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Les Films du Corbeau présente
La Lame de Damas

1735, Nantes.  

 

L’après-midi tirait sur sa fin, mais les dockers et marchands étaient encore en pleine activité sur le port de Nantes. Eulalie (Juliette GORMAN) se promenait au bras de Gaspard (Hugh DARBY). Elle faisait en sorte de paraître calme et détendue, mais elle était la proie d’une grande excitation : Gaspard ne lui avait rien dit, mais elle avait surpris sa conversation. Ce soir, il devait récupérer la bague de fiançailles chez le joaillier… Elle aimait cet homme comme une folle. Il était beau évidemment, mais aussi droit et puissant. L’année précédente, il servait encore dans l’armée française et avait participé à la grande victoire de la bataille de San Pietro, en Italie. Depuis, il avait raccroché les armes et travaillait pour son père, l’un des plus grands armateurs de Nantes.  

Le couple déambulait entre les étals de tissus et d’épices provenant de contrées lointaines, dont les senteurs exotiques se mêlaient à la fraicheur de la Loire. Les dockers déchargeaient et rechargeaient des caisses de produits mystérieux en partance pour les cinq continents. Ils s’engagèrent dans une ruelle, confirmant à Eulalie leur destination « secrète », tandis que Gaspard parlait à sa fiancée de leurs projets futurs. Mais elle était trop concentrée sur ses propres pensées pour réellement l’écouter.  

Son attention fut soudainement attirée par des mouvements perceptibles dans une cour intérieure auprès d’eux. Se penchant légèrement, elle aperçut deux hommes brutalisant un troisième, un homme à la peau noire. Ils le frappaient et, à demi assommé, le poussèrent dans un fiacre peint de noir. Auprès deux, un autre homme (Trevor EDELMAN) se tenait en recul, vêtu de noir, observant la scène avec calme et froideur. Il monta dans le fiacre à leur suite, et le véhicule se mit en branle, tiré par deux chevaux, sortit de la cour et déboucha dans la ruelle. Eulalie et Gaspard durent s’arrêter pour ne pas être bousculés. Alors que le fiacre les frôlait, Eulalie fut saisie par le regard de cet homme en noir qui se posa sur elle, un regard froid et glacial, des yeux translucides sur une peau brûlée par le soleil et des cheveux lisses d’une blancheur étonnante. La scène n’avait duré en quelques secondes à peine.  

- Gaspard, as-tu vu ce que je viens de voir ?  

- De quoi parles-tu ma douce ?  

- Ces hommes viennent de brutaliser un pauvre nègre et l’ont embarqué de force dans leur fiacre. Et cet homme, ce regard… J’en ai des frissons !  

- Quelque esclave évadé sans doute. Mais si je comprends bien, tu n’écoutais pas ce que je disais !  

Devant la légèreté de la réaction de Gaspard, Eulalie pensa se dit qu’elle prenait les choses trop au sérieux. Réprimandée, elle fit donc en sorte de se consacrer à l’écoute des beaux projets de son amant. Ainsi, conversant avec tendresse, ils arrivèrent devant l’enseigne du joaillier. Gaspard, le regard mutin, demanda avec un sous-entendu mystérieux bien inutile à sa fiancée de l’attendre quelques minutes. Eulalie le regarda entrer dans l’échoppe avec amusement.  

Elle faisait les cent pas dans la rue commerçante, quand son regard fut à nouveau attiré dans les tréfonds de la cour intérieure d’une maison bourgeoise. Le fiacre noir ! Il était vide à présent. De toute évidence, ses occupants se trouvaient dans cette maison. Emoustillée par tant de mystère, elle ne put s’empêcher d’entrer dans cette cour. Les volets de la maison étaient tous clos, aussi n’avait-elle qu’à demi l’impression de s’immiscer dans un endroit interdit. Elle longea le bâtiment et pénétra dans un étroit passage menant probablement à l’arrière de la maison. C’est alors qu’elle entendit un cri… Il provenait de l’entrebâillement d’une lucarne poussiéreuse donnant sur une probable cave. Elle se pencha, fut contrainte de poser les genoux sur le sol terreux, et tenta d’apercevoir quelque chose. Elle vit un groupe d’une quinzaine de personnes, des hommes et des femmes, des enfants vêtus de haillons, certains à la peau noire, d’autres à la peau plus claire. Ils étaient recroquevillés dans le coin d’une cave sombre, éclairés de faibles chandelles, et semblaient terrorisés. Des hommes solidement bâtis et vêtus plus convenablement les brutalisaient afin de les forcer à se lever et à quitter la pièce. Eulalie était scandalisée par tant de violence. Elle voulu rejoindre Gaspard, mais fut contrainte de se terrer à l’angle de la maison : dans la cour d’entrée, on avait fermé le portail et les prisonniers de la cave étaient maintenant menés hors de la bâtisse pour être précipités dans deux lourdes carrioles fermées, identiques à celles qu’on pouvait voir transporter des prisonniers dangereux. Eulalie était terrorisée : elle n’avait rien à faire là, et elle se doutait que ce qui se déroulait devant elle n’était pas très honnête.  

