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Les Films du Corbeau présente
Le Garçon brouillon

Un film mélangeant animation et prises de vue réelles  

 

Mireille (Adele Cohen) respirait l’odeur de l’humus et se dirigeait grâce à son odorat parmi les arbres. Elle connaissait la forêt depuis sa tendre enfance, il y avait bien longtemps maintenant. Comme sa poche, dirait-on. Et les coins à champignons n’avaient plus de secrets pour elle. Elle aimait la forêt et avait passé de nombreuses heures, de nombreuses journées à la sillonner dans tous les sens. Elle y avait vu de nombreuses choses qui en surprendraient plus d’un. Personne d’autre qu’elle ne savait à quel point cette forêt regorgeait de secrets bien gardés. Mais ce qu’elle vit ce jour-là fut sans doute la plus étonnante des choses qu’on ait vu de mémoire d’homme dans le village.  

Elle ramassait un couple de cèpes camouflés à l’abri de la mousse, au pied d’un bouleau, lorsqu’elle eut la surprise, en se relevant, de constater qu’on la regardait. A quelques pas, juste devant elle, un jeune garçon se tenait debout et la regardait avec curiosité. C’était un bien étrange garçon : sans forme précise, vêtu d’un étrange tissu qu’on aurait dit fait de riens, il semblait à peine esquissé sur une feuille de papier. Il ne ressemblait pas aux autres petits garçons, pas à grand monde à vrai dire. On n’aurait su dire au juste à quoi il ressemblait précisément. Seuls ses grands yeux, des jeunes jaunes et perçants, se dessinaient au milieu de ce visage brouillé et imprécis qui luisait d’une faible lueur verte.  

La vieille dame s’adressa à lui avec bienveillance.  

- Voilà une bien étrange rencontre ! Qui es-tu, garçon ?  

- Je suis… Je suis… Je ne sais pas bien qui je suis. Qui est-tu, toi ?, demanda le garçon d’une voix à la fois grave et enfantine (voix de Thor Degast).  

- Moi je suis Mireille, et je suis une vieille femme du village à l’orée du bois.  

- Qui t’as dit que tu étais Mireille ?  

- Personne ne me l’a dit. Je le sais parce que je suis née Mireille, et je l’ai toujours été !  

Elle lui répondait tranquillement tandis qu’il prenait quelques instants de réflexion avant chacune de ses questions.  

- Au village, tout le monde sait qui il est ?  

- Bien sûr, au village tout le monde a toujours su qui il est !  

- Moi, je n’ai jamais su. Personne ne me l’a jamais dit.  

- Alors tu devrais décider toi-même qui tu es.  

Le garçon des bois la regarda avec surprise. La vieille dame lui disait des choses auxquelles il n’avait jamais pensé. Il réfléchit un instant de plus, puis ferma les yeux avec force. De vert, sa lumière éblouit dans une teinte de jaune, puis son visage prit la forme d’un énorme champignon, à l’image de celui que Mireille tenait encore à la main.  

- Tu m’as appelé « garçon ». Alors je serai « Garçon ».  

Mireille rit.  

- Des garçons, il y en a déjà plein le village. Et on n’en a jamais vu à tête de champignon ! Non, il faut que tu te trouves un nom qui dira à tous qui tu es, toi et seulement toi. Habites-tu dans cette forêt ?  

Le garçon reprit sa forme initiale.  

- Je crois, oui. Mais personne ne m’a jamais dit si c’était bien ma maison. Je suis tout seul.  

- Alors viens habiter chez moi.  

Elle se demandait s’il souriait. Sans visage, il était bien difficile de savoir…  

 

*  

BO : http://www.youtube.com/watch?v=N5LYhf2cjKU  

*  

 

Le garçon vivait chez Mireille depuis plusieurs jours maintenant. Il était assez facile à vivre : toujours calme, il observait les moindres faits et gestes de Mireille, dormait quand on le lui disait, mangeait ce qu’on lui donnait, tout comme si c’était pour la première fois.  

Un soir, alors que Mireille lui servait de la soupe, il lui dit :  

- Je sais qui je suis.  

- C’est très bien, ça. Alors, qui es-tu ?  

- Je suis Mireille.  

Sur ce, il ferma les yeux, s’éclaira d’une lueur jaune et son visage se transforma en une forme vaguement humaine qui n’était pas, effectivement, sans rappeler celle de la vieille dame. Celle-ci sursauta. Il n’était pas très plaisant de voir son propre visage ainsi déformé par quelqu’un d’autre.  

- Non non non ! Tu ne peux pas être Mireille. Il n’y a qu’une Mireille, et c’est moi.  

Le garçon était déçu.  

- Je n’y comprends plus rien…  

- C’est parce qu’il est trop tôt, et tes questions sont bien difficile pour un petit garçon. Demain, je t’emmènerai à l’école. C’est en apprenant qu’on comprend les choses.  

