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MMP présente
Le Jour de l'Ebola (Ebola Day)

C'est le distingué Jonathan Pryce - qui dans le film Demain ne meurt jamais issu de la franchise James Bond - faisait dire à son personnage Carter "Les bonnes nouvelles sont les mauvaises nouvelles". Ce personnage se voulait une caricature de media tycoon, mélange approximatif de Bill Gates et Rupert Murdoch, ennemi juré de l'espion de Sa Majesté.  

Friedrich Mann (Manfred Ribic) n'aime pas les films de James Bond, il n'en a jamais vu que le premier - mais l'antienne de Carter pourrait être la sienne. Lauréat de l'Ecole de Sociologie de Francfort, il sait d'instinct ce qui attire le chaland. Propriétaire d'une vingtaine de quotidiens à travers le monde, d'une trentaine de newsmagazines et d'autant de sites web, il a - à la différence de ces collègues - vu venir la dématérialisation de l'information par les réseaux. Très tôt, il a compris que son empire de presse ne pourrait subsister sans une bonne dose de contenus, infos et loisirs mélangés. C'est ainsi qu'il a jeté son dévolu sur une compagnie cinématographique, 3 labels de musique et diverses participations croisées dans des radios, networks télévisuels et compagnies de jeux vidéos. C'est le règne de la convergence et Friedrich l'a sait sienne.  

 

Il a également été le premier sur le people's news, l'info envoyée directement par l'internaute moyen. Sur ce point, il reste des éléments à cadrer : une de ses compagnies doit faire face aux plaintes de divers cabinets d'avocats suite à l'annonce prématurée des décès de célébrités (dont certains de ses concurrents, quelle ironie). Friedrich laisse ça à son staff, lui est déjà passé à autre chose, fidèle à son principe d'une idée = un business par jour.  

Non, le prochain gros truc, Friedrich l'a nommé en toute modestie "Le Jour de l'Ebola". Le principe, clair comme de l'eau de roche : générer tout simplement une panique locale, nationale, mondiale en grossissant un événement. En soi, rien de très nouveau, tous ses concurrents sont adeptes de la méthode. Là où Friedrich va frapper fort, c'est dans les moyens utilisés, inédits dans leur ampleur et tout-à-fait aptes à générer une information crédible...  

Il a mis en place une nouvelle agence de presse nommée Avandia spécialisée dans l'événementiel. Cette agence, principalement composée de personnes de confiance embauchées par ses proches lieutenants, peut créer de toute pièce une guerre, mettre en scène avec des moyens hollywoodiens un charnier, reconstituer une marche sur la Lune si besoin, simuler un attentat terroriste en direct live. Les moyens sont quasi-illimités et les possibilités immenses.  

 

Pour son premier test grandeur nature, Avandia doit simuler un retour de l'ébolavirus au coeur de l'Afrique. L'Afrique n'intéresse plus les USA (finie, l'Obamamania des années 08-09), l'Europe lui accorde une importance relative, le risque de scandale est minime... On s'attaquera ensuite à l'Amérique du Sud, à la Russie, puis à l'Europe et enfin aux USA en mettant en scène des catastrophes évolutives et de plus en plus graves... En attendant, nul besoin de prendre trop de risques, on se mouillera donc dans une zone dont le monde entier se fout cordialement... Le parent pauvre du monde.  

