Cinejeu.net : devenez producteur de cinéma ! (jeu en ligne gratuit de simulation économique)

Black Box Recorder présente
Julie

« LYON – FAIT-DIVERS – Une jeune femme morte dans sa baignoire.  

 

Une jeune femme a été retrouvée morte dans la baignoire de son studio situé sur les pentes de la Croix-Rousse, dans le 1er arrondissement de Lyon. L’information a été transmise hier soir par une source proche du dossier. La Préfecture l’a confirmé au Progrès.  

Selon nos informations, le drame aurait eu lieu il y a deux jours, dans la nuit de vendredi à samedi. Certains indices laissent penser à un crime passionnel, des traces de sang ayant été retrouvées sur la peluche de la victime. De plus, le voisinage aurait entendu des aller et venus la nuit du drame ainsi que des bruits laissant penser à une dispute.  

L’enquête a été confiée au service de la police judiciaire de Lyon.  

 

Le Progrès, lundi 13 mai 2012. »  

 

 

Dire les choses et tout s’arrange. Ma mère m’a toujours fait croire cela. Mais après ce que je viens de lire dans le journal, ne m’en veillez pas d’attendre tranquillement la venue de la police. Je ne crois pas aux vertus de la parole ni aux bénéfices de la confession chrétienne. J’ai ma vérité qui n’est pas celle des aveux obtenus après quarante-huit heures sans dormir, la lampe braquée sur l’intérieur de votre crâne. Je ne crois pas aux capacités d’écoute d’autrui.  

 

Non, je me rendrai quand j’en aurais fini avec ce que j’ai à dire, quand j’aurais accompli ce que je dois faire. Dans cette chambre d’hôtel sordide du quartier de la gare de Perrache, je commence le premier acte. Je suis prêt. J’enclenche la caméra. Avant d’entendre mes premiers mots, le destinataire entendra les râles de la chambre d’à côté et les énièmes simulations d’orgasmes d’une fille de l’Est sans-papier. Alors qu’un rayon de soleil parvient à se frayer un chemin entre deux nuages et éclaire le lit où je me trouve, je me surprends à débiter mécaniquement les phrases préparées depuis cette soirée.  

 

Avant de commencer, je jure qu’il n’y a jamais rien eu d’autre avec Julie qu’une relation d’amitié. Pure et désintéressée. Voilà le premier hic de l’affaire. La police doit déjà avoir des témoignages infirmant cette vérité incompréhensible dans un monde où l’argent, le sexe et la bêtise guident mes semblables. Je les imagine déjà, jouir de leurs hypothèses, colporter les rumeurs et se croire ainsi importants. Je ne leur en veux pas. Il faut une force de l’esprit pour ne pas succomber aux illusions du paraître et se vautrer dans les facilités du mensonge, à coups de lumière, d’images et de sons qu’affectionne notre société dépravée. Julie n’était pas comme eux.  

 

Je fixe le point rouge de la caméra. Pour une fois, j’utilise les armes de l’adversaire. Celles de la technologie et de la communication. La clarté de mon exposé et la simplicité de ma démonstration mettront à mal toutes les pièces à conviction des grattes papiers de la police et les analyses scientifiques du légiste. La caméra est mon arme, son contenu mon testament. Toute la vérité sera enregistrée s’il m’arrivait malheur. Lorsqu’on ne croit pas à la justice d’Etat, il faut se faire justice soit même. Car je ne peux plus compter sur Julie pour étayer mes dires.  

 

 

 

« Cher collègue,  

Comme tu le sais, Laura passera le cap de la quarantaine vendredi 10 mai. Réserve ta soirée car nous nous retrouverons après la représentation pour fêter l’évènement. Motus et bouche cousu car cela est et doit rester une surprise.  

Emily  

PS : Un cadeau est prévu. N’oublie pas ta monnaie !»  

 

 

Vendredi, c’était l’anniversaire de Laura. Toute l’équipe s’était donné rendez-vous Chez Mimi, un troquet de Saint-Jean, après la représentation des Fourberies de Scapin au théâtre des Célestins. Assis en bout de table, j’observais Laura se dépatouiller tant bien que mal avec le paquet cadeau. A mes côtés, Julie me glissait à l’oreille ses commentaires sur les uns et les autres. Il est vrai que le spectacle valait le détour. Une bonne douzaine de théâtreuses jacassant à tout va et reprenant haleine, en lampant le fond de leur verre de blanc, avant d’entamer un nouveau couplet. Debout sur sa chaise, Emily assurait l’ambiance en mimant le directeur des Célestins cigare au bec et grimace de dédain envers le petit personnel. La majorité de la tablée travaillait pourtant sous les ordres de Laura, la chef d’équipe des ouvreurs, mais elle était la gentillesse incarnée. Moi, j’étais encore une fois à part puisque je m’occupais du vestiaire, sans chef et ordres directs. C’est sans doute pour ça que j’ai rigolé à contre temps à une tirade dont je n’avais entendu que la fin.  

