Le monde s'agite sur les quais tandis que le TGV, récemment annoncé, entre en gare.  

Le crissement des freins se fait longuement entendre.  

Les portes s'ouvrent doucement.  

Peter (Patrick Loro) descend rapidement du train malgré son paquetage imposant et les nombreuses bousculades des passagers, qui tentent de monter à l'intérieur, tel du bétail à destination de l'abattoir.  

Le jeune homme marche doucement vers un escalier qui l'amène dans un petit tunnel souterrain, servant aux personnes pour traverser les voies ferrées, où il s'assure d'être seul avant de s'appuyer contre le mur et de souffler et d'aspirer doucement. Une vague d'émotion le submerge alors.  

Se servant de sa main libre pour se frotter le crâne, de haut en bas.  

C'est alors que les premières larmes apparaissent aux coins des yeux. Des larmes qui coulent le long des joues du jeune homme tandis que sa respiration se fait de plus en plus saccadée.  

Peter éclate soudainement en sanglots, sous l'effet de la douleur.  

Sous l'effet de cette peine qui l'a soudainement envahi.  

N'arrivant pas à reprendre le contrôle sur lui-même ni sur ses émotions, le jeune homme se laisse aller.  

Ça lui fait du bien de se lâcher. Ça lui permet d'alléger cette culpabilité qui le ronge depuis son retour.  

Peter n'entend pas la venue d'un groupe de jeunes qui le dévisage lorsqu'ils arrivent à son niveau. Ces regards lui permettent de reprendre le contrôle et il s'apprête à repartir.  

"Z'avez vu cette vieille loque les gars ?" déclare l'un des jeunes d'un ton moqueur et assez fort pour que Peter puisse l'entendre tandis que ses potes lâchent un rire étouffé. En entendant cette phrase, le jeune homme a lâché son paquetage et s'est rapidement avancé vers le petit groupe, ce qui eut pour effet d'en surprendre quelques-uns, tandis que leur meneur le défie du regard avec un sourire mesquin alors que Peter se trouve à quelques centimètres de lui.  

Un violent clappement sourd se fait entendre.  

Le jeune garçon se tient le visage tandis que ses camarades le regardent d'un air ahuri.  

Soudainement, Peter attrape l'inconnu par les épaules, "Tu ne sais rien !" hurle-t-il en le secouant comme un prunier tout en répétant la phrase.  

Plusieurs secondes passent avant qu'un membre du groupe ne retire l'adolescent de ses mains, ce dernier, visiblement vexé et surpris par la réaction de Peter, lui dit qu'il était fou alors que le groupe monte les escaliers et s'éloigne du jeune homme qui reste planté là durant plusieurs secondes avant de ramasser son paquetage et marcher vers la sortie du tunnel sans se rendre réellement compte de la scène qui vient de se dérouler.  

Jane (Cécile Bodin) ne tient plus en place sur le parking qui fait face à la gare.  

Elle a vraiment hâte de revoir son grand frère !  

Ce grand frère qu'elle n'a plus revu depuis près de deux ans.  

La jeune femme demande alors une énième fois à sa mère si l'heure correspond bien avec l'arrivée du train à la gare.  

Jessy (Anna Vodianova) répond alors une nouvelle fois que oui en souriant.  

Peter sort doucement du hall de la gare lorsqu'il entend un cri typiquement féminin. Il n'a pas le temps de réagir qu'une jeune femme lui saute littéralement dans les bras, ce dernier met quelques instants pour réagir et se rendre compte qu'il s'agit de sa sœur.  

Il se met alors à lui sourire et la prend dans les bras tandis que sa mère les rejoint. Bien qu'il soit heureux, aucune émotion ne semble émanée de Peter.  

Dans la voiture qui le ramène chez lui, Peter ne lâche pas le moindre mot, ou très peu, sans réellement écouter ce que ses proches disent. Au grand étonnement de sa mère et de sa sœur qui ont une envie folle de lui parler.  

Le jeune homme est trop occupé à observer les paysages qui défilent sous ses yeux. Ces paysages chaleureux qui n'ont rien à voir avec ceux qu'il a côtoyé pendant trois ans tant la vie semblent être abondante dans ceux-là.  

Le silence a pris le dessus dans le véhicule malgré tous les efforts de Jessy et de Jane pour installer une conversation. Pour Jessy, son fils n'est plus le même. Avant son départ il ne pouvait rester plus de quelques secondes sans parler, à un point où s'en était même saoulant par moments.  

Mais ça lui manque désormais.  

La voiture file à travers les routes campagnardes, en direction de la petite ville natale de Peter, lorsque ce dernier brise finalement le silence, contre toute attente.  

"Comment va papa ?" demande-t-il sans quitter le paysage des yeux, "Ca va. Tu lui as manqué." répond simplement Jessy sans trop savoir ce qu'elle pourrait ajouter de plus.  

Il faut dire que Peter et son père ne se sont pas quitté dans les meilleures conditions, ce dernier étant totalement opposé à son départ malgré les convictions de son fils.  

3 ans qu'ils ne se sont pas adressé la parole suite à une violente dispute. Jessy appréhende la réaction des deux hommes de sa vie.  

Elton (Leonard Brumel) guette patiemment l'arrivée de la voiture depuis la cuisine.  

Trois ans où il n'a pas passé un seul moment sans regretter les propos qu'il a tenus à l'égard de son fils.  

