la avec nous.  

 

 

Tsui Wong : voix d’Akino  

Maria Yuen : voix de Dame Takana  

Miles Iglesias : voix du Seigneur  

Anastasia Carlos : voix d’Ikisa  

Présenté au 4E Festival du Film d’Animation pour Enfants.  

Scénario : (3 commentaires)
une série B d'animation (Guerre et Paix) de Chang Lee

Tsui Wong

Maria Yuen

Miles Iglesias

Anastasia Carlos
Musique par Brandon Carlos
Sorti le 26 octobre 2030 (Semaine 1347)
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