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Les Films du Corbeau présente
Les Enfants du Monde - l'Age de Fer

1431, Rouen sous le joug des Anglais.  

 

La place du Vieux Marché était noire de monde. Les esprits échauffés. On avait peur, on était surexcité, on psalmodiait, on priait, on insultait ou on crachait alors que la jeune femme était attachée aux yeux de tous, effrayée dans sa tunique de toile souffrée. Sur l’estrade, Catherine de Valois (Logan Mandown) trônait aux côtés du cardinal de Winchester, qui présidait l’exécution. Son regard balayait la foule des villageois amassés autour du bûcher. Elle les considérait avec mépris. Elle était Française, comme eux, pourtant elle représentait la couronne d’Angleterre. Mais elle s’étonnait de ce que cette foule ne reconnaisse pas la condamnée comme l’une d’entre elle. Cette « pucelle », comme on l’appelait, avait fait trembler l’Angleterre, et les Rouennais, au lieu de la défendre, de la porter en héroïne, étaient pour la plupart impatients de la voir se consumer dans les flammes. Un troupeau de bêtes ignares trop excités par l’idée d’observer la mort plutôt que de reconnaître l’étendard de leur royaume…  

Sur la deuxième tribune, rassemblant les membres du tribunal, un homme vêtu de noir concentrait ses regards sur la jeune femme suppliciée. Elle était si jeune pour être une héroïne. Pas même 20 ans… Owen Tudor (Shawn Green) surveillait ses faits et gestes. Elle était transie de peur. Tout devrait bien se passer. Mais rien ne lui assurait qu’elle n’aurait pas un sursaut…  

Les jambes de Jeanne (Martha Ren) la portaient à peine. Elle sentait une hargne sauvage dans les voix qui l’entouraient, dans ces mains implacables qui la clouaient au poteau de bois. Elle murmurait avec peine ses imprécations. Où le Seigneur était-il ? L’avait-il abandonné ? A quoi avait-il servi qu’il lui confie cette mission et ce pouvoir s’il la laissait mourir ce jour ? Qu’avait-elle accompli ?  

 

 

Malo (Guillaume Neuville) chevauchait à brides abattues depuis de nombreuses heures. Son dos était perclus de douleurs, ses yeux brûlaient de fatigue. Mais les remparts de la ville étaient enfin en vue. Si seulement il pouvait arriver à temps… que ferait-il alors ? Il l’ignorait. Mais l’heure n’était plus à la réflexion.  

 

 

La foule s’était tue. Certains commençaient à prendre peur. L’exécution ne se passait pas comme prévu. Les bourreaux n’arrivaient pas à allumer le bûcher. Le vent s’était levé. Une bourrasque incompréhensible par ce temps clair. Mais elle semblait s’abattre sans discontinuer et avoir choisi cette place de la ville pour cible de ses attaques. Le vent retirait les coiffes, soulevait poussière et sciures de bois, aveuglait l’assistance. Certaines voix commençaient à s’élever pour louer le Seigneur, qui s’exprimait afin de sauver son enfant du bûcher…  

Jeanne fixait avec une intensité remarquable les moindres faits et gestes des bourreaux. Elle s’épuisait très vite. Combien de temps tiendrait-elle ainsi ? Mais si le Seigneur semblait l’avoir abandonnée à son sort, il ne lui avait pas retiré son pouvoir. Tant qu’elle tiendrait debout, le vent éteindrait la moindre étincelle…  

 

 

Malo parvenait aux contreforts de la ville. Ils étaient étonnamment dépeuplés. Où étaient les marchands, les paysans, la faune des remparts ? Nulle âme qui vive. Le signe qu’un grand événement les accaparait de l’autre côté des murailles. Son cheval faiblissait, il livrait ses dernières forces. Les portes de la ville étaient en vue. Malo poussa une dernière fois ses éperons.  