Soudain, elle entendit le craquement d’une brindille dans son dos. Elle se retourna : l’homme en noir était là et la fixait de son regard de glace…  

 

Gaspard cherchait sa fiancée aux abords de la joaillerie. Il n’avait pas été absent très longtemps, où s’était-elle éloignée ? Soudain, il entendit un cri de matrone et des injures : des chevaux menaient deux lourdes carrioles en bois à tambour battant et fendaient la foule des passants. Les cochers ne prenaient pas de précaution, un homme fut bousculé brutalement. Gaspard fut obligé de se plaquer contre le mur pour ne pas se retrouver sous le sabot d’un cheval. A la suite des deux véhicules, il reconnut le carrosse noir qui avait déjà manqué de le blesser peu de temps auparavant. Lorsqu’il fut passé, il aperçut subrepticement un visage à la vitre arrière, une jeune femme qui se débattait avant d’être camouflée par une main qui referma brutalement le rideau. Il lui fallu un temps de réflexion pour réaliser que ce visage était celui de sa fiancée… Passé la stupeur, il prit son élan et tenta de rattraper le fiacre. Mais il était moins puissant que les chevaux à fendre la foule, et il comprit vite que c’était peine perdue.  

Que se passait-il ? Pourquoi Eulalie était-elle dans ce véhicule, qui l’y avait contrainte ? Ses pensées défilaient à toute vitesse. Que pouvait-il faire ? Aller trouver les hommes d’armes ? Leur poste était trop loin. Il aurait plus vite fait de rejoindre le domicile des parents d’Eulalie et de demander de l’aide.  

Il courut à perdre haleine. Arrivé devant la grande maison surplombant le port, il percuta Charles (Hiromi TORRES), le frère d’Eulalie. L’homme qui lui fallait.  

- Charles, vite ! A cheval ! On a enlevé Eulalie, il faut les rattraper !  

- Bon sang Gaspard, qu’est-ce que c’est que ces fadaises ?  

Il ne prit pas le temps de lui répondre et l’entraina vers l’écurie.  

- Aide-moi à atteler, je t’expliquerai plus tard. Il faut faire vite, avec la foule, ils ne sont peut-être pas loin ! Mais ça ne durera pas.  

Ils débouchèrent sur le port, les mains solidement ancrées sur leurs rennes. Gaspard entraîna Charles au galop. Il décida de longer la rue commerçante par les quais, plus spacieux. Pourvu qu’il retrouve leurs traces ! Lorsqu’ils rejoignirent la grande artère où débouchait la rue commerçante, ils ne purent pas distinguer les attelages. Mais leurs traces étaient encore fraiches : des gens vitupéraient contre un tel scandale, des étals étaient renversés, des personnes blessées… Ainsi purent-ils poursuivre les traces qui les menaient hors de la ville. Gaspard était surpris que, malgré les obstacles, les fuyards aient tout de même pu être si rapides… Arrivés hors de Nantes, les traces étaient plus difficiles à repérer. Mais les deux hommes ne manquaient pas de se renseigner auprès des paysans qu’ils croisaient, et tous leurs confirmaient qu’ils étaient sur la bonne route.  

La nuit était tombée et leurs montures commençaient à plier sous le poids des lieues parcourues et de la rapidité du train qui leur était imposée. Ils approchaient de l’océan, quand, retrouvant les bords du fleuve, ils aperçurent, au milieu de nulle part, un éclairage inaccoutumé. Gaspard descendit de cheval et s’approcha furtivement. Ce qu’il aperçut l’étonna grandement : un débarcadère de fortune avait été aménagé pour permettre à une galère d’une taille impressionnante d’accoster. Sur le rivage, il distingua à la lueur de nombreuses torches les deux carrioles ainsi que le fiacre noir. Des hommes, des femmes et des enfants enchainés étaient rudoyés avec violence pour monter à bord de la galère. Puis Gaspard aperçut une jeune femme tenaillée par des hommes robustes et entraînée en direction du ponton, suivie par une longue silhouette noire. Pas de doute, il s’agissait bien d’Eulalie !  

