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Muchon Prod présente
L'entrée du nouveau Monde

La nuit. Il est amusant, surprenant, de constater que ces quelques heures illuminées de noirceur sont synonymes aussi bien de peur et d'effroi que d'espoir. Être plongé dans l'obscurité, soudain aveugle, au milieu de mille dangers potentiels, d'hommes et de femmes libérés de leur humanité quand le soleil disparaît... C'est aussi l'heure du bal, de la fête, des miracles ; ne dit on pas que la nuit porte conseil ? Minuit est l'heure du crime, cependant c'est lorsque les douze coups résonnent que Cendrillon perd sa chaussure, enclenchant la spirale menant au bonheur, et à beaucoup d'enfants.  

Pourquoi une nuit ne pourrait-elle pas être à la fois terreur et espérance ?  

C'est fou, les pensées qui peuvent traverser un esprit fatigué habitant un corps presque ivre. Attendais je que quelque chose arrive ? Oui, cela expliquait pourquoi j'étais seul, immobile, devant le grand lac orné d'étoiles. Je n'étais pas capable de me souvenir comment j'étais arrivé là. Je ne savais pas pourquoi, dans le froid de janvier, une chaleur étrange m'animait. Une lueur, sur terre et dans les cieux, prenait un peu trop d'ampleur. On aurait dit qu'elle... chutait. La lumière allait croissante, emplissant le céleste d'abord, avant de couvrir monts et montagnes à l'horizon tout autant que le miroir devant mes pieds. Si j'avais pensé que ce qui me rendrait incapable de voir dans cette nuit serait un excès de clarté !  

Quelques instants, tout ne fut que brillant et clair. Et, enfin, tout disparut. Tout, mis à part un éclair blanc comme neige, pur, immaculé. Vraiment ? Comment tout redevint sombre, alors, en un instant ? Comment, sans un bruit, avait disparu cette magnificence ? Et comment m'étais je retrouvé face contre terre ? Je ne sentais plus de chaleur, je ne voyais plus d'étoiles sur l'eau. Plus que le froid prenant, mordant, et une peur sans nom. Qu'était ce ? Pourquoi ici, maintenant, devant moi ? C'était anormal, quelque chose allait de travers. Mon dieu, que quelqu'un m'aide ! Qu'on me rende la vue, qu'on me sauve ! J'ai peur, je suis paralysé, étouffé, tremblant ; toujours aucun mot ne sort de ma bouche. J'ai l'impression que la mort arrive à moi. Était ce alors la fin ? Ce fut ma dernière pensée.  

 

Des piaillements d'oiseaux, le bruit du vent soufflant dans mes oreilles. Un bien agréable au delà, si l'on faisait abstraction de ce froid terrible. Le même froid que... Ouvrant mes yeux aussi vite que je pensais, la stupéfaction m'enlaça sans douceur. Couché dans la neige, devant le grand lac gelé, j'étais vivant ? Je m'étais juste endormi ?  

« Hé, ça va ? Qu'est ce tu fais couché dans la neige ? »  

Je ne connaissais pas cette voix, mais elle ne pouvait s'adresser qu'à moi. Engourdi comme jamais auparavant, je me retournai, jusqu'à faire face à mon interlocuteur. Qui s'avéra être un groupe, à nouveau comme je n'en avais jamais vu. Deux hommes, deux femmes. Des couples ? Non, il émanait d'eux quelque chose d'étrange, de puissant. En avant, probablement celui qui m'avait parlé, un jeune homme ne portant qu'une longue jupe et une veste ouverte, aussi noires que ses cheveux d'ébène. Il me fixait avec de grands yeux bleus comme le ciel, m'offrant un sourire merveilleusement sincère.  

« T'as besoin d'un coup de main ? Hé, tu m'entends ?, poursuivit-il  

- Ou-Oui, je t'ent-t-tends, articulais-je du mieux que je pouvais. Et un coup de-de main serait pas de ref-refus. »  

Sans hésiter et toujours aussi jovial, il attrapa ma main avant que je n'esquisse un geste et me releva avec aisance, aussi simplement que si j'avais été un enfant.  

« Tu dois être le contact dont on nous a parlé. Enchanté ! Je suis Ifoy, l'autre c'est Bujh, et les deux gonzesses Dilk et Lins. Il a l'air chouette ton monde, tu nous fais visiter? »  

Une tasse encore chaude dans les mains, je commençais à cesser de trembler. Cette fois, le manque de chaleur n'était aucunement coupable. Mais eux, oui.  