Alors un jeune homme du peuple (Thor Degast) apparu et s’avança au centre de la route. Il fixait le chevalier qui avançait droit sur lui. N’allait-il pas se détourner ? Tant pis pour lui, Malo ne pouvait plus perdre un instant. Mais soudain, le jeune homme émit un geste étrange, comme s’il tournait une page d’un livre invisible. Alors, les jambes du cheval furent frappées par une force invisible. Celui-ci hennit de douleur et s’écroula en pleine course. Malo fut projeté ventre à terre et roula sur la terre du chemin. Il eut besoin de quelques instants pour reprendre ses esprits. Son armure lui avait entaillé l’épaule, et l’un de ses genoux le tiraillait de douleur. Il regarda sa monture qui s’était éventrée le torse dans sa chute, répandre des flots de sang autour de lui. Il se releva avec peine et sortit son épée du fourreau. Il regarda le jeune homme qui n’avait pas bougé. C’en était donc « un », lui aussi…  

Malo s’élança vers lui, arme à la main. Sa route ne pouvait pas s’arrêter là. Le jeune homme réitéra le même geste. Alors, le chevalier sentit à son tour cette force invisible le frapper de plein fouet. Ce fut comme un mur de pierre qui s’abattait sur lui de toute sa force. Il était complètement sonné. Il sentait un liquide chaud couler le long de son visage. Il n’arrivait plus à bouger. Le jeune homme s’avança et se pencha vers lui. Il regarda son adversaire au sol, l’épaule en sang, une lourde entaille lui barrant le front. Il avait son compte. Mais ses yeux s’exorbitèrent de surprise lorsque la lame du chevalier s’enfonça dans son ventre…  

 

 

Catherine de Valois était furieuse. Cette exécution avait pris une tournure calamiteuse. Le feu refusait de prendre au bûcher par la faute de cette bourrasque intempestive qui ne semblait pas en finir. Une grande partie de la foule s’était éloignée. Celle qui restait psalmodiait des prières de merci, et certains d’entre eux commençaient à tourner des regards hostiles vers les tribunes. Vers elle. Elle envoya un regard furibond vers Owen Tudor. Eux seuls savaient ce qui était en train de se dérouler.  

Owen perçu son regard, et observa plus intensément la jeune femme ficelée sur le bûcher. Ses yeux rivés sur les bourreaux en peine recelaient un éclat d’argent qu’il ne connaissait que trop. Mais elle paraissait faiblir. Alors il se concentra à son tour. Puis fixa les mains du bourreau. Ses yeux s’embrasèrent discrètement d’un éclat de lumière rouge. Le bourreau eut un mouvement de recul quand la flammèche qu’il tentait désespérément d’allumer s’embrasa avec puissance. Il la laissa tomber sur les brindilles sèches du bûcher. Alors Owen, sans bouger de son siège, fixa la faible flamme avec intensité. Peu à peu, le feu prenait au bûcher. Jeanne fixait elle aussi ce début de flammes avec désespoir. Elle concentra la violence des bourrasques d’air sur elles, mais elles semblaient s’aviver plutôt que de mourir. Sa tête tournait, elle était épuisée. Une autre force s’était élevée contre la sienne, elle la sentait, presque palpable, et elle était bien plus puissante. Le bûcher s’embrasait avec une intensité effrayante. Bientôt les flammes léchèrent ses pieds. Elles atteignirent sa tunique. Elle concentra ses dernières forces pour créer un tourbillon d’air autour d’elle. Mais les fumées toxiques l’emplissaient et l’asphyxiaient d’autant plus vite. Tant pis, mieux vallait mourir ainsi que par la morsure des flammes…  

 

Lorsque Malo atteignit le parvis, il n’eut qu’un cadavre au centre des flammes à contempler. Il était arrivé trop tard… Désespéré, il se laissa tomber sur les genoux, relâcha son épée qui tinta sur les pavés de pierre. Ce brasier avait une puissance démoniaque. Alors il l’aperçut : cet homme en noir, assis sur l’une des tribunes, qui fixait les flammes avec un éclat rougeoyant dans le regard… Jeanne n’était donc pas la seule à détenir un pouvoir… Dieu n’était donc pas seul à l’œuvre dans cette histoire et n’avait pas su protéger son Enfant… Il baissa la tête et pleura. A travers les larmes, il contemplait son épée rouge de sang. Qu’importait la puissance des hommes, des armures et des armes devant la magie céleste, et devant celle, plus forte encore, du Malin...  