Au milieu de nulle part, loin de tout secours, Gaspard n’hésita pas sur la conduite à tenir.  

- Charles, aux armes !  

Les deux hommes dégainèrent leur rapière et s’avancèrent d’un pas décidé. Arrivé à portée de voix, Gaspard tança les énergumènes.  

- Laissez cette femme tranquille !  

A leur vue, l’homme en noir fit un simple signe de main à ses hommes. Une dizaine d’entre eux firent face aux importuns et dégainèrent à leur tour. Gaspard et Charles ne se firent pas prier. Fines lames, ils attaquèrent les premiers. Gaspard ne se sentait plus de rage et démontrait la plus grande dextérité. Sa rapidité, sa souplesse et sa précision eurent tôt fait de transpercer et déchirer les chairs de quatre de ces brutes. Charles, de son côté, ne s’en tirait pas mal non plus. Eulalie avait reconnu ses sauveurs et leur criait à l’aide tout en résistant autant que possible aux mains de fer de ses deux cerbères. Le combat tournait à l’avantage de Gaspard et Charles. Aussi l’homme en noir s’avança, accompagné de quatre hommes supplémentaires. Il dégaina à son tour une lame effilée et d’une forme inhabituelle, étrangement serpentine. Il fit signe à ses hommes de s’attaquer à Gaspard pendant que lui-même faisait face à Charles. Ce dernier, emporté par le combat, s’attaqua à lui de toutes ses forces. L’homme en noir se contenta de parer le coup avec une grande facilité et son adversaire perdit l’équilibre, entrainé par le poids de son élan. Aussi rapide qu’inattendu, il profita de ce déséquilibre pour enfoncer sa lame dans la poitrine du jeune homme. Gaspard, décontenancé par le cri d’Eulalie qui venait de voir son frère tomber, détourna son attention du combat. Ce fut suffisant pour qu’un de ses assaillants lui transperce à son tour les côtes. Gaspard vit le sol tourner et, en quelques instants, tout s’était obscurcit…  

 

 

Lorsqu’il se réveilla, Gaspard eut d’abord beaucoup de mal à reconnaître les lieux et se souvenir de ce qui s’était passé. Quand on put l’aider à recoller les morceaux, le désespoir fondit sur lui : il avait été retrouvé inanimé sur les berges de la Loire et avait perdu beaucoup de sang. Sa note de joaillier avait indiqué son nom, il avait été ramené en ville et ses beaux-parents l’avaient accueilli. C’était chez eux qu’il était alité depuis maintenant plus d’une semaine. Il avait bien failli passer de vie à trépas, mais était maintenant hors de danger. Ses hôtes pleuraient la mort de leur fils unique et l’enlèvement de leur seul autre enfant. Les cadavres des adversaires laissés gisant auprès de Gaspard avaient rapidement permis aux forces de police de retrouver leurs complices à Saint-Nazaire. Interrogés, ils avaient délivré toutes leurs informations : Eulalie avaient été embarquée sur une galère égyptienne menée par des contrebandiers étrangers. Des trafiquants d’esclaves, guidés par un homme connu sous le nom de Zand, et dont on ne connaissait pas exactement l’origine. Un mercenaire perse était l’information la plus plausible. Il était déjà bien connu des douaniers de France et d’Europe parce qu’il commerçait des hommes et des femmes vers les pays arabes et ottomans sans respecter les lois du commerce en vigueur dans le royaume. Mais ce qu’on lui reprochait était surtout d’enlever aussi bien des sauvages aux marchands d’esclaves que des Français ou tout autre Européen, capturés dans les bas-fonds des principales villes portuaires de la Méditerranée. Sa présence à Nantes était une nouveauté.  

Gaspard était désemparé. Il ne pouvait rester sans rien faire. Il décida de partir à la recherche de sa fiancée, et de venger Charles s’il le pouvait. Mais retrouver Eulalie était sa priorité. Son beau-père lui offrit de financer son voyage, aussi longtemps durerait-il. C’est ainsi que, deux semaines plus tard encore, Gaspard put retrouver suffisamment ses forces pour s’embarquer dans le port de Nantes. Il n’avait aucune idée d’où retrouver Eulalie. C’est pourquoi il avait décidé de se fier à l’origine de la galère et de s’embarquer pour Le Caire.  

