"Papa, Maman,  

Voici ma lettre, peut-être l’unique que vous recevrez de moi. Oui, je l’admets et cela ne fait pas sourire. Je sais que vous êtes mort d’inquiétude pour moi, mais je vous rassure, je vais très bien, jamais je n’ai été aussi bien de toute ma jeune vie.  

La vie ici n’est pas un fardeau, une douleur mais une liberté qu’on ne peut mesurer. Je me sens plus ce jeune homme obligé de subir sa vie, je me sens libre.  

Vous devez vous demander pourquoi vous écrire pour vous dire ça ? En voici toutes les raisons.  

Voilà maintenant seize ans que je suis venu au monde, dans la beauté de l’art, dans la magnificence de ce monde. Voilà seize ans que je suis devenu ce que j’étais. Rien ne me prédisait un avenir aussi délirant si je puis dire. Etre le « fils de » n’est pas chose facile de notre temps. Mais pourtant, ce rôle devait me coller à la peau. Oui papa, toi l’homme si puissant, chef de tant d’entreprises mais surtout pas de ta famille, et toi maman, l’épouse parfaite trompée presque toutes les heures sans que tu le saches. Voilà un tableau qui me fait sourire au point de m’en amuser.  

Puis j’ai grandi à la Villa, ce lieu de paix qui n’était en fait qu’une prison, un endroit répugnant où je ne sentais que solitude et dégoût. Marthe n’y est pour rien, au contraire, elle est celle qui me permit de rester en vie. Je ne pouvais compter que sur elle, c’était devenue ma maman de cœur. Elle comptait plus que vous, et après toutes ces années, compte encore beaucoup pour moi.  

Vous êtes répugnés par cette lettre. Attendez d’en lire la suite.  

Il y a bien des secrets que vous ne savez pas sur votre enfant, puisque vous n’avez jamais vécu avec. Que savez-vous réellement de moi ? Mon prénom et mon nom, ce titre de noblesse décidé par votre bourgeoise gueule. Mais savez-vous d’autres choses ? Non. Je suis un parfait inconnu pour vous et à l’heure où j’écris mes lignes, vous vous demandez qui est réellement cet adolescent. C’est bien moi, le vrai et l’unique.  

Durant vos absences, beaucoup de choses se passaient à la Villa. Vous croyez que le monde était paisible. Pour tout le monde oui, pour moi encore plus.  

Tout allait de fête en fête. Je montrais que je pouvais vivre ma vie d’enfant à son papa et à sa maman. Si vous saviez aussi tous les dossiers ouverts sur vous. Vous seriez sur le point de vous entretuer. Et pourquoi ne pas les dires ? Pourquoi ne pas vous faire ce que vous m’avez donné ?  

Commençons par toi maman. On va passer quelques années. J’avais douze ans, la fleur de l’âge, le passage entre l’enfance et l’adolescence. Je dormais à point fermé. Tu es venu dans la chambre dans un état dixième. Tu m’as vu, là, sur mon lit et tu as commencé à enlever la couette. Je me suis réveillé. Tu m’as regardé longuement et tu as commencé à m’enlever le bas de mon pyjama. Mon intimité était dévoilée. Tu l’as prise entre les mains et commençait à me faire un mouvement de va-et-vient. Je ne me sentais pas. Tu as pris ma main et l’as placé au niveau de ton intimité si humide, je sentais un liquide couler. Je ne savais pas ce que c’était. Tu avais des frissons. Tu t’es levé et tu t’es mise sur moi, ton intimité contre la mienne et tu as fait ce que tu avais fait avec le jeune homme quelques années auparavant. Tu bougeais ton bassin pour que je puisse simplement venir en toi, chose faîte. Tu venais de tuer ma virginité.  

Voilà les douloureux secrets de ta part. Passons à toi papa, car tu n’es pas blanc comme neige.  

Tu as cru que rien ne pouvait arriver, que tu pouvais tromper maman comme ça, sans qu’elle sache avec qui et quand. Cela aurait été trop facile pour toi. Si elle savait que je t’ai vu plusieurs fois dans votre lit conjugal avec cette femme dont tout le monde connaît le nom dans notre soi-disant famille, cette chère secrétaire que tu touchais, que tu embrassais avec passion, dont tu en faisais ce que tu voulais. Cette secrétaire que tu as mise enceinte mais j’en parlerai plus tard.  

Maman sait-elle aussi ton autre lourd secret ? La famille le sait-elle aussi ? Je ne pense pas puisque cela doit être caché. C’est si honteux comme tu me le disais quand j’étais petit, c’est inhumain mais tout cela n’était que mensonge. Je me rappelle de ce jour, il y a trois ans. J’étais rentré plus tôt à la maison. Je n’ai pas fait de bruit et je me suis avancé vers le salon. Et là je t’ai vu nu, avec cette personne, nue également. Vous vous échangiez des baisers, des coups de langue, j’en passe. Puis je t’ai vu en cette personne. Tu avais l’air d’aimer ça et elle aussi. Cette personne, devrais-je dire plutôt cet homme. Oui mon cher père, je t’ai vu avoir une relation avec cet homme. Le pire de tous tes secrets ainsi dévoilé par ton abominable fils, quel malheur.  

Et si on passait aussi à un peu sur moi. Que dire si ce n’est que j’ai aimé ta secrétaire papa. Je l’ai aimé à en suivre ton chemin et à m’amuser à la façon d’un adolescent avec. Oh oui, mon cher papa, je me suis amusé et je peux même te dire que quelques lignes plus tôt, j’ai dit un mensonge auquel tu crois depuis fort longtemps. Cet enfant n’est pas le tien mais bien le mien. Tu dois tomber des nus. Il en est ainsi.  

Pour te faire honneur, j’ai suivi une autre voie que tu as empruntée. Ce beau jeune homme avec qui je me suis mis et avec qui je vis depuis un an une relation des plus tumultueuses, des plus passionnantes. Oui, aujourd’hui, vous savez que je suis devenu homo. Cela vous dérangerait-il de le savoir ? Est-ce gênant pour la famille ? En tout cas, je m’en fous de votre avis, je vis ma magnifique vie avec lui et je suis le plus heureux.  

Sur ces mots, je vous abandonne à votre triste sort, celui d’être un couple maudit, des parents détestables, des gens peu civilisés. Vous n’entendrez plus jamais parler de moi, plus jamais de ma personne et de ma vie. Ce sont des adieux peu poignants mais plutôt réconfortants.  

A jamais."  

Un film émouvant de Sofia Capella avec  

Ewan Howarth dans le rôle de Nicolas (le narrateur)  

Jordan Hermann dans le rôle du père  

Brittani Kilar dans le rôle de la mère  

Diane Black dans le rôle de la maîtresse