 

********* LES ENFANTS DU MONDE – L’AGE DE FER *********  

 

Deux ans plus tôt – quelque part dans le royaume de France  

 

Elle les sentit avant de les entendre. Héloïse (Mylene Martial), la « Fille des bois », la « Sauvageonne » comme on l’appelait avec mépris dans le village, était en forêt, penchée sur un couple de bolets, quand elle ressentit le poids de leur pas lourd se répercuter à travers la terre humide. Pas un bruit. Mais la forêt la prévenait. Elle se retourna et les vit à quelques pas. Trois soldats anglais, le regard posé sur elle avec menace et lubricité. Elle recula, ils avancèrent. Mais elle ne prit pas la fuite. Elle n’avait rien à craindre, elle était dans son élément. Elle les laissa se saisir d’elle, lui plaquer le visage contre la terre, relever ses jupes. Puis elle se concentra. Ses yeux s’animèrent d’un vif éclat doré. Ce qu’ils ne virent pas, occupés qu’ils étaient à dévêtir leur ceinturon.  

L’un des soldats jura le premier. Son pied s’était empêtré dans un amas de lierre qui l’avait fait trébucher. Mais le lierre courut le long de sa jambe, comme mû par une vie propre, et l’attira violemment en arrière. Le soldat hurlant se sentit hissé le long de l’arbre où le lierre avait pris racine. En quelques secondes, il se retrouva suspendu à plusieurs mètres au-dessus du sol. Le végétal relâcha son étreinte et l’homme se fracassa la tête sur les épaisses racines de l’arbre. Les deux autres soldats restèrent cois. Ils n’avaient rien eu le temps d’entreprendre, ils n’avaient rien compris.  

Alors Héloïse ferma les yeux, pour se concentrer plus fort encore. Et la terre trembla. Les soldats s’effrayèrent, mais renforcèrent leur étreinte plutôt que de fuir. Tant mieux. Les genoux de l’un d’eux s’enfoncèrent dans la terre. Il hurla. L’autre prit peur, et se releva. Mais il se prit les pieds à son tour dans un amas de trèfles mouvants et se déracinant pour mieux s’empêtrer autour de ses chevilles. Il chuta et s’enfonça la tête dans la terre qui le retint jusqu’aux épaules.  

Héloïse se releva et les regarda en riant. Le soldat immobilisé jusqu’aux genoux la regarda avec frayeur.  

- You’re a witch, aren’t you ?  

- Je ne parle pas ta langue, pourceau.  

De ses yeux jaillirent un nouvel éclat doré, plus puissant, et elle écarta les bras. Alors la terre trembla à nouveau et resserra son étreinte. Les deux hommes hurlèrent. La tête de l’un et les jambes de l’autre furent broyées dans un même mouvement. Le corps du premier s’immobilisa sans vie tandis que l’autre hurlait de douleur, impuissant. Héloïse se sentit puissante. Ce qui l’empêcha d’entendre le quatrième homme approcher dans son dos. Elle se retourna trop tard et s’évanouit sous le coup du pommeau de l’épée.  

Owen Tudor s’approcha et regarda le carnage, impressionné. Ses trois soldats en pièce. Celui encore en vie se tordant de douleur. Il le rejoignit, sortit son poignard et abrégea ses souffrances en l’égorgeant. Puis il se tourna vers deux autres soldats qui venaient d’apparaître et découvraient la scène avec horreur. Il désigna la jeune femme à ses pieds.  

- Emmenez-la.  

 

**  

 

Elle s’avançait, confiante, au milieu de l’assemblée dans la salle de réception du château de Chinon. Les plus hauts notables de la cour de France lui faisaient face et la dévisageaient. Elle ressentait l’air ambiant par chacun des pores de sa peau : certains dégageaient des ondes bienveillantes et de curiosité. D’autres étaient plus négatifs, méfiants. Parmi eux, les ondes qui irradiaient de cet homme étaient plus fortes que les autres. Eudes Bonnet (Marc Mesnil), évêque de Lisieux, la dévisageait avec mépris. Il détestait les prédicateurs et les illuminés qui se targuaient de parler avec le Seigneur. Il ne comprenait pas qu’on ait accordé autant d’importance à cette pucelle de l’Est au point de lui confier des hommes pour l’accompagner jusqu’à la cour du Roy. Ce dernier s’était laissé convaincre de la rencontrer. On atteignait le comble de la bêtise. Il ferait ce qui est en son pouvoir pour tomber le masque de cette folle.  