A peine avais-je entendu parler de monde m'étais-je évanoui, avant de me réveiller chez moi, hélas accompagné. Ils ne me ménagèrent pas, m'offrant comme seule vision leurs visages lorsque je repris connaissance. Cependant, je parvins à ne pas perdre le contrôle de mes nerfs, suffisamment pour entrevoir un soulagement chez eux. Mais...  

« QU'EST CE QUE VOUS FOUTEZ CHEZ MOI ?! »  

Ils ouvrirent tous la bouche, et, sans un bruit, la refermèrent en parfaite synchronisation. Après quelques secondes de répit pendant lesquelles mon sang arrêta de bouillir, l'une des deux femmes s'adressa à moi tout autant qu'aux autres :  

« Très bonne question, on pensait que tu le saurais. Mais à ta réaction, tu dois être aussi surpris que nous le sommes. J'en déduis que tu n'as aucune idée de nos identités ?  

- Exact, mais vous voulez dire que c'est pas vous qui m'avez emmené ?  

- On t'a juste mis dans le lit.  

- Vous êtes qui au juste ?  

- Tes amis, crois-moi. Et on a besoin de toi autant que toi de nous. »  

Comprenant que ce n'était pas une blague – ou alors de très mauvais goût –, je me levais hâtivement, me dirigeais vers la cuisine. Et, le temps de chauffer un chocolat, l'explication survint :  

« Je vais être directe, reprit la même qu'auparavant, et je m'en excuse. Nous ne venons pas d'ici, mais d'une autre dimension, on peut dire. Un lieu bien différent, un monde où les choses sont bien différentes. On n'a pas tous ces outils bizarres que tu possèdes, mais on a la magie. Du moins, pour l'instant... Et c'est là qu'on a besoin de toi.  

- Une autre dimension ? De la magie ? Bien. Où est la caméra ? J'ai presque marché, mais y a un mom... »  

Des éclairs dans la main de mon vis-à-vis me forcèrent à me stopper. Non... Ce n'était pas possible ! La magie, ça n'existe pas ! Alors j'avais perdu la tête, j'étais devenu fou ? Ou peut être allais-je me réveiller ? Mes membres se mirent à trembler, furieusement, sans que je ne puisse l'empêcher. Mon corps lui même frémissait, avait peur de cette vérité crachée en plein visage.  

Et, ainsi, une tasse dans les mains, j'avais attendu. Maintenant, j'avais réussi à assimiler en partie ces nouveautés, sûrement pas les dernières.  

« Mais pourquoi auriez vous besoin de moi ? Je ne suis pas différent, fort, agile, ou quoi que ce soit. Je suis un mec sans boulot ,sans talent...  

- Et c'est bien pour ça que chacun a besoin de l'autre. On va changer ta vie, en profondeur, si tu l'acceptes. Si tu l'acceptes, donc, tu reviendras avec nous à jamais. La nature de notre monde te changera, et tu n'auras plus de raison de te plaindre. Tous ne savent pas utiliser la magie, c'est affaire de quelques élus, mais tu sauras.  

- Comment peux tu en être si sûre ?  

- Pourquoi crois tu que nous sommes tombés sur toi ? Nous avons été envoyés ici pour te chercher. D'après le chef, tu aurais un potentiel magique intéressant. Le problème, c'est qu'il aurait dû te contacter, et on dirait que non. Tu n'as pas discuté avec quelqu'un de différent, hier soir ? »  

Hier soir. C'était quelques heures plus tôt, pas même une journée, et pourtant, une distance indicible me séparait de cet instant. J'étais sorti, seul, et j'avais bu. Probablement trop. Il était possible, en effet, qu'un homme étrange soit venu me voir la veille, mais je n'en avais aucun souvenir. Cependant, qu'est ce qui aurait pu me guider jusqu'au lieu de leur arrivée, si ce n'était pas cela ? Plus que possible, il était probable qu'un contact avait eu lieu.  

« Je ne m'en souviens pas, mais je ne me souviens pas de grand chose de la soirée dans son intégralité. Si je suis allé jusque là bas, votre chef a bien dû me parler, sauf que mon état a fait que je n'en étais pas pleinement conscient.  

- J'aimerais t'expliquer ce qu'il t'a expliqué lui même, mais nous n'en avons guère le temps, je pense. Tu nous suis, ou tu restes ici ?  

- Si je vous suivais, qu'en serait il de ma famille, de mes proches ?  

- Plus aucun rapport. Tu disparaîtrais de ce monde, ton existence entière serait gommée, effacée. »  

Disparaître complètement. A jamais, perdre ma famille. Mes parents eux-mêmes m'oublieraient. Et apparemment, je n'avais guère le temps de prendre une décision pleinement réfléchie. Soit...  

« J'aurai le temps de leur faire mes adieux ?  

