Karmapolis, une ville qui recrute. Depuis que la Centrale s'est implantée dans cette île déserte, des hommes et des femmes bravent les mers et les océans pour y trouver du travail. Déjà quelques familles la peuple, des petits commerces ont ouverts, autour de la Centrale. La Centrale, donc, est une entreprise oeuvrant sur la chair humaine qu'elle est parvenue à faire disparaître. Rendre invisible, à soi-même et aux autres, tel est la nouvelle industrie florissante de l'Occident.  

Des enfants jouent sur la plage où viennent frapper les vagues de l'océan. Ils s'empressent de construire des châteaux de sable avant que la marée ne s'emparent de leurs murailles. L'un d'eux s'arrête et pointe du doigt des formes opaques provenant de la surface de l'eau, derrière lesquelles scintillent les rayons du soleil. Des radeaux ! Y'a des radeaux qui arrivent !  

https://www.youtube.com/watch?v=NFqbRrY2_o8  

En effet, trois radeaux cherchent à rejoindre l'île de Karmapolis. Sur l'un d'eux, une femme prénommée Rose (Gaïa Williams) souffrant de déshydratation est allongée entre les autres migrants qui manquent de l'étouffer par le manque de place. Ce sont des corps qui s'enchevêtrent et qui se tiennent ensemble pour ne pas tomber dans l'eau. Simon (Mitchell Whitaker) pagaye tant qu'il peut pour atteindre le rivage. Ses doigts se crispent, cela fait longtemps qu'il ne sent plus la douleur de ses genoux sur le bois du radeau, de ses nerfs irrités et de ses yeux asséchés.  

Lorsque les radeaux parviennent à accoster, les enfants de la plage courent en hurlant de peur vers leurs maisons respectives. Des habitants de Karmapolis, les plus dévoués, arrivent sur la cote pour aider les migrants à trouver refuge parmi eux. L'un d'eux, Josh Mayer (Joshua Kloss) tient à s'occuper de la pauvre Rose...  

Simon jette les pagaies dans le sable et marche droit devant lui, il dépasse la petite dune, traverse le liseré de bois et découvre le vrai visage de Karmapolis : se déploie devant ses yeux une vaste étendue d'un sol humide et mouvant, d'où émergent des cheminées d'usine ; un peu plus loin on voit les maisons d'ouvriers qui sont des préfabriqués alignés sur plusieurs kilomètres ; et à l'horizon étincellent de belles villas pour les classes supérieurs. Simon se frotte les yeux et sourit, la vie est plus belle que sur le vieux continent.  

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KARMAPOLIS  

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Deux ans plus tard.  

Simon ne veut pas rater le train, il coure et cherche à s'accrocher au wagon en partance pour la Centrale. Un ami, Paul (Thor Degast), l'aide en lui tendant une main. Les deux jeunes hommes s'assoient tranquillement au fond du wagon et se partagent une cigarette. À leurs côtés, Nora (Toni Bergman) manque de s'étouffer en toussant. Elle demande aux jeunes d'éteindre leur cigarette mais c'est peine perdue, Simon se rapproche d'elle et lui souffle de la fumée en plein visage. Nora se lève et s'assoit aux bord de la porte où un courant d'air semble la soulager. Simon rigole avec Paul.  

https://www.youtube.com/watch?v=7FuBb7HofiY  

Le train s'arrête à l'intérieur du périmètre de la Centrale. Des gardes attendent que les employés soient tous descendus et effectuent une fouille pour vérifier qu'ils ne portent pas avec eux de produit chimiques susceptibles de parasiter l'entreprise.  

Simon s'arrête devant une pièce où sont formés les nouveaux migrants. Il aperçoit Rose qui se remet à peine de sa longue maladie parmi les gens en formation. Elle écoute sagement le discours de, Asao Yomi (Chihiro Kazuko) patron de l'usine.  

Nous recyclons les morts. Les habitants du vieux continents, pour une poignée de sous, nous envoient leurs cadavres qui polluent leur monde. Nos premiers clients sont ceux qui ne peuvent offrir à leur proches décédés un enterrement décent ou une crémation. Nos deuxièmes acheteurs sont les habitants adeptes du nihilisme et qui trouvent dans notre usine la possibilité de la disparition totale du corps. Enfin, il y a nos troisièmes acheteurs et ceux-là cherchent...  

