Jeff (Jeff ELIAS) roule depuis maintenant un petit moment au volant de sa mustang, lunettes de soleil vissées sur le nez, vitre grande ouverte, à la recherche d’un peu d’air salvateur face à cet été caniculaire. Vêtu de son costard habituel de grande marque, Jeff rentre chez lui. Il aurait dû se trouver à cet instant même au bureau, à jouer avec de l’argent pas vraiment virtuel, à déplacer des capitaux. Jeff est trader, un jeune trader aux dents longues qui affiche ses ambitions et les assume. Il est sans nul doute l’un des plus prometteurs mais Jeff se croit le meilleur, tout simplement. Et pour prouver sa supériorité, il travaille comme un forcené, jour et nuit, toujours à la recherche du coup fumant.  

Seulement, travailler à un tel rythme ne peut être que passager, l’homme a des limites. La fatigue, le stress toujours plus oppressant, les montées d’adrénaline, Jeff adore ça, sa santé moins. Mais dans ce milieu, on a accès à tout alors Jeff se procure de quoi tenir, il en a les moyens de toute façon. Au début il s’était dit que ce serait juste passager, une fois de temps en temps pour recharger les batteries, au début oui. Maintenant, Jeff a besoin de sa dose de cocaine régulièrement, pour être plus performant et tant pis pour les effets secondaires, pour ses accès de colère de plus en plus fréquents.  

Pourtant Jeff est fondamentalement gentil, mais la cocaine, l’argent, l’ont complètement changé.  

Maintenant, le plus petit detail peut le faire sortir de ses gonds, comme tout à l’heure au bureau. Un collègue qui faisait tourner inlassablement son stylo autour de son pouce. Toujours le meme bruit, le même mouvement. Il a bien essayé d’ignorer ce manège mais impossible de s’en detacher. A bout de patience, Jeff s’est rué sur son colllègue, lui arrachant le stylo des mains, le frappant. Un accès de rage de quelques secondes, quelques secondes de trop. Les échauffourées n’étaient pas rares, la competition faisant rage, mais personne n’en était encore venu aux mains.  

Voilà pourquoi Jeff roule dans les rues de San Fransisco. Pour se calmer, se vider la tête. Seulement à chaque carrefour, dans chaque rue, Jeff remarque quelque chose ou quelqu’un qui l’énerve. Ce jeune qui a traversé tout à l’heure alors que les feux piétons étaient rouges, marchant lentement sur le passage piéton, regardant Jeff bien dans les yeux d’un air disant “ et ouais mec tu vas t’attendre”. Jeff eut une envie irrepressible d’écraser la pédale d’accélérateur et de rouler sur la gueule de ce petit con ou alors d’ouvrir sa boite à gants et d’en sortir son gun. Là encore, un achat dû uniquement à sa richesse de trader. Il n’en était jamais servi, tout comme la batte de baseball placée dans le coffre. Il l’avait sortie une seule fois pour se la faire dédicacer par la star des Giants de San Francisco et c’est tout.  

Jeff essaie tant bien que mal de ne plus penser à ce jeune, mais voilà le trafic qui s’intensifie et rapidement il se trouve coincer dans les embouteillages, sous une chaleur infernale. Les gouttes de sueur qui coulent dans son cou, sur son nez l’énervent. L’abruti à coté de lui qui beugle contre les cons qui prennent la route tous en meme temps aussi. Que dire de l’obèse derrière lui qui croit qu’en appuyant frénétiquement sur le klaxon, tout le monde va avancer plus vite. Jeff bout dans sa voiture, à cause de la chaleur mais aussi intérieurement.  

Soudain quelquechose cède en lui après 20 minutes coincées dans l’embouteillage. Il sort de sa voiture, se dirige à l’arrière pour en ouvrir le coffre et en sors sa batte de baseball. A peine la tient-il en main qu’il se retourne rapidement et frappe de toutes ses forces le pare brise du véhicule derrière lui qui vole en éclats sous la violence du choc.Des bris de verre volent un peu partout, coupant le visage du conducteur qui tente de s'extraire de son véhicule pour régler son compte à son agresseur.  

Jeff ne lui en laisse pas le temps. A peine sorti il reçoit un violent coup de batte sur la tête. Le gout du sang envahit sa bouche tandis que le craquement des os de sa machoire semble apaiser quelques instants Jeff qui reste là, prostré devant cet homme allongé à ses pieds.  

Il essuie finalement sa batte d'un revers de manche et se dirige vers son véhicule, côté passager et plonge sa main dans la boite à gants. Il se redresse ensuite et regarde le conducteur, qui tout à l'heure beuglait derrière son volant, un sourire malsain aux lèvres. L'homme l'interpelle sans ménagement. Il n'obtient comme seule réponse qu'un canon pointé entre ses deux yeux et deux balles dans la tête.  

Jeff regarde le corps s'effondrer sur le siège, la tâche rouge qui s'agrandit, la fumée qui s'échappe encore de son pistolet.  

Il regarde ensuite autour de lui. Tous ces gens qui le regardent, interloqués, choqués, effrayés. Mais il est inutile pour Jeff de rester ici plus longtemps. Il quitte alors l'artère principale pour se glisser dans le dédale de rue San Fransiscain, sa batte et son pistolet dans les mains.....  

A quelques encamblures de là, Lucy (Lucy BURWELL) regarde la télé, assise sur son canapé, un ventilateur soufflant un air frais dans ses longs cheveux blonds, attendant que son père rentre du boulot. La climatisation étant tombée en panne à son école, elle est rentrée plus tôt chez elle et en profite donc pour se divertir.  

La série qu'elle regarde est alors subitement interrompue par un flash d'information. Un homme sillonne les rues de San Francisco, armé d'un pistolet et d'une batte de baseball, semant la mort derrière lui. Une image du véhicule abandonnée au milieu d'une rue apparait, des photos capturées du prétendu meurtrier également. Lucy reste interloquée, elle reconnait cette voiture, ces photos, c'est son père.  

Elle bondit hors de son canapé et se précipite hors de chez elle....