Flashback  

Coast Mountains, Canada - une nuit de 2007  

Le Professeur Drummond (Stephanie Reviglio) court à perdre haleine : elle sait que la bête blessée qui la traque ira jusqu'au bout. Sa détermination est intacte, malgré les balles et la dynamite : après avoir massacré le groupe de scientifiques venu étudier les raisons de sa longévité, elle a décidé d'en finir avec celle qui risque de révéler au monde son terrible secret. Drummond sait que cette chimère, ce "wendigo" comme l'on appelé les autochtones, cette créature n'est pas issue d'une malédiction légendaire centenaire, mais à un météorite tombé il y a plusieurs millénaires au coeur de cette région montagneuse. Cette créature a une intelligence similaire à la nôtre, elle ne veut pas être découverte... Difficile de savoir si son "humanité" résiduelle est issue de son adaptation au monde ou s'il s'agit d'un homme qui aurait horriblement muté - et survécu des siècles durant.  

Elle stoppe un instant pour reprendre son souffle, tout son corps la brûle - au loin, elle entend son poursuivant : lui aussi semble avoir ralenti la course. Elle saigne abondamment, il faut absolument qu'elle...  

Au loin, une paire de phares - une route. Son salut.  

Elle fonce vers le bruit du moteur, déboule devant le véhicule.  

Elle veut crier mais son souffle est coupé. Elle fait des grands signes.  

Le 4x4 ne s'arrête pas. Il va trop vite...  

Fondu au blanc.  

Fin du Flashback  

Quelque chose vient d'heurter de plein fouet le pare-buffle - le chauffeur (Christopher Wieczorek) fait déraper son imposante machine, reprend le contrôle et pile juste avant le fossé. La voiture a fait demi-tour, les phares éclairent un corps ensanglanté. M!rde.  

Il jette un coup d'oeil à ses enfants sur la plage arrière. Ils viennent de se réveiller, paniqués par le coup