Ils cherchent à faire disparaître des vivants. Tout le monde le sait bien mais il est impossible d'arrêter ce qui va devenir l'économie la plus prospère des temps à venir.  

https://www.youtube.com/watch?v=U-5TzOsXXoc  

Simon et Paul retrouvent leurs postes respectifs après avoir enfilés leur combinaison blanche de protection. Ils sont face à l'arrivée des cadavres à évaporer et s'occupent de la première étape qui consiste à les immerger dans un liquide rose pâle transformant leur peau en matière spongieuse. Ils arrivent vite, les cadavres, couchés sur ce plateau métallique avançant à allure rapide. Simon et Paul s'entraident dans cette besogne, quand l'un est fatigué, l'autre prend en charge les cadavres de l'autre.  

Nora travaille à la deuxième étape où la peau et la chair sont enlevées, on pourrait même dire épluchées, à l'aide de grands outils mécanisés. Elle transpire, une maladie la ronge depuis plusieurs jours mais lorsque son supérieur passe près d'elle, elle retient sa toux quitte à s'étouffer.  

Rose découvre toutes les étapes de l'usine en compagnie du personnel formé. Ils avancent en groupe parmi les machines, les employés et les cadavres et personne n'est surpris de ce qui s'y passe. Surtout pas Rose qui est froide et blême. À la fin de la visite, elle sourit à son patron et signe son contrat d'embauche, elle signe Rose Telos*.  

La fin de la journée approchant, il est l'heure pour l'équipe de nuit de prendre le relais. Les morts n'attendent pas. Tout le monde rentre dans sa demeure après un nouveau voyage dans le train. L'atmosphère n'est pas apaisée, c'est une illusion de croire que ça ira mieux demain, la vie à Karmapolis ne s'arrange pas avec le temps.  

Rose ne rentre pas immédiatement chez elle. Elle regagne la plage, l'endroit où elle est arrivée il y a deux ans. Elle se souvient de Josh qui l'avait porté dans ses bras et guérie pendant ces longs mois. Dès que les rayons du soleil quittent l'horizon, elle se décide à rentrer chez elle.  

Dans sa maison en préfabriqué, la tristesse fait vaciller sa froideur en voyant Josh alité et intubé. Elle s'approche de lui, vérifie l'acheminement en morphine et lui injecte sa dose de médicaments quotidiens.  

Simon dit au revoir à Paul et rentre chez lui. Il s'allume une clope et entreprend la lecture d'une nouvelle bande-dessinée que sa famille lui a envoyé au Noël dernier, une adaptation du roman "Le Château" de Franz Kafka. Il s'endort la clope au bec, l'ennui dans les yeux.  

Au deuxième jour, Simon coure à nouveau après le train qui s'élance sur les rails. Mais c'est Rose qui l'empoigne et l'aide à monter. Il regarde dans le wagon et demande où est passé Paul. Personne n'est à même de lui donner une réponse.  

Devant sa machine, Simon travaille comme un robot et Paul n'est pas là pour le soulager dans sa tâche. Ses yeux se troublent et ses genoux tremblent. Il tombe à la renverse, sa tête heurtant le sol. Un garde lui somme de se relever, ce qu'il fait aussitôt et reprend sa gestuelle de labeur. Il ne remarque même pas, qu'il plonge le corps de Paul dans le liquide rose pâle. Le corps file tout droit vers la prochaine étape.  

https://www.youtube.com/watch?v=vwXp-blV1as  

De retour dans les chaumières, Simon se précipite à celle de Paul mais il remarque que sa maison est vide. Un garde de la zone résidentielle lui dit que Paul est retourné vers le vieux continent.  

Nora crache du sang dans son évier. Elle reprend son souffle et prend des médicaments. Elle n'arrive pas à manger et va aussitôt se coucher.  

Rose est auprès de Josh et lui procure les gestes de soin habituels. Mais Josh ne va pas tarder à lâcher son dernier soupir. Il a seulement le temps de lui murmurer. Prenez soin de vous... Voilà une phrase qui hante déjà l'âme de Rose.  

Peu à peu s'endormant sur sa bande-dessinée, Simon plonge dans un rêve apaisant. Il voit son ami Paul, son seul allié, lui tendant la main au milieu de l'océan rose pâle, lui priant de le rejoindre.  

Prenez soin de vous...  

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KARMAPOLIS  

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Un film écrit et réalisé par Dante Machine  

avec Mitchell Whitaker, Thor Degast, Gaïa Williams, Toni Bergman, Joshua Kloss et Chihiro Kazuko.  

Musique composée par Wayne Hopkins  

Produit par Les Films du Cyborg, 2033.  

* Telos : provient du grec ancien, signifiant "la cause finale", "l'achèvement".