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Les Films du Corbeau présente
Le Tour du monde

Orfeo (Oliver Parks) huma une dernière fois l’air marin du Nord. Le crépuscule était proche et la gare routière presque vide à cette heure tardive. Le jeune homme monta dans le dernier bus, muni de son étui à guitare. Ils étaient moins d’une dizaine de voyageurs à attendre le départ pour le Sud du pays. Le moteur se mit en route et le véhicule trembla. Alors que les portes étaient sur le point de se fermer, une dernière voyageuse monta à bord. Orfeo, accoudé contre la vitre, la regarda progresser jusqu’au fond du bus alors qu’il se mettait en route. Elle avança difficilement dans l’allée, mais ce n’était pas le cahot du véhicule qui la faisait tituber. Ses traits étaient tirés, elle frissonnait, sa tenue grunge était négligée et des restes de mèches peroxydées sillonnaient sa chevelure brune.  

Jo (Suri Pendragon) s’affala sur les banquettes arrière, seule au fond du bus. Elle avait froid, et mal au ventre. Elle ne pouvait empêcher ses mains de trembler. A l’abri des regards derrière le dossier des banquettes, elle vida son large sac à main sur le siège près d’elle et s’agrippa à une boite en plastique. Elle en sortit un lacet en latex qu’elle enroula fébrilement autour de son biceps, et une seringue. Maladroitement, douloureusement, elle s’injecta une substance jaunâtre dans les veines. Puis se prostra contre la rangée de sièges.  

Au bout de quelques minutes, elle se redressa légèrement et posa son visage contre la vitre. Sa fraicheur l’apaisait, ses muscles se détendaient. Elle se sentit plus sereine. La nuit était tombée et les néons des lampadaires de l’autoroute éclairaient son visage par intermittence.  

Elle entama une chanson, qu’elle seule pouvait entendre : https://www.youtube.com/watch?v=BpnSNKFj9tk.  

 

*  

 

Le bus s’était arrêté dans une aire d’autoroute. Le chauffeur, comme les voyageurs étaient descendus pour se dégourdir les jambes, se soulager ou se sustenter. Orfeo fumait une cigarette, assis sur le bord d’un trottoir. Jo sortit de la station-essence, les cheveux encore mouillés de l’eau qu’elle venait de se passer sur le visage. Elle rejoignit une cabine téléphonique et y composa un numéro. Orfeo était proche, mais pas suffisamment pour entendre la discussion. Néanmoins il sentait la tension qui habitait la jeune femme et comprit quelques mots lorsqu’elle termina sa discussion sur des éclats de voix.  

- Vieille connasse, je me fous de ce que dit le juge ! C’est mon gamin et je vais le reprendre…  

Jo raccrocha avec violence et sortit de la cabine en trombe. Elle s’assit à quelques mètres d’Orfeo et plongea son visage dans ses mains. Le jeune homme s’approcha et lui tendit une cigarette. Jo lui répondit tout d’abord par un regard méfiant. Mais elle accepta la cigarette et s’éloigna pour la fumer. Le chauffeur rejoignit le véhicule.  

 

*  

 

Jo était surexcitée, elle ne tenait pas en place sur son siège. Une angoisse lui vrillait l’estomac, elle avait besoin de bouger. Orfeo somnolait la tête posée contre la vitre mais se réveilla lorsque la jeune femme buta contre le dossier de son siège. Il la regarda remonter l’allée et rejoindre le chauffeur. Un conciliabule s’engagea entre eux. Elle était visiblement énervée. De là où il était, il n’entendait rien et ne distinguait pas le chauffeur. Alors Jo devint hystérique et agrippa la manche de l’homme. Le bus fit une dangereuse embardée qui envoya la jeune femme valser dans l’allée. Le chauffeur freina brutalement et stoppa son véhicule sur la bande d’arrêt d’urgence. Jo se précipita sur la porte du bus, qu’elle tambourina. Le chauffeur la laissa sortir. Orfeo se leva et le rejoignit :  

- Vous n’allez pas la laisser partir comme ça ?  

- Elle est complètement folle ! Elle a failli nous foutre en l’air !  

Il regarda la jeune femme s’éloigner le long de la barrière, dans la nuit.  

- Ne fermez pas les portes. Je sors.  