 

Vers deux heures du matin, il fallait se rendre à l’évidence. Tout le monde était bien trop joyeux pour rejoindre ses pénates, affronter la solitude et attendre d’être enfin soulagé par les bras de Morphée. La faute au vin blanc. On a titubé de rue en rue jusqu’au quai de Saône. Là, on n’avait que l’embarras du choix. Elles ont choisis L’Alibi. Avec un temps de retard, j’ai suivi la troupe. Le temps d’apercevoir Adrien, adossé contre un platane, de l’autre côté de la rue. Ce n’était pas la première fois que je le voyais roder autour de sa sœur. Mais je n’ai rien dit à Julie. Je ne voulais pas gâcher la fête. J’aurais pourtant dû.  

 

 

 

GIVORS – L’adolescent Adrien, 17 ans, est porté disparu… »  

 

Depuis le 7 novembre, les gendarmes enquêtent sur la fugue d’un mineur de 17 ans, prénommée Adrien, domiciliée à Givors chez ses parents. Cette disparition leur a été signalée par la famille de l’intéressé.  

 

Le jeune homme (voir notre photo ci-contre) , brun, cheveux rasé, yeux marron, mesurant 1m81, est coutumier des faits puisqu’il a fugué à 3 reprises depuis le mois de février 2010 mais c’est la première fois qu’il s’absente aussi longtemps.  

Les investigations réalisées ce jour laisse penser qu’Adrien pourrait avoir séjourné sur les secteurs de Vienne et Chasse-sur-Rhône. Il y aurait été hébergé par des personnes rencontrées au fil de ses pérégrinations.  

 

Jusqu’à présent, le jeune homme avait toujours pris soin de contacter sa famille, pour la rassurer, mais il semble qu’Adrien ait décidé de couper les ponts. L’inquiétude de sa famille grandit de jour en jour d’autant que rien ne permet à ce stade de l’enquête d’écarter l’hypothèse d’une mauvaise rencontre.  

 

En conséquence, les enquêteurs en charge du dossier invitent toute personne ayant pu dernièrement croisée l’intéressée ou susceptible de détenir une information utile à l’enquête à se rapprocher de la brigade de Givors au 04 78 26 02 47.  

 

Le Progrès, dimanche 9 décembre 2010. »  

 

 

La première fois que j’ai vu Adrien, Julie habitait alors en colocation à La Guillotière. L’hiver n’en finissait pas. Des flocons virevoltaient sous les lampadaires de la Place Gabriel Péri lorsque je sortais du métro. Il était de dos, face à Julie qui m’attendait devant le Mac Donalds. Comme d’habitude, j’étais en retard. Adrien détonnait dans le paysage. Bombers, treillis kaki, Dr Martens. L’attirail du parfait facho.  

 

J’ai connu l’histoire d’Adrien quelques mois plus tard. De la bouche de Julie. Ce n’était pas vraiment attendrissant. C’était l’histoire d’un salaud. Julie n’en a plus jamais reparlé. D’Adrien. Jusqu’à cette fameuse soirée qui a commencé Chez Mimi…  

 

Dans le train qui me menait à Vienne, j’ai repensé à ce moment. Cet instant où Adrien était rentré dans ma vie. Je lui avais promis. J’avais une dette envers Julie. Mais ça aussi, les policiers ne pourraient pas comprendre. Retrouver sa trace n’avait pas été difficile. Adrien était roadie du groupe de punk identitaire Fraction. Il suffisait de connaître les dates de la tournée.  

 

Ce n’était pas seulement pour me fondre dans le public que je m’étais rasé les cheveux. C’était aussi pour ne pas être repéré à Lyon lorsque j’avais quitté l’hôtel. Lorsque j’ai franchi les portes de la Locomysic, ce ne sont pas les paroles haineuses exaltant la race et le sang pur sur fond de guitares saturées qui m’ont prises à la gorge. Ce furent les mains d’Adrien…

Scénario : (2 commentaires)
une série Z dramatique de Jeanne Lerner

Patrick Loro

Lou Green
Sorti le 14 janvier 2034 (Semaine 1515)
Entrées : 1 458 295
url : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=22630