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Les Amourettes d'Elisa

Barney est un fan des Amourettes d'Elisa. Cette série de romans à l'eau de rose, qui conte les tribulations sentimentales d'une jeune femme perdue dans une grande ville, ne connaît pas un immense succès populaire. Mais dès le premier tome, Barney est littéralement tombé amoureux de son héroïne. Au fil des mois (des années ?), les volumes se succèdent et Barney sent à chaque fois son cœur s'emballer davantage. Il se rend compte que l'amour qu'il porte à Elisa est réciproque. Des indices subtils se glissent dans ses dialogues, elle donne des détails de la vie du jeune homme, le décrit physiquement et psychiquement lorsqu'elle évoque l'homme idéal. Il est alors certain que ce personnage de fiction parle de lui, Barney. Et lorsque son prénom apparaît dans le dernier ouvrage, et qu'elle s'adresse directement à lui, il ne sait plus s'il vit un conte de fée ou s'il sombre dans la folie...  

 

 

 

Ce matin-là, Barney se leva du pied gauche. Bien sûr, il ne s’en aperçu pas et, même si cela avait été le cas, il n’y aurait pas prêté attention. Barney n’était pas superstitieux. Il aurait mis cela sur le compte de son réveil qui, ce jour-là, sonna une heure plus tôt. A six heures pile au lieu de sept heures. Où de l’excitation. C’est que ce jour-là était particulier. Barney l’attendait depuis le lundi de la semaine précédente. Depuis que le Boston Globe avait annoncé la nouvelle dans ses colonnes. Le treizième volume des Amourettes d’Elisa allait être publié en roman-feuilleton dans le quotidien le plus lu de la Nouvelle-Angleterre. Malgré son exaltation, Barney ne changea rien à ses habitudes matinales. De celles tant vantées par Elisa dans le volume huit, celles qui lui rappelait son père et qui, selon elle, était le gage de l’homme idéal…  

 

Donc, ce matin-là, comme chaque matin, Barney déplia d’abord le volet gauche de sa chambre puis le volet droit. Il ouvrit ensuite la fenêtre et contempla la Charles River. Puis, il se rendit à la cuisine où il prit l’éplucheur dans le tiroir sous l’évier. Barney plongea sa main gauche dans la corbeille de fruit et il prit une pomme. De la main droite, il l’éplucha méticuleusement pour n’obtenir qu’une pelure. Comme la plupart du temps, Barney réussit l’opération. Il se rendit alors dans le salon et enclencha le tourne-disque. Il ne s’assit dans le fauteuil que lors des premières notes du trombone de la chanson Chloé de Duke Ellington. Et il savoura la pomme lorsque la clarinette rentra dans la danse…  

 

Normalement, Barney arrivait au kiosque à journaux de Newburry Street à sept heures trente. Mais ce jour-là, il y arriva une heure plus tôt pour acheter le Boston Globe. Il avait prévu de consacrer l’heure gagnée sur son sommeil à lire et à relire le premier épisode du treizième volume des Amourettes de Lisa au café d’en face, celui qui faisait l’angle avec Clavendon Street. En y entrant, Barney ne prêta pas attention à l’intense activité du Coffee Trade. Il n’aurait pas su dire s’il avait commandé un café ou un jus d’orange. Par contre, Barney aurait presque pu réciter par cœur ce premier épisode de 5 500 signes, publié en page trente-six, sur les deux colonnes à gauche, qu’il avait relu une bonne dizaine de fois…  

 

Au volant de son autocar, Barney tentait de se frayer un chemin dans les décombres de Main Street. Il en était donc à la partie la plus délicate du voyage, celle où il avait quitté Boston en empruntant Longfellow Bridge pour entrer à Cambridge. De là, il n’avait pas d’autre choix que d’emprunter Main Street pour quitter la banlieue et rejoindre la ville de Longwell qui était le terminus de la ligne. Cette portion n’était pas une partie de plaisir car il fallait jouer de la mécanique dans les embouteillages et la transmission de l’autocar renâclait au moindre effort. Pourtant, comme à l’accoutumé, Barney était optimiste, fier du travail qu’il accomplissait. Il appartenait à la Massachusetts Bay Transit Authority, la compagnie de transport de la ville, et il accomplissait chaque jour la navette entre le terminal de South Station de Boston à Longwell. Barney aimait le travail bien fait, offrir un voyage irréprochable à ses passagers qu’il considérait comme ses protégés. Un peu comme Elisa et ses patients. Elisa qui, pour la première fois parlait de lui. Le nommait et ne se contentait plus de le décrire vaguement, comme un rêve qu’on espère réaliser. Cette fois-ci, Elisa ne rêvait plus, elle l’avait rencontré. Lui, Barney…  

 

 

 

Une semaine plus tard, la lecture du septième épisode du treizième volume des Amourettes d’Elisa que lu Barney à la page trente-huit du Boston Globe au Coffee Trade le laissa perplexe.  