La housse de guitare harnachée sur l’épaule, il regarda le bus redémarrer. Puis il s’empressa de rejoindre la jeune femme qui escaladait une clôture et rejoignait une route de campagne qui longeait l’autoroute. Il la rattrapa et marcha à ses côtés, en silence. La pleine lune éclairait le bitume et l’air était doux, même en plein milieu de la nuit. Jo lui lança un regard noir.  

- Foutez le camp.  

Orfeo ne se laissa pas intimider.  

- C’est dangereux de se trimbaler la nuit au milieu de nulle part. Savez-vous au moins où vous allez ?  

- Je ne pouvais plus rester enfermer. Il faut que je rejoigne une ville.  

- Laquelle ? Je ne sais pas où nous sommes.  

- Peu importe. Je m’en fous.  

Ils marchèrent ainsi plus d’une heure, en silence, s’éloignant de l’autoroute. Ils s’enfonçaient dans la campagne sans réussir à rejoindre la moindre bourgade. Jo ralentissait de plus en plus sa marche, haletante. Elle était épuisée. Orfeo distingua alors les toitures d’une ferme. Il lui prit le bras et l’entraina silencieusement dans la cour endormie.  

- Qu’est-ce que vous faites ?  

- On ne peut pas continuer comme ça longtemps. Il faut dormir.  

Il l’attira vers un hangar retranché, sans paroi, sous lequel reposaient plusieurs piles de bottes de paille. Jo monta sur l’une d’elle et s’allongea. Tous ses muscles étaient douloureux. Orfeo s’adossa contre une autre botte de paille, à quelques mètres d’elle. Il reposa ses jambes un instant et s’alluma une cigarette. La lune caressait le visage de Jo, qui s’assoupissait lentement. Mais elle fut réveillée par des notes de musique. Elle rouvrit les yeux : Orfeo avait sorti la guitare de sa housse et entamait une mélodie douce et vivante avec beaucoup de dextérité : https://www.youtube.com/watch?v=jxodluTaz4g. Sa musique l’apaisa, et elle sombra bien vite dans un sommeil profond.  

 

*  

 

Le lendemain, ils reprirent la route avant que la ferme ne se réveille. Jo paraissait toujours tendue et nerveuse. Il tenta de la faire parler, mais il ne réussit qu’à apprendre qu’elle allait dans le Sud pour « récupérer son môme ». Alors pourquoi cherchait-elle à rejoindre une ville ? Il n’obtint pas de réponse à ce sujet. Mais il avait son idée : il savait reconnaître une toxicomane quand il en rencontrait une, et si elle ne semblait pas particulièrement en manque, il soupçonnait qu’elle angoissait peut-être de n’avoir plus rien sur elle quand lui viendrait le moment d’assouvir son besoin.  

Ils rejoignirent enfin un village et purent se renseigner sur l’endroit où il se trouvait. Orfeo avait visiblement une grande connaissance des routes de ce pays.  

- Des amis vivent dans un village à quelques heures de route. Ils pourront vous aider.  

- C’est d’une grande ville que j’ai besoin.  

- C’est la solution la plus rapide que j’ai à vous proposer.  

Et effectivement, ils passèrent le reste de la journée à marcher et progresser en auto-stop (mais l’allure négligée de la jeune femme était un sérieux obstacle à cette option), et ne traversèrent que des petits villages. Ils parvinrent dans l’un d’eux à la fin de l’après-midi. L’état de santé de Jo s’était dégradé au fur et à mesure de la journée : elle était de plus en plus pâle, éreintée, et ses tremblements l’avaient reprises. Néanmoins Orfeo la fit marcher encore un moment. Ils sortirent du village et progressèrent le long d’un sentier de campagne. Jo ne posait pas de question : elle maintenait toute sa concentration à poser un pied devant l’autre. Ils s’arrêtèrent enfin près d’une clairière où était disposé un attroupement de caravanes. Un campement de gitans. Orfeo y fut accueilli à grands éclats de joie et de surprise, dans une langue que Jo ne comprenait pas. Elle était sur le point de défaillir. S’inquiétant de l’état de sa compagne, Orfeo murmura quelques mots à ses compagnons. Une femme au teint hâlé la prit par le bras et l’entraîna dans une caravane, où elle étendit la jeune femme qui grelottait. Bientôt, un adolescent les rejoignit et présenta à Orfeo le matériel nécessaire. Mais le musicien préféra le laisser faire. Le garçon laça le bras de Jo et prépara la seringue. Orfeo regardait les nombreuses traces de piqûres mal cicatrisées dans la paume du coude de la jeune femme.  