 

 

Le voyage fut interminable et Gaspard bouillait d’impatience. Deux longues semaines furent nécessaires pour arriver à bon port. Eulalie avait été enlevée depuis plus d’un mois maintenant ! Mais Gaspard n’était pas au bout de ses peines, car s’il réussit à trouver un armateur qui connaissait le navire en question, il apprit qu’il avait été vendu à une compagnie de Damas. Qu’était-ce Damas, où était-ce ? Plus loin, au bout de la Méditerranée, au cœur de l’empire ottoman… Aussi vite qu’il le put, Gaspard reprit donc la mer pour débarquer sur les côtes de l’Emirat libanais, d’où il put rejoindre Damas après une longue journée de chevauchée.  

S’il n’avait pas été si préoccupé par sa mission en entrant dans la ville fortifiée, il aurait pu remarquer à quel point cette cité était splendide : arabesques finement ciselées, maisons richement décorées, architectures grandioses, la ville respirait l’opulence et le commerce florissant. Ses rues bondées mélangeaient toutes sortes d’effluves inconnues et Gaspard se perdait dans le flot des paroles de toutes ces langues inconnues. Il déambulait au hasard, réfléchissant à la stratégie qu’il devait adopter pour obtenir des résultats, quand une vieille femme à la peau burinée, aux yeux plissés soulignés d’un large trait noir, s’approcha de lui et lui parla dans une langue qu’il ne comprenait pas. Elle lui prit la main et y suivit les lignes de son index. Gaspard la repoussa.  

- Laisse-moi, vieille femme. Je n’ai pas de temps pour tes superstitions.  

Il s’apprêtait à poursuivre son chemin, quand il entendit :  

- Tu as tort, Messire. Zayane peut t’aider à trouver ce que tu cherches.  

Surpris, Gaspard se retourna. C’était bien cette vieille mendiante (Adele COHEN) qui venait de s’adresser à lui dans un français chargé d’un lourd accent trainant.  

- Comment parles-tu ma langue ?  

D’un air espiègle et mystérieux, elle lui répondit :  

- Zayane a beaucoup écouté les marchands venus de la mer. Elle connaît beaucoup de leurs langues.  

- Tu es bien surprenante. Et tu dis que tu peux m’aider ? Mais comment saurais-tu ce que je cherche ?  

- Si tu me donnes ta main, je verrai, c’est tout.  

Intrigué, bien que sceptique, Gaspard lui tendit la paume de sa main. La vieille dame s’y plongea en fronçant les sourcils.  

- Je vois la colère, la fougue et le courage. Je vois la peine, le cœur qui saigne. Je vois l’objet perdu, entouré de désert. Je vois que tu as bien fait de venir, tes réponses sont ici. Mais ta ligne n’a pas de fin, ta route sera longue.  

Gaspard perdit patience.  

- Tes phrases ne mènent à rien, tu inventes, vieille folle.  

Il voulut partir. Mais une fois encore, Zayane le retint de sa voix :  

- Tu ne connais pas Damas, Messire. Tu aurais tort d’ignorer ce que tu ne connais pas. Damas gardera ses secrets loin de toi.  

Le jeune homme hésitait. Elle n’avait pas tout à fait tort sur un point : il ne connaissait pas la ville, ni les mentalités des personnes qu’il lui faudrait approcher, convaincre, peut-être soudoyer. Ses fariboles ne l’intéressaient guère, mais elle pourrait peut-être lui être utile.  

- Bien, montre-moi l’étendue de tes pouvoirs. Conduis-moi à « l’objet de mes recherches ».  

Zayane restait immobile devant lui. Il se demandait ce qu’elle attendait. Elle porta son regard sur la ceinture richement ornée qui lui ceignait les hanches. Gaspard comprit.  

- Ne t’en fais pas, je te paierai.  

- Inch’Allah. Suis moi…  

Elle le mena à travers un dédale de ruelles, d’escaliers et de couloirs exigus. Ils s’enfonçaient dans les bas-fonds de Damas, et Gaspard se demandait s’il n’avait pas été trop imprudent. Quand soudain Zayane attrapa un jeune garçon par l’épaule et lui parla à l’oreille en désignant l’étranger.  

- Messire, voici Rani (Youssef BENMAKEL). Tu peux lui faire confiance. Il te mènera là où tu voudras.  

- Mais comment pourrait-il ? Je ne peux même pas lui parler.  