Malo de Kermenguy, Chevalier des Marches du Morvan, la regardait avancer d’un regard bien différent. Suspicieux sur la véracité des dires qui accompagnaient la venue de cette jeune femme, il ne pouvait s’empêcher d’être impressionné. Elle était belle, malgré ses cheveux blonds coupés courts et son armure d’homme qui suscitaient les moqueries des dames de la cour, et elle semblait accompagnée d’une aura particulière.  

Jeanne s’avançait à mesure qu’on se retirait sur son passage. Un homme (Malcom Emerson) se tint finalement devant elle, vêtu des atours et ornements les plus précieux qu’il lui avait été donné de voir à elle, la fille de campagne. Mais elle ne comprenait pas pourquoi il restait planté là devant elle. Ses ondes étaient troubles, très ambivalentes. Il la mettait mal à l’aise. Quoi qu’il en soit, il n’était pas l’homme qu’elle recherchait. Les ondes qui l’attiraient provenaient d’un autre, placé en retrait, près de lui. Elle se tourna vers l’homme en question (Rémi Eloy), vêtu plus modestement. Plus mince, presque craintif. Il se recula de surprise lorsqu’elle s’agenouilla devant lui.  

- Mon Roy, je viens déposer mes armes et ma vie pour vous servir, telle façon que le Seigneur me l’a adjuré.  

L’assistance retenait son souffle. Comment avait-elle reconnu le Roy ? Lui-même était impressionné. Le seigneur Gilles de Rais avait proposé de se faire passer pour lui au cas où cette fille serait folle, ou missionnée par les Anglais et intenterait à sa vie. Mais le naturel avec lequel elle s’était tournée vers lui termina de le convaincre de sa bonne foi. Il la releva et éprouva un trouble en se plongeant dans son regard. Son cœur battit légèrement plus vite. Le Seigneur l’aurait-il donc vraiment choisie ?  

 

**  

 

Catherine de Valois observait les vallons normands depuis la fenêtre du château-fort de Domfront. Il lui tardait de pénétrer plus profondément que les terres annexées par les Anglais dans ce royaume qui fut autrefois le sien. Veuve d’un roi d’Angleterre, mère d’un autre tout juste sorti du berceau, elle avait manqué d’obtenir la régence du royaume parce que fille de l’adversaire ultime, le roi Charles VI de France. Elle avait obtenu de rejoindre les terres françaises pour représenter la couronne anglaise auprès des troupes qui bataillaient depuis maintenant près de cent ans pour récupérer le trône qui avait été volé aux Plantagenet.  

Fadaises ! Elle se contrefichait des stratégies militaires. Son ambition était ailleurs… Et celui qui devait lui permettre d’y aboutir se faisait attendre.  

Des pas résonnant sur les dalles de pierre la firent se retourner. Owen s’avançait vers elle, un sourire discret sur le coin des lèvres.  

- Je vous attends depuis deux jours, Tudor.  

- Je viens récompenser votre patience, ma Reine.  

Il désignait la porte. Elle se leva et sortit prestement de la chambre. Owen la suivit, respirant les effluves floraux qui se dégageaient de ses voiles. Il la mena vers la salle de garde, où trois personnes attendaient, les mains liées et des gardes surveillant étroitement leurs gestes. Catherine s’avança vers eux, Owen à ses côtés, et dévisagea une jeune femme aux vêtements déchirés qui lui renvoyait un regard mauvais.  

- Une jeune française. Nous l’avons trouvée dans les bois, où elle pouvait dicter ses volontés à la terre et aux plantes. Suffisamment puissante pour anéantir une de mes escouades.  

Catherine s’approcha ensuite d’un garçon (Thor Degast) au regard insolent, vêtu de nippes crasseuses.  

- Grimaud est un jeune vacher dont j’ai croisé la route sur la côte. D’une seule gifle d’air, il a mis à terre plusieurs de mes gardes.  

Le troisième homme n’était lié à aucune chaine et ses vêtements étaient plus précieux. Catherine ressentit une gêne en croisant son regard froid.  

- J’ai ramené Mortimer avec moi d’Angleterre. Il a une emprise sur les eaux et toutes sortes de liquides. Rien de grandiloquent pour l’instant, mais je sens que son pouvoir ne demande qu’à prendre de l’ampleur.  

Sans plus de commentaire, Catherine quitta la pièce. Owen la suivit jusque dans les cuisines qui se vidèrent à son entrée. Elle se servit un verre d’hypocras. Il attendait sa réaction, mais son visage restait fermé. Elle finit par parler, contenant sa colère avec peine.  