 

Barney s’était reconnu dans le Barney qu’Elisa avait rencontré par hasard dans un parc. Ou du moins, qu’Elisa avait observé. En effet, Elisa avait décidé de le suivre pour vérifier qu’il correspondait en tout point à son homme idéal. Celui tant décrit dans les volumes précédents et qu’Elisa espérait rencontrer. Au troisième épisode, Barney apprit que ce Barney-là était conducteur de la compagnie de transport de sa ville. Au quatrième épisode, Barney découvrit que ce Barney-là aimait se rendre chaque samedi aux matchs de baseball. Au sixième épisode, qu’il fleurissait la tombe de ses parents chaque dimanche après-midi. Tout comme lui…  

 

Bien sûr, Barney avait passé la semaine à épier les gens autour de lui. Il espérait à chaque fois voir Elisa, la femme qui l’espionnait. Il s’attendait toujours à tomber sur l’infirmière qui prenait tant soin de ses patients. Puis, il tentait de se reprendre car cela ne pouvait être que des coïncidences. Depuis quand l’héroïne d’un roman à l’eau de rose tombait amoureuse de son lecteur ? Et le rencontrait dans la vie réelle ? L’inverse posait déjà assez de problèmes comme ça... Bref, Barney ne savait vraiment plus où il en était. Chaque matin, Barney se rendait fébrile au Coffee Trade, afin de découvrir le nouvel épisode des Amourettes d’Elisa. Partagé entre l’excitation de se reconnaître dans ce Barney-là et la peur de comprendre que tout cela n’était que roman. A moins que ce ne soit l’inverse…  

 

Mais cette fois-ci, dans le septième épisode, la tournure que prenaient les évènements était pour le moins dramatique. Elisa rencontrait Barney. Elle lui parlait pour la première fois. Mais Barney ne pouvait lui répondre…  

 

 

 

Il pleuvait à verse sur Boston. Au volant de son autocar, Barney avait réussi à se dépatouiller des pièges de Main Street. Pourtant, contrairement à d’habitude, il n’en tira aucune satisfaction. Barney était même apeuré par ce qui allait suivre. En effet, le car commençait à entamer la montée des premiers contreforts du Waitt-s Moutain. Et la descente sur Longwell se profilait à l’horizon. Barney sua à grosses gouttes quand le car atteignit le sommet de la côte et commença à descendre l’autre versant. Il était neuf heures quarante-deux. La même heure qui était mentionnée dans le septième épisode des Aventures d’Elisa que Barney avait lu le matin-même. La route serpentait entre des champs verdoyants, éclaboussée de la lumière dorée du soleil qui perçait après l’averse. L’asphalte était devenu lisse et glissante. Barney transpirait et le bord de sa chemise était humide. Ses yeux guettaient un point précis en contrebas. Celui où la route enjambait par un pont étroit une rivière.  

 

Alors, Barney le vit. Un énorme camion orange et blanc fonçait dans sa direction. L’autobus continuait de descendre le versant et le camion, qui venait de franchir le pont, avait pris son virage trop large. Barney serra à droite et le camion se déporta de l’autre côté de la route. L’autobus fit alors une embardée dans le virage, roula en équilibre sur les deux roues, et sortit de la route, emportée par son élan. Il continua de dévaler la pente, puis bascula, passa sur le toit, fit un tonneau, puis un autre, et un autre… Jusqu’à ce qu’il s’écrasa contre les énormes rochers en contrebas.  

 

 

 

Ce matin-là, Barney ne se leva pas du pied gauche. Il était cloué sur un lit d’hôpital. Ce ne fut pas la sonnerie stridente de son réveil qui le sorti de son sommeil mais le contact de la paume d’une main sur son visage. Barney ouvrit les yeux et contempla l’infirmière qui se tenait devant lui. Bien sûr, elle ne lui ressemblait absolument pas. Pourtant, Barney ne put s’empêcher de lui poser la question suivante :  

- Comment vous appelez-vous ?  

- Elisa...  

 

Alors, Barney sourit et referma ses paupières…

Scénario : (2 commentaires)
une série Z sentimentale de Sheinaz El Ramani

Jake Hopkins

Aline Siral
Sorti le 12 août 2034 (Semaine 1545)
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