- Non, désolée. Et même si on avait eu tout le temps du monde, nous devons garder le secret sur l'existence de notre monde. Mais puisque tu as décidé, il y a autre chose à penser. Sais tu où sont les « triangles qui transpercent les nuages » ?  

- On dirait les pyramides, oui, c'est en Égypte. Pourquoi ?  

- On doit y être dans vingt heures. »  

Avant que je n'aie le temps de me rendre compte de la chose, nous étions déjà sur la route, installés dans ma voiture incompréhensible - « Mais comment fonctionne cette chose ? C'est rapide ! ». Vingt heures ! Il en fallut déjà une pour atteindre l'aéroport, et, comme je l'avais craint, les guides étaient de véritables électrons libres. Entre la peur et l'admiration, ils se laissaient surprendre avec plaisir par tant de choses si anodines pour moi. Les portes automatiques, les bornes automatisées, rien que les tenus dans la foule suffisaient à mettre des étoiles dans leurs yeux. Et bien qu'il soit amusant d'admirer leur comportement et les réactions des badauds, notre empressement ne se faisait que plus important à chaque seconde perdue.  

Ainsi, allégé de mes dernières économies et de notre deuxième heure, nous attendions le décollage. Les contenir s'avérait moins difficile que je ne l'avais pensé : ils connaissaient probablement l'enjeu bien mieux que moi, et qui semblait difficile à atteindre. Passer dix-sept heures dans un avion lorsqu'on en a plus que dix-huit risquait bien de nous empêcher d'être là-bas à temps. Mais nul ne paniquait, nous n'en avions pas le temps. Nous ne pouvions qu'espérer compléter notre objectif.  

C'était le premier instant, depuis la veille, où j'eus véritablement le temps de penser. Dans quoi m'étais je-embarqué ? Suivre ces quatre personnalités atypiques, renoncer à ma vie, si aisément... Pourquoi ? Pourquoi avais-je choisi d'abandonner parents, amis ? Le plus étrange, le plus perturbant, était que je ne regrettais pas. J'avais en moi la conviction que c'était ce que ma vie devait être. Je ne le comprenais pas le moins du monde, mais je le faisais. Malgré cette facilité à le faire, je ne pus retenir les larmes. Merde ! Papa, maman, désolé...  

« Veuillez boucler vos ceintures en vue de l'atterrissage. »  

Le temps de la nostalgie arrivait à son terme. Ma vie pouvait débuter, ou le pourrait sous peu. N'ayant de bagage, sortir de l'aéroport du Caire ne prit pas longtemps, tout comme l'attente d'un taxi fut bien courte. A cinq, il fallut se serrer dans le véhicule jaune, que l'on ne pourrait hélas pas payer. Les yeux rivés sur ma montre, je comptais les minutes. Plus que quarante en entrant dans le transport. Trente-neuf, trente-huit, trente-sept... La crispation montait en même temps qu'il s'écoulait. Nous avions – moi seul en fait – misé sur Gizeh, les trois pyramides, car elle avait parlé de plusieurs triangles. Brusquement, la voiture s'immobilisa. Sans s'attarder sur le chauffeur criant au vol, nous sautâmes hors du véhicule, déjà en pleine course vers les trois fameux triangles. Je suivais le groupe, soudainement se dirigeant avec exactitude et précision. Ils m'emmenèrent devant la pyramide centrale, presque au contact.  

« Combien de temps ?, jeta celui que je n'avais pas encore entendu.  

- Un peu moins de deux minutes, paniquais-je en contemplant mon poignet. Il y a personne !?  

- C'est normal ! Laisse toi faire, il reste une chose à faire. »  

Ils m'entourèrent, chacun posant une main sur moi tandis que l'autre se levait vers le ciel. Quelques mètres au dessus de nous, un cercle noir apparut.  

« C'est une magie dimensionnelle. Elle va nous ramener chez nous avec toi. Mais elle sait que tu ne viens pas de chez nous, et, seul, elle te réduirait à néant. On te fait passer du pouvoir magique, pour te faire passer pour un des nôtres. Mais le temps est presque écoulé, ça ne sera peut être pas suffisant.  

- Quoi !? Je vais mourir ?  

- Si tu crois que tu vas passer, tu passeras. Crois y ! »  

Je n'entendis rien de plus. Le cercle s'abattit sur nous, mais je me retrouvais alors seul dans une noirceur absolue. Je n'avais aucune sensation. Je ne ressentais ni froid, ni chaud. Ni haut, ni bas. Ni faim, ni soif. Juste une conscience, un esprit flottant dans le vide. Et même flotter me semblait trop concret. Perdu. Immatériel. Cependant, je n'étais pas mal ; pas bien non plus, évidemment. Réduit à néant, avait-il dit. Je m'étais imaginé quelque chose de violent, une douleur si intense qu'elle briserait le mieux bâti des corps. Au final, rien de si terrible. Un état hors du temps, dans lequel la notion de durée n'avait pas de sens. J'avais disparu.  