- Zayane lui a dit. Il te conduira au marché aux esclaves.  

Gaspard était abasourdi.  

- Mais… comment sais-tu… ?  

- Si tu ne crois pas en Zayane Messire, Damas ne croira pas en toi ! Va.  

 

 

La taille du marché était impensable. Gaspard avait vu beaucoup d’esclaves transiter sur le port de Nantes, mais jamais une multitude aussi disparate qu’en cet endroit. Des Zoulous, des Nubiens, des Sahariens, mais aussi des Orientaux, des Levantins… et des Européens ! Tous s’achetaient, se marchandaient, se négociaient. Le jeune homme se sentait très mal à l’aise. Lui qui ne s’était jamais posé de questions, il lui fallait voir des visages d’esclaves semblables au sien pour se rendre compte de l’injustice et de l’atrocité d’un tel commerce. Le jeune Rani le tirait par le bras et lui indiquait une direction précise. En la suivant, Gaspard aperçut une femme extraordinaire (Alona CANNON) se mouvoir au milieu de cette foule. D’une beauté insolente, elle marchait parée des atours les plus précieux, entourée d’esclaves aussi soumises que protectrices. Son visage et son regard affichaient une domination aussi naturelle que souveraine sur cette multitude négligeable. Rani le poussa à la suivre discrètement, et elle les mena jusqu’à une grande bâtisse richement ornée.  

Soudain, le visage de Gaspard pâli : sur le perron de cette maison, il reconnu une silhouette qui le fit frémir. L’homme en noir, le dénommé Zand, là-bas, à quelques mètres de lui ! Il conversait maintenant avec la mystérieuse beauté et disparut avec elle derrière une lourde porte de bois verni. Gaspard voulu s’élancer, il ressentait une colère sourde gonfler en lui, mais Rani le retint. Le langage les séparait, pourtant le jeune garçon réussit à lui faire comprendre qu’il lui faudrait patienter. Il l’amena sur le toit d’une vieille masure qui faisait face à la riche bâtisse, et là, ils attendirent que la nuit tombe.  

 

 

L’heure était venue. Leur position avait permis à Rani de lui montrer le chemin à suivre. Le vieil étal d’un épicier lui permettrait d’atteindre le grillage d’une fenêtre, qui à son tour lui ouvrirait la voie jusqu’à un balcon dont la fenêtre ne possédait pas de vitre ni de grillage. Gaspard s’élança, mais s’arrêta rapidement : Rani s’accrochait à ses pas. Gaspard le repoussa, tenta de lui faire comprendre qu’il ne pouvait pas l’accompagner, que c’était trop dangereux. Rani finit par comprendre, et recula en montrant toute la déception et la vexation que cet apparent manque de confiance représentait pour lui.  

Gaspard put atteindre le balcon sans difficulté. Il pénétra dans une pièce obscure, mais dont un rideau laissait filtrer une lueur. De l’autre côté, il parvint dans une galerie qui surplombait un patio. C’est là qu’il retrouva Zand et la femme. Ils reposaient sur des coussins en dégustant des mets délicats. Ils conversaient alors que Zand enduisait langoureusement d’huile les jambes dénudées de sa comparse. Gaspard resta recroquevillé derrière la balustrade et les écouta. Ils parlaient en italien, une langue qu’il connaissait lui-même suffisamment pour les comprendre.  

- L’Emir m’a renvoyé la mulâtresse que tu lui as envoyée. Que penses-tu de cela ?  

- Vous savez bien comment il est, Contessa. Il se sert, il lui a probablement refilé une quelconque maladie, et il cherche quelqu’un d’autre pour en supporter le blâme. Si vous me laissiez lui dire ma façon de penser…  

- Ta façon de penser n’est pas bonne pour les affaires, Zand. Crois-tu que nous pouvons nous passer de l’Emir ? Il faut se rattraper, et vite. Quand pourrai-je lui amener notre « petit diamant » ?  

- Très bientôt. Elle est plus docile, maintenant. Le temps que quelques marques disparaissent, et elle sera prête.  