- A quoi pensez-vous aboutir avec ces bêtes de foire ? Vous n’avez pas compris l’ampleur de notre projet ! Vous devez dénicher ces Enfants du Monde, comme on les appelle sottement, et les faire se battre pour nous. Avant de les exterminer à leur tour.  

- Vous êtes impatiente, ma Reine. Ces trois énergumènes n’ont de but pour le moment que de m’en trouver d’autres. Lorsque j’aurai sous mon emprise une petite armée de ces sorciers, alors viendra pour vous le temps d’en faire comme il vous plaira.  

- Deux d’entre eux sont Français ! Comment voulez-vous qu’ils se plient à notre bon vouloir ?  

- Ils comprendront bien vite que leur vie est à ce prix. Le jeune vacher est déjà conquis.  

- Je veux que les choses avancent plus vite, Tudor. J’ai laissé mon fils aux mains du perfide Lancastre. Je veux être auprès de lui au plus tôt pour lui offrir sa couronne.  

Owen lui saisit la main et la porta à ses lèvres.  

- Faites-moi confiance, ma Reine. Je les ai choisi plus consciencieusement que vous ne croyez.  

Il embrassa ses doigts. Elle le laissa faire.  

- Ne les hébergez pas sous mon toit. Je ne peux pas souffrir cette engeance auprès de moi.  

- Pourquoi cette haine ? Pourquoi les voulez-vous tous morts ? Ils peuvent être une telle arme…  

- Ils me font peur. Si le Seigneur permettait vraiment une telle ignominie, alors la puissance des rois de ce monde n’aurait aucun sens. Ils sont œuvre du Malin. Il faut les renvoyer à lui.  

Elle se rapprocha de lui. Posa sa main sur ses cheveux, d’un geste plus tendre.  

- Owen, ma promesse ne tiendra que lorsque nous aurons achevé notre tâche. Ne perdez plus de temps, il me tarde d’être vôtre.  

Elle lui posa un délicat baiser sur les lèvres.  

- Il me tarde plus que vous, ma Reine.  

 

**  

 

Aux portes d’Orléans, les armées anglaises s’étaient amassées et avaient formé un bloc de plusieurs centaines d’archers qui s’étaient positionnés en attente. Derrière eux, les hommes à pied se tenaient en masse pour intimider l’ennemi.  

Devant les portes de la ville, les soldats français leur faisaient face avec confiance. Depuis plusieurs jours qu’elle était parvenue à rejoindre l’intérieur des remparts, Jeanne avait réussi à galvaniser villageois et hommes de combats. Aujourd’hui, elle se tenait à cheval, devant eux, et les exhortait une fois de plus à la suivre fièrement au nom du Seigneur, pour un ultime combat. Elle leur tourna le dos et s’avança de quelques pas. Les archers, la voyant se détacher dans leur direction, mirent la main sur la corde. Jeanne tourna la tête vers le ciel et déclama ses imprécations à haute voix, le regard étincelant. Alors, le ciel se chargea de nuages et le vent se leva, comme une réponse à ses prières.  

Malo de Kermenguy l’observait avec admiration et désir. Depuis plusieurs semaines qu’il faisait partie de son bataillon, il avait été aveuglément conquis par la prestance et le courage de la jeune femme, visiblement aimée de Dieu. A tel point qu’il lui avait porté allégeance et avait confié sa vie entre ses mains.  

A ses côtés, Gilles de Rais, voyant le ciel s’assombrir et les étendards claquer sous le vent, exultait d’excitation.  

- Yip, yip ! Le grand bal commence !…  

Alors Jeanne enfonça ses éperons dans les flancs de sa monture et fonça bille en tête vers l’ennemi. La cavalerie lourde française lui emboita le pas en hurlant. Elle avançait à pleine vitesse, le vent soufflant dans son dos. Les archers la regardaient chevaucher en première ligne et ne purent s’empêcher d’être impressionnés : sa charge était surnaturelle, elle semblait portée par le vent… Ordre leur fut donné de charger leur carreaux et de tirer. Jeanne vit une centaine de flèches s’élever dans les airs et son regard s’illumina d’un reflet argenté. Une brusque bourrasque s’abattit sur les carreaux, qui vrillèrent dans les airs et perdirent leur trajectoire pour mourir sans efficacité. Jeanne approchait des premières lignes anglaises. Galvanisée par l’effort et sa foi éperdue, elle concentra ses forces plus intensément pour qu’une rafale gigantesque et invisible, telle un poing de tempête, s’abatte sur les soldats. Certains furent aveuglés, d’autres littéralement couchés sous le poids du vent. Une trouée inespérée dans laquelle la cavalerie française se rua l’épée à la main, le bouclier en avant…  