Trois ans qu'il espère revoir son fils.  

Trois longues années !  

Combien de pères peuvent savoir ce qu'il a ressenti durant tout ce temps ?  

Cette peur qu'il a éprouvée continuellement, jour après jour !  

Cette appréhension d'aller se coucher et se réveiller le lendemain en ne sachant pas comment va son fils !  

Combien ?  

Elton n'en sait rien mais il ne le souhaite à personne, ni même à son pire ennemi.  

Il est tiré de ses pensées par des claquements issus de portières qui se referment, voyant que le véhicule de son épouse est de retour, Elton attend devant la porte d'entrée avec cette peur se mélangeant à la joie de revoir son fils. Puis la porte s'ouvre doucement, Jane passe devant son père avec un sourire tandis que Peter est juste derrière elle et s'arrête devant son père.  

Les deux hommes se regardent sans rien dire.  

Aucun mot, aucune parole ne saurait être assez fort pour remplacer l'intensité du regard des deux hommes. Soudainement, Elton prend son fils dans ses bras d'une étreinte forte et chaleureuse tandis que des larmes coulent sur ses joues.  

Le souffle, doux et chaud, de l'air sur la peau de Peter, malgré son équipement militaire, pourrait lui faire oublié la fatalité qu'il est en territoire hostile et en guerre.  

A la tête du groupe de soldats, il avance doucement dans les ruelles dévastées par les obus tandis que des détonations retentissent au loin.  

Peter s'approche doucement d'un portail vert criblé de balles et à demi ouverte. Il le pousse lentement en observant les alentours en pointant son arme devant lui, prêt à faire feu si besoin, alors qu'une cour déserte lui fait face.  

Le groupe s'avance dans la cour, leur avancée est aussi rapide que silencieuse, alors que Peter envoie quelques hommes pour fouiller le bâtiment qui leur fait face tandis qu'il sécurise la cour avec ses hommes. Cependant, une forte odeur de chair brûlée, semblant provenir de l'autre côté du bâtiment, flotte dans l'air et intrigue Peter qui décide d'emmener ses hommes avec lui pour inspecter les lieux.  

D'énormes flammes s'élèvent d'une grande cage.  

Peter ne distingue pas parfaitement ce qui brûle à l'intérieur. L'un de ses hommes, déclare, en balbutiant, qu'il s'agit d'enfants. Peter ne veut le croire.  

Qui serait capable de faire une telle chose à des enfants ? Des petits êtres innocents, ils n'ont aucune responsabilité à prendre dans ce conflit !  

Le regard de soldats s'attardent sur ce qui semble être des squelettes, que les flammes rongent intensément, qui sont véritablement trop petits pour être ceux d'adultes.  

Peter se réveille en sursaut, le souffle court, le corps en sueur et les draps totalement trempés tandis que le jeune homme tente, tant bien que mal, de se calmer.  

La nuit semble être bien avancée alors qu'il se lève pour ouvrir la fenêtre et qu'il hume l'air frais qui parcourt l'intégralité de son corps.  

Finalement, Peter décide de s'habiller rapidement et part faire une marche nocturne. Peut-être pourra-t-il vidé son esprit de cette vision d'horreur grâce à la campagne ?  

Peter est assis sur un banc, non loin d'un réverbère.  

Ça fait 2 mois que le contrat de Peter, d'une durée de 3 ans, a pris fin. Il pensait que ses cauchemars, ses visions et ses crises d'anxiété prendraient fin en retournant dans son pays et en étant au contact de personnes issues de ce même pays.  

En vain.  

L'homme qu'il était avant de s'engager dans l'armée est mort là-bas, on ne peut faire revivre les morts. Bien qu'il soit heureux d'être de retour chez lui, auprès de sa famille qu'il aime tant, il ne se sent pas chez lui mais plutôt chez des inconnus et ce, où qu'il soit.  

Ses amis.  

Sa famille.  

Ceux qui ont vécu le même enfer que lui.  

Ceux qui comprennent ce qu'il ressent. Ils sont resté là-bas, qu'ils soient morts ou en garnison.  

Tout comme sa vie.  

Tout comme son âme.  

Comment réussir à oublier les corps mutilés de ses amis ou de ces inconnus ?  

Comment réussir à oublier cette sensation d'être constamment en danger ?  

Comment réussir à continuer de vivre alors que l'on est mort là-bas ?  

Jane regarde silencieusement par la fenêtre de son frère.  

Elle n'arrive pas à dormir.  

S'étant fait réveillée par des cris provenant de la chambre de Peter, la jeune femme a longuement hésité avant de pénétrer dans la chambre avant d'y renoncer par peur. Jane a souvent entendu parlé de ces troubles comportementaux dont étaient victimes les militaires lorsqu'ils revenaient du front sans jamais pensé que son frère en serait également une.  

En entendre parlé.  

Le voir dans les documentaires.  

Tout ça ... ce n'est rien comparé au fait de le vivre.  

Les conflits ne touchent pas que ces hommes et femmes qui reviennent du front, ils touchent également les proches qui sont restés au pays et qui attendent le retour de leur frère, sœur, enfants ou parents.  

Comment réagir lorsque ça vous touche de plein fouet ?  

Elle n'en sait rien.  

Mais elle n'abandonnera pas son frère, elle luttera à ses côtés contre ces troubles et fera tout pour tenter de faire renaître l'homme qu'il était avant.