Les chiffres seront ainsi "discrètement" catastrophiques, de quoi faire tiquer les conspirationnistes toujours aux aguets (ces derniers seront mis à contribution, ils jureront bientôt qu'il y aura eu dix fois plus de victimes) - juste 5 000 morts en 3 mois répartis sur quatre pays, autant dire même pas le quota d'une guerre civile standard - et que sont les chiffres ? Certes, quelques pays locaux seront sensés être destabilisés, mais le scénario ne prévoit pas de renversement. Juste trois phases critiques : 1. propagation (1 semaine) 2. quarantaine (1 semaine) 3. "sauvegarde" (1 semaine). L'agence a embauché d'excellents comédiens, tous issus des pays concernés, qui tourneront de faux reportages bidonnés doublés de stock-shocks et d'interventions en plateau de scientifiques "bons clients" des chaînes du groupe. Afin de ne pas éventer le scandale, on s'est assuré la collaboration de la nouvelle vraie puissance régionale : l'administration chinoise est ainsi mise largement à contribution dans cette manipulation qui fait son affaire. Tant que l'Occident pensera qu'effectivement il a tout à craindre à remettre son nez dans les affaires africaines, Pékin sera libre d'en disposer à loisir. Un test géopolitique autant que médiatique. Friedrich connaît bien le principe du gagnant/gagnant : l'argent, jusqu'à présent, a toujours réussi à faire taire les langues les plus éthiques (ONG, politiciens, militaires), il n'est pas question que ce nouvel Ebolaconcept comme il aime à le nommer trouve sur son chemin un quelconque emmerdeur... Les chevaliers blancs n'existent pas : quand l'argent parle, tout le mond écoute.  

 

Chargé de superviser l'arnaque au niveau planétaire, le très grand (par la taille) réalisateur Franz Kuppler (Nicolas Buxton). Franz a connu les gloires du cinéma, puis la déchéance et la drogue. Devenu réalisateur de fictions pour la télévision publique allemande, il a trouvé dans l'idée de Friedrich Mann un nouveau sens à sa vie : à l'insu du vieil homme, il a envoyé à quelques semaines d'intervalle deux collaboratrices en Afrique : la première, Angela Kuppermann (Kerrilyn Cox) sera chargée de la réalisation des faux reportages sur place. L'autre, Simone Random (Julie Carrera) n'est prévue nulle part dans les plans d'Avandia - tout simplement parce qu'il s'agit de la maîtresse de Franz, une ex-comédienne minable à laquelle il a donné une mission bien particulière une fois arrivée en Côte d'Ivoire.  

Réintroduire l'ébolavirus qu'elle recevra des mains d'un gouverneur local par valise diplomatique en provenance du Canada.  

Franz Kuppler tient l'oeuvre de sa vie, sa mise en abyme absolue entre la réalité et la fiction, entre la mise en scène de la conspiration et les efforts désespérés des ONG pour contenir une vraie maladie, un chef-d'oeuvre dont personne n'aura conscience à part Franz et Simone. L'ébola se soigne mais peut mettre à genoux une république bananière. Mann n'en saura rien - et qu'importe finalement : le boss aura son audience, il verra les sacro-saintes Parts de Marché de l'ensemble de ses networks exploser, ces derniers pourront s'engraisser en doublant leurs tarifs d'espaces publicitaires s'ils veulent. Car quelle est la finalité du vieux sinon s'enrichir encore plus ?!  

 

Franz, lui, pose un acte démentiel, désintéressé, artistique. Il pose la vraie mort en filmant la fausse, il veut modifier la perspective des choses. Oui, les premiers documentaires seront faux. Mais si Simone fait bien son travail (et il sait qu'elle sera "professionnelle" comme elle l'a toujours été malgré son manque de talent), la vérité finira par ressembler au mensonge et le mensonge finira vérolé par la réalité concrète, les cadavres...  

Il filmera ainsi la beauté des regards, la peur de la vraie mort et la mort de la simulation. Filmé, monté, musicalement illustré... 3 semaines de vraie et fausse mort. Et peut-être du rab si la contamination se révèle aussi efficace qu'il l'espère.  

 

Musique : Yello  

Chanson du générique de fin : Ebola Day titre inédit des White Stripes sur l'air de Enola Gay de OMD  

(Script original)

Scénario : (1 commentaire)
une série B dramatique (Comédie) de Denny Cox

Nicolas Buxton

Julie Carrera

Manfred Ribic

Kerrilyn Cox
Sorti le 31 mai 2014 (Semaine 491)
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