 

**  

 

Mortimer, Grimaud et Héloïse arrivèrent dans le bourg d’Alençon alors que le marché aux vaches battait son plein. Les ruelles étaient bondées, les marchands aux bestiaux menaient leurs marchandages avec dextérité, les échoppes faisaient leur beurre et les auberges regorgeaient d’animation. Grimaud regardait les enclos avec un regard mauvais. Son ancienne vie ne lui manquait pas, et la vue des bovins lui rappelait trop de mauvais souvenirs.  

- Mettons-nous à couvert, les compagnons. Cette odeur de bouse me vrille les naseaux.  

Il se dirigea vers l’auberge d’où semblait monter le plus de bruit. Ils durent batailler pour trouver une table libre. L’assemblée de badauds était particulièrement animée. On criait, on riait, on jurait à gorge déployée. Et surtout, on buvait. Plusieurs serveuses ne semblaient plus savoir où donner de la tête. Parmi elles, seule une femme replète à la lourde poitrine (Linda Marshall) semblait réellement se réjouir de transporter les lourds et pleins plateaux de bocks. Elle parvint jusqu’à leur table et s’adressa à eux d’une voix enjouée.  

- Bien le bonjour messires. Que c’est-y que je peux vous servir ?  

Ses yeux pétillaient d’un léger éclat bleuté, comme des étincelles joyeuses.  

- J’ai le gosier aussi sec qu’un jour sans pain, gloussa fièrement Grimaud. Apporte-moi de ta bière.  

- Rien pour moi, répondit sombrement Héloïse.  

- C’est-y sûr, ça ? T’es pas ben grosse, mais ça empêche pas de lever le coude !  

- … Oui, finalement j’ai un peu soif. Apporte-moi une bière aussi.  

Elle se tourna enfin vers Mortimer, qui la dévisageait d’un regard intense. Il la mit mal à l’aise.  

- Il se décide ?  

- La même chose, répondit-il calmement.  

 

La serveuse était penchée sur un tonneau de bière qu’elle roulait dans la cour de l’auberge. Sur le point de le rentrer dans les cuisines, elle s’arrêta lorsqu’elle découvrit un homme qui lui faisait face dans l’encadrement de la porte. C’était cet homme sombre et inquiétant, avec l’accent anglais, qui la dévisageait tout à l’heure. Elle se redressa.  

- Qu’est-ce qu’il veut ?  

- Ton nom.  

- Rothilde. Et puis après ?  

Il s’avança vers elle. Elle n’aimait pas son regard. Elle recula. Sans la toucher, il la bloqua contre le mur et approcha son visage du sien.  

- Il est bien malin de t’avoir trouvé, l’aubergiste. Tu sais assoiffer les clients ? C’est ça, ton petit secret ? Très bon pour les affaires…  

Elle lui répondit d’une voix apeurée.  

- Qu’est-ce qu’y raconte ? J’y comprends goutte. Faut me laisser travailler maintenant…  

Elle voulut le repousser, mais il maintint son bras entre ses mains.  

- C’est que par le plus grand des hasards, j’ai le même petit secret…  

Les yeux de Mortimer s’animèrent d’une lueur bleue, électrique.  

- Sauf que mon petit secret, il est bien plus puissant que le tien…  

Rothilde sentit sa gorge se serrer, sa langue s’alourdir. Il disait vrai, il avait le même pouvoir qu’elle ! Mais elle sentit un frisson d’effroi. La main de Mortimer lui faisait un mal de chien, elle sentait sa peau s’effriter sous sa poigne. Rapidement, la tête lui tourna, son souffle se fit plus court. Elle se sentait dessécher sur place ! Tous ses muscles se contractèrent. Elle voulut crier, mais sa gorge s’était complètement resserrée. Cet homme aspirait toute l’eau de son corps ! Elle perdit conscience, et une seconde plus tard, son cœur cessa de battre.  

 

Au sortir de l’auberge, Grimaud interrogea Mortimer.  