 

*  

 

Jo se réveilla apaisée. Néanmoins une angoisse la prit quand elle se rendit compte qu’elle ignorait où elle était. Elle distingua l’intérieur d’une caravane inconnue dans la pénombre. Elle se leva et ouvrit la porte. La nuit était tombée et un groupe de personnes s’était regroupé autour d’une flambée à même le sol. Des femmes et des enfants souriaient en tapant des mains pendant que des hommes jouaient de la guitare. Elle reconnut le visage d’Orfeo, recroquevillé sur son instrument, enflammant la nuit d’une musique endiablée : https://www.youtube.com/watch?v=hWuhp_zkmlU.  

Elle se sentit bien, en sécurité. Une femme l’aperçut et lui apporta une assiette de nourriture. Jo resta assise sur le marchepied de la caravane et profita du spectacle. Des visages se tournaient vers elle en souriant. Elle sentait une énergie et une joie de vivre monter en elle, qu’elle n’avait plus ressenti depuis bien longtemps. Les hommes terminèrent leur morceaux et tous crièrent et rirent. Orfeo rejoignit sa compagne de voyage pour s’enquérir de sa santé. Elle lui sourit mais, pour toute réponse, se leva et s’approcha d’un homme qui tenait une guitare acoustique. Il accepta de lui prêter. Alors la jeune femme s’assit au milieu du cercle de gitan et entama une chanson à son tour : https://www.youtube.com/watch?v=AhMffIxV-84.  

Tous l’écoutèrent cérémonieusement. Orfeo la regardait intensément. Sa chanson était sombre et mélancolique, mais il se dégageait de sa voix une pureté et une flamme qu’il n’avait pas ressentit en elle jusqu’à présent. Cette femme le touchait. La femme assise à ses côtés se pencha vers lui et lui susurra quelques mots dans leur langue.  

- C’est un oiseau blessé qui cherche à s’envoler. Il est fait pour faire le tour du monde, cet oiseau-là. Il faut que tu l’aides, Orfeo.  

 

*  

 

Jo marchait à nouveau sur une petite route de campagne, entourée d’une succession de champs baignés du soleil matinal et des sons feutrés de la nature. Derrière une barrière d’arbres, elle apercevait un clocher et se dirigeait dans cette direction. Elle avait quitté le camp sans un mot, avant que les gitans ne se réveillent.  

Bientôt, elle entendit le vrombissement d’un vieux moteur. Une camionnette cahotante arriva à sa hauteur et ralentit son allure. Orfeo était au volant.  

- Je leur ai dit au revoir de votre part.  

Jo sourit.  

- Et merci, j’espère…  

Elle continuait de marcher, et la camionnette d’avancer à son allure.  

- Il n’avait que ce vieux tacot à me prêter. Mais il tient bien la route, vous savez.  

- Vous avez assez fait pour moi. Reprenez votre vie.  

- C’est une route très longue, surtout pour quelqu’un dans votre état. Et j’ai encore beaucoup d’amis à visiter tout au long du chemin.  

Jo s’arrêta et le regarda intensément. Puis elle monta dans le véhicule, qui reprit la route.  

Cet homme avait le don de l’apaiser. Ce que n’avait pas réussit à faire qui que ce soit dans sa vie depuis bien longtemps. Il venait d’un autre univers, plus lumineux que le sien. Plus aveuglant aussi, peut-être. Mais elle sentait que, peut-être, auprès de lui, elle réussirait à trouver son chemin…  

 

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Un film de Gabor CZINKA  

Sur un scénario original du Corbeau  

 

Avec  

Suri PENDRAGON - Jo  

Oliver PARKS - Orfeo  

 

Sur une musique de Valeria CAMACHO  

BO 1 : Jeanne Balibar, Le Tour du monde – https://www.youtube.com/watch?v=BpnSNKFj9tk  

BO 2 : Paco de Lucia, Rio Ancho - https://www.youtube.com/watch?v=jxodluTaz4g  

BO 3 : Manitas de Plata, Guitarras Morescas - https://www.youtube.com/watch?v=hWuhp_zkmlU  

BO 4 : Georgi Kay, Joga - https://www.youtube.com/watch?v=AhMffIxV-84  

Scénario : (1 commentaire)
une série Z sentimentale (Drame musical) de Gabor Czinka

Oliver Parks

Suri Pendragon
Musique par Valeria Camacho
Sorti le 02 juillet 2033 (Semaine 1487)
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