Un vent se leva. Une douce brise, soufflant de sous mes pieds, caressait tendrement ma peau. Une brise qui devint un souffle plus franc, progressivement, très lentement. La caresse devint morsure, la morsure devint emprise. Ce qui avait été agréable, chaud, n'était alors plus qu'une grande bourrasque froide. Ce fut seulement quand la tempête me balaya d'en dessous que je compris : je chutais, et de plus en plus vite. En même temps que ma vitesse prenait de l'ampleur, le vent en faisait de même. Je chutais ! Quelle pensée somptueuse ! Si je chutais, cela voulait bien dire que des repères existaient, qu'il y avait un haut comme un bas, une certaine gravité, quelque chose d'autre que ce néant qui m'avait happé ! Il fallait que je chute, mon équilibre, mon univers en dépendaient. C'était ma chance d'en sortir, de m'en sortir. Je n'avais jamais perdu mon corps, ni quoi que ce soit, je n'avais qu'oublié. Ce souffle réveillait tout. D'abord mon toucher, cette conscience d'avoir un corps qui interagit avec son environnement. C'était comme renaître, comme voir apparaître son enveloppe charnelle ! Chaque fibre, chaque cellule, je la ressentais pleinement.  

 

Mais... Toutes les bonnes choses ont une fin.  

Car qui dit ressentir toute chose en moi dit aussi ressentir toute la douleur. Et la chute cessa. Brutalement, brisant à la fois mon physique et mon spirituel, la chute cessa. J'étais finalement tombé. Après avoir été aussi simple dans ma forme qu'une volute de fumée, je devenais souffrance. Je voyais, en moi, que n'importe lequel de mes os était en miettes, que n'importe laquelle de mes veines était déchirée. Et, peut être pire, n'importe laquelle de mes pensées était comme s'écraser à nouveau. Et cet état allait crescendo. La douleur allait croissante, encore et encore, ne me laissant aucun répit, aucun espoir de rémission. Mon corps était-il en train d'imploser au ralenti ? Et mon esprit s'évaporait-il aussi simplement qu'un peu de vapeur ? Non. NON ! Je devais tenir. Je le devais ! Je n'avais pas tout abandonné pour en arriver là ! Le vent s'était stoppé, alors la douleur s'arrêterait à son tour ! Tiens bon... Tiens bon ! Tu n'en sortiras que plus fort ! T'as pas le droit de laisser tomber maintenant ! Merde, il part... Non, ce n'était pas ma voix qui hurlait de ne rien lâcher. Ce n'était pas moi qui combattais avec tant de hargne la douleur. Quatre – non, cinq voix. Cinq voix qui, déchaînées, semblaient combattre le poison dans mon esprit. A chaque nouveau cri, la douleur répondait d'autant plus puissamment. Mais les voix étaient nombreuses, et je sentais une flamme monter en moi. La même flamme qui m'avait poussée à me rendre devant le lac, la même flamme qui m'avait fait suivre ces gens. Cette flamme certaine d'elle, inéluctable. Au fond de moi, la lutte prit terme dans la chaleur réconfortante de la douleur qui flambait, disparaissant enfin de mes pensées. Les voix se turent. Plus de vent, plus de douleur, plus de bruit. Juste un éveil, lent, progressif. A nouveau, ma peau fut la première à revenir. Mon corps était en ébullition. Je sentais qu'il faisait bon, même chaud, mais qu'un léger vent rendait le tout juste agréable. Je sentais que j'étais couché à terre, sur le ventre, les mains dans de l'herbe sèche et tiède qui me grattait les joues. Je sentais que mon cœur battait, que mes poumons se remplissaient puis se vidaient. Je sentais que je vivais ! Mon nez prit le relais, découvrant de senteurs nouvelles, des odeurs de plantes, de fleurs, d'une nature immaculée, en même temps que le bruit du vent dans les feuilles arrivait à mes oreilles. Tout en moi clamait une chose, une chose effrayante comme incroyable : je me trouvais dans un autre monde. Ma sensibilité, mes sens, tout me le hurlait sans hésitation aucune. Je n'étais plus chez moi, ni même dans mon pays ou sur mon monde. J'étais... ailleurs.

Scénario :
une série Z fantastique de Lawrence Kanno

Rick Burman

Lou Green
Sorti le 22 juillet 2034 (Semaine 1542)
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