- Il raffole des blanches. Une Française pour son harem, qui plus est vierge et jolie comme un cœur, c’est sans doute le cadeau qui nous ouvrira bien des portes. Prends-en soin…  

Gaspard tressaillit. Une Française, cela ne pouvait être qu’Eulalie. Il ne put rester caché plus longtemps. Rapière en main, il enjamba la balustrade et atterrit au beau milieu de leur repas. La « Comtesse » émit un cri de surprise, et Zand ne prit que le temps de se redresser et dégainer à son tour son étrange épée. Les deux hommes se faisaient face. Gaspard ne put s’empêcher de souligner son effet de surprise :  

- Emir ou pas, ce cadeau me revient…  

Sans qu’il eût besoin de prononcer une seule parole, Gaspard lut dans les yeux translucides de son adversaire la stupéfaction lorsqu’il le reconnût, suivie d’un mépris dédaigneux. Cette fois, ce fut Zand qui lança le premier estoc. Gaspard le parât sans difficulté et put enchaîner plusieurs de ses meilleures prises. Zand fut rapidement surmené, surprit par l’habileté de la riposte. Cependant, Gaspard ne réussit qu’à lui entailler la joue. Zand était moins assuré sur ses arrières à mesure que son adversaire enchaînait les attaques et les parades, et au bout de quelques ripostes, il fléchit et se fit désarmer. Gaspard s’apprêtait à lui livrer le coup de grâce, lorsque la voix de la Comtesse s’éleva dans le patio, dans un excellent français teinté d’un léger accent transalpin :  

- Je vous déconseille fortement de faire cela.  

Gaspard retint son geste et tourna la tête. La Comtesse tenait Rani par les cheveux, une dague maintenue contre sa gorge. « Le bougre, il m’a suivi… »  

 

Gaspard était enchaîné à un pilier de marbre du patio. Le jeune Rani était quant à lui étroitement surveillé par Zand, qui pansait l’entaille que Gaspard lui avait faite. La Comtesse se tenait à quelques centimètres du visage de Gaspard. Il pouvait sentir son souffle sur le visage, mélangé à l’odeur enivrante du parfum safrané de sa peau.  

- Alors la chevalerie existe encore ? Vous avez vraiment traversé les mers pour retrouver votre dulcinée ?  

- Qui êtes-vous ? Où est Eulalie ? Que lui avez-vous fait ?  

- Vous avez raison, je ne me suis pas présentée. Comtesse Teresa di Cortazzone. J’ai bien peur que ce soit par ma faute que votre chère et tendre se soit… absentée. Voyez-vous, Zand travaille pour moi, et il m’a confié que votre amie s’était intéressée à mes affaires d’un peu trop près. Je n’étais pas là, alors il a prit la décision de me l’amener. Ce qui, je dois vous l’avouer, m’a fait grand plaisir. Vous avez beaucoup de goût. Et si je peux me permettre, elle aussi.  

Elle promenait son doigt muni d’une bague armure aux motifs persans le long du torse dénudé et en sueur du jeune homme.  

- Si les humains ne sont que des marchandises pour vous, dites-moi son prix. Je peux vous payer.  

La Comtesse rit.  

- J’ai bien peur qu’elle soit devenue inestimable, même pour vous ! Mais vous verrez que je ne suis pas si dure en affaire. Je ne peux pas vous la rendre, mais je peux vous aider à la retrouver. Après, libre à vous de faire à votre guise.  

- Comment ?  

- Zand est bien obligé d’admettre que vous êtes une lame particulièrement impressionnante. Je ne l’avais jamais vu vaincu. Alors je pense que vous pouvez m’être utile. Vous mettre à mon service quelques temps, voilà mon marché.  

Gaspard rit avec dédain.  

- Un garde du corps ? C’est ce dont vous avez besoin ?  

- Pas vraiment. Disons plutôt… un messager. Le monde du commerce est difficile, vous savez. Surtout pour une femme. J’ai beaucoup d’ennemis à Damas. Et par votre entremise, je pourrais leur délivrer quelques messages. Des messages discrets… et fatals !  

 

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Un film d’aventure réalisé par Peter BRADLEY  

Sur un scénario original du Corbeau  

Avec  

Hugh DARBY – Gaspard  

Alona CANNON – La Comtesse Teresa di Cortazzone  

Trevor EDELMAN – Zand  

Juliette GORMAN – Eulalie  

Youssef BENMAKEL – Rani  

Adele COHEN – Zayane  

Hiromi TORRES - Charles  

 

Sur une musique composée par Joan JODOROWSKY  

 

Scénario : (2 commentaires)
une superproduction d'action (Aventure) de Peter Bradley

Hugh Darby

Alona Cannon

Trevor Edelman

Juliette Gorman
Avec la participation exceptionnelle de Hiromi Torres, Youssef Benmakel, Adele Cohen
Musique par Joan Jodorowsky
Sorti le 30 mai 2031 (Semaine 1378)
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