- Alors, c’en était ‘‘une’’ ou pas ?  

- Non. Enfin… à peine. Rien qui puisse nous être utile.  

 

**  

 

Catherine de Valois décacheta la missive qui venait de lui parvenir pendant que sa dame de compagnie brodait en silence près de la cheminée. Un certain évêque de Lisieux lui proposait des informations qui pourrait la mener à stopper la marche de celle qu’on appelait Jeanne. Que lui importait cette Pucelle ? Une illuminée qui avait acquis un renom sur une peuplade désespérée, assiégée de toutes parts, prête à croire en n’importe quelle affabulation comme en désespoir de cause.  

On frappa à la porte. Un messager vint lui compter les dernières nouvelles de guerre. On avait perdu Orléans… La cavalerie avait anéantie les troupes anglaises. Grâce à la sorcellerie de cette Jeanne de Lorraine.  

Catherine sentit un accès de fureur monter en elle. Le miroir posé sur la cheminée se fissura subitement d’un coup sec, faisant crier de surprise la suivante et sursauter Catherine. Elle se maudit de sa propre imprudence et renvoya le messager, sans relever l’incident. Elle reporta son attention sur la missive de l’évêque. Jeanne menait des troupes porter secours à Paris assiégé. Il lui livrerait le lieu de ses haltes.  

Elle devait arrêter cette « sorcière ». Ecrire à Owen pour le lancer, lui et son armée satanique, en chasse de cette Enfant du Monde. Car le récit de son combat ne lui laissait pas de doute. Elle faisait partie de cette engeance qu’elle voulait voir disparaître. Elle lui confirmait ses craintes : ils se montraient trop puissants. Une seule d’entre elle était sur le point de soulever tout un peuple…  

 

Charles VII recevait les mêmes nouvelles avec un plaisir intense. Cette victoire était aussi brillante que la défaite d’Azincourt avait été cuisante. Cela faisait trop longtemps qu’ils n’avaient plus défait les armées anglaises. L’espoir renaissait dans tout le royaume. Jeanne allait-elle réellement bouter les Anglais hors de France ?  

Il exigea qu’on le laisse. Il avait besoin de se retrouver seul car il sentait l’excitation monter en lui. Ses sens étaient émoustillés et il les comprimait avec peine. Alors il se prit la tête entre les mains. Il sentait les secousses revenir. Les voix s’élevaient dans son crâne, tonitruantes, douloureuses. L’air lui hérissait chaque poil de son corps, jusqu’à rendre chaque morceau de son corps sensible au point de défaillir. Il sentait la pierre battre contre la plante de ses pieds…  

Depuis sa plus tendre enfance, ses émotions les plus intenses le poussaient dans cet état de crise. Il lui semblait devenir le réceptacle de plusieurs puissances qui s’entrechoquaient en lui, comme si toutes se battaient pour prendre la primeur de ses sens. Un choc intérieur brutal qui le tiraillait et lui faisait se sentir, de plus en plus, sombrer dans la folie ! C’était pourquoi il en avait fait son plus intime secret. Il ne voulait pas être le « Roy fou ». Ce surnom dont on avait déjà affublé son père…  

 

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Un film de Gabor CZINKA  

Sur un scénario original du Corbeau  

 

Avec  

Shawn GREEN - Owen Tudor  

Logan MANDOWN - Catherine de Valois  

Martha REN - Jeanne  

Guillaume NEUVILLE - Malo de Kermenguy  

Rémy ELOY - Charles VII de France  

Mathieu WAUTHIER - Mortimer  

Thor DEGAST - Grimaud  

Mylene MARTIAL - Héloïse  

Malcom EMERSON - Gilles de Rais  

Marc MESNIL - Eudes Bonnet  

Linda MARSHALL - Rothilde  

 

Sur une musique d’Alyssa EICHINGER  

Scénario : (3 commentaires)
une superproduction fantastique de Gabor Czinka

Shawn Green

Logan Mandown

Guillaume Neuville

Martha Ren
Avec la participation exceptionnelle de Malcom Emerson, Thor Degast, Mylene Martial, Linda Marshall, Marc Mesnil, Rémy Eloy, Mathieu Wauthier
Musique par Alyssa Eichinger
Sorti le 23 septembre 2034 (Semaine 1551)
Entrées : 24 636 291
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