 

*  

 

La maîtresse présenta le nouvel élève aux autres enfants de la classe. Le village était petit, et l’unique classe regroupait des élèves de tous les âges, des plus petits aux plus grands. Tous regardaient le garçon avec de grands yeux, certains avec curiosité, d’autres avec plaisir, mais d’autres encore ressentaient un peu de peur. Toute la matinée, il écouta les enseignements de la maîtresse, découvrant un monde qu’il ne connaissait pas.  

Dans la cour de récréation, les enfants entouraient le garçon et lui posaient un tas de questions sur lui-même, auxquelles il avait bien du mal à répondre.  

- Pourquoi tu n’as pas de visage ?  

- Où sont tes mains ?  

- Tu viens d’où ?  

- C’est quoi ta couleur préférée ?  

- Quand tu pètes, ça sent quoi ?  

A l’autre bout de la cour, quelques enfants se tenaient à distance de ce drôle de garçon auquel ils ne comprenaient rien. Ils regardaient l’attroupement autour de lui avec méfiance. Parmi eux, une fille un peu plus téméraire que les autres, Emilie (Priscilla Wryn), prit son courage à deux mains et s’avança auprès du garçon en jouant des coudes entre ses camarades impressionnés. Elle lui parla durement.  

- Ca suffit ! Un garçon sans visage et sans nom, on n’a jamais vu ça ! Tu cherches à faire ton intéressant, et bien avec moi ça ne prend pas. Montre-nous tout de suite qui tu es !  

Le garçon était bien embarrassé, il tenta de lui expliquer qu’il ne demandait que ça, montrer qui il était, mais… Emilie le poussa avec force et l’enfant se retrouva par terre. Aussitôt, le plus grand enfant de la cour, Yasin (Youssef Benmakel), s’interposa entre lui et la jeune fille. Il aida le garçon à se relever.  

- Emilie, va jouer ailleurs. Tu es trop bête pour comprendre.  

La jeune fille les fusilla du regard et s’adressa une dernière fois au garçon gribouillé avant de disparaître.  

- Quand on ne sait pas son nom, on ne se montre pas.  

Le garçon remercia Yasin. Puis il ferma les yeux et s’éclaira de jaune. Son visage prit une tournure déformée du visage du jeune garçon qui lui faisait face.  

- Si tu veux bien, je peux m’appeler Yasin aussi.  

- Non non non, Yasin c’est moi et rien que moi. Tu trouveras ton nom plus tard, rien ne presse…  

 

*  

 

A la sortie de l’école, le garçon s’éloigna en direction de la forêt près de laquelle se trouvait la maison de Mireille. Au détour d’un chemin, il tomba nez à nez avec Emilie, qui était accompagnée de quelques uns de ses camarades. Elle lui renvoyait un regard mauvais.  

- Voilà le garçon brouillon. On va lui donner un nom, s’il en cherche un !  

Elle se pencha et ramassa une grosse motte de bouse de vache. Elle le lança au visage sans visage du garçon, lui recouvrant ses yeux jaunes d’excréments. Ses camarades l’imitèrent. Bientôt, le garçon en était recouvert. Emilie s’écria en riant.  

- Sac à merde ! Je vous présente Sac à merde !  

Ils s’enfuirent, bousculant le garçon au passage. Celui-ci se releva et s’épongea les yeux. De jaunes, ils virèrent au rouge, un rouge de colère.  

 

*  

 

Mireille eut bien du mal à le nettoyer. Dès qu’elle essuyait son visage d’un coup de chiffon, elle mettait du désordre dans ses traits gribouillés et le jeune garçon avait bien du mal à remettre ses yeux au bon endroit. Il paraissait découragé. Elle tenta de le réconforter.  

- Tu es trop impatient. Les autres enfants ne sont pas encore prêts à comprendre un étrange petit garçon comme toi.  

- Si je pouvais leur ressembler, ça irait plus vite. Mais ils ne me laissent pas faire.  

- C’est parce que tu ne dois pas chercher à ressembler aux autres. Tu dois te trouver ton propre visage. Et après, les autres t’accepteront comme tu es. Va savoir, c’est peut-être eux qui voudront te ressembler !  

- Me ressembler ? A moi ?  

Après cela, il resta muet toute la soirée. Mireille lui avait donné de nouvelles pensées sur lesquelles réfléchir.  

Alors que la nuit était tombée, il se leva de son lit et disparut par la fenêtre de sa chambre. Il longea les rues faiblement éclairées du village et s’approcha d’une maison près de l’église. A la fenêtre du premier étage, on avait collé des paillettes en forme d’étoile sur la vitre. Le garçon s’éleva du sol, virevoltant tranquillement jusqu’à la fenêtre entrouverte. Il posa ses mains approximatives sur le bord et observa l’intérieur. Par la lueur de la lune, il voyait Emilie assoupie tranquillement dans son lit. Alors ses yeux jaunes reprirent leur couleur rouge. De ses mains sortirent des brins de lierre et d’écorce qui poussèrent, poussèrent et s’insinuèrent le long du mur, puis du plancher. Bientôt, un fourmillement de branches et de feuillage investissait la chambre et s’approchait sans un bruit du lit de la jeune fille…  

 

*  

 

Le lendemain matin à l’école, Emilie vint au devant du garçon lorsque celui-ci arriva dans la cour. Elle le salua avec un plaisir évident, puis s’en alla rejoindre ses amies. Elle avait quelque chose de différent, et les autres enfants la regardaient passer avec perplexité. Son visage s’était éclairé d’une lumière légèrement rose, et ses traits étaient moins précis, moins marqués que la veille.  

A l’heure de la récréation, Yasin vit le garçon marcher côte à côte avec Emilie. Ils avaient l’air de très bien s’entendre tous les deux. Et le visage d’Emilie paraissait encore plus diffus que le matin, presque trouble. Il fronça les sourcils.  

A la cantine, Emilie et le garçon des bois s’assirent côte à côte. Le nez et la bouche d’Emilie avaient maintenant complètement disparu. Ne restaient plus que ses yeux au milieu du visage. On aurait dit un frère et une sœur. Mal dessinés.  

A la récréation, Yasin vit passer près de lui une autre petite fille qui, comme Emilie le matin, avait changé : son visage avait moins d’expression et brillait d’une délicate lumière orangée. Ses traits étaient plus légers qu’une heure auparavant. Il chercha le garçon verdâtre du regard mais ne le voyait nulle part. Il sillonna la cour de l’école et le trouva caché derrière les toilettes du préau, à l’abri des regards. Ses mains se prolongeaient en un amoncellement de brindilles d’écorces et de feuillages qui entraient par la bouche, les narines et les oreilles d’un petit garçon que ceinturait Emilie. Yasin s’interposa violemment entre eux et délivra le jeune élève de l’étreinte d’Emilie. En se retirant avec précipitation, les brindilles du garçon des bois griffèrent les joues et le nez de sa victime et du sang lui coula du nez. Yasin était en colère et se tourna vers le garçon vert.  

- Si c’est pour ça que tu es sorti de la forêt, tu ferais mieux d’y retourner. Tu n’as rien compris, rien de rien.  

Les yeux du « garçon brouillon » avaient viré au rouge. Ses brindilles frétillaient, menaçantes, au bout de ses mains.  

- C’est facile à dire pour toi, tu as toujours su qui tu es.  

- Tu te trompes…  

Mais le garçon ne lui laissa pas le temps de s’expliquer. De brindilles, ses mains se transformèrent en branchages puissants qu’il projeta sur Yasin et qui le percutèrent en plein visage. Il s’affala sur le sol, complètement assommé.  

Lorsqu’il se réveilla, Yasin était seul dans la cour et le jour était sur le point de laisser place à la nuit. Il chercha les autres élèves de l’école, mais tout le monde avait disparu. Sans doute étaient-ils rentrés chez eux. Mais dans quel état ? Yasin était fébrile et ses mains tremblaient. Il se sentait épuisé. Alors il ferma les yeux avec force et son visage s’éclaira d’une vive lumière. Ses traits, son visage et ses cheveux s’effacèrent pour laisser la place à la même forme diffuse que le garçon vert, mais dans une teinte bleutée. Sous cette forme, il dépensait moins d’énergie et pouvait mieux réfléchir. Il ne pouvait pas dire qu’il venait lui aussi des bois. Ca avait été tellement difficile de se trouver une place dans le village qu’il ne pouvait pas se permettre de revenir en arrière. Mais il ne pouvait pas le laisser faire non plus, sinon tous les villageois allaient bientôt perdre leur visage. Puis leur nom. Alors tout le monde deviendrait semblable, c’est-à-dire personne...  

 

Reprise de la BO : http://www.youtube.com/watch?v=N5LYhf2cjKU  

 

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Un conte (à peu près) philosophique de Dante Machine  

Sur un scénario original du Corbeau  

 

Avec  

Thor DEGAST - la voix du garçon  

Adele COHEN - Mireille  

Youssef BENMAKEL - Yasin  

Priscilla WRYN - Emilie  

 

Sur une musique d’Alyssa EICHINGER  

Scénario : (1 commentaire)
une série B fantastique (un conte (à peu près) philosophique) de Dante Machine

Thor Degast

Adele Cohen

Youssef Benmakel

Priscilla Wryn
Musique par Alyssa Eichinger
Sorti le 10 juillet 2032 (Semaine 1436)
Entrées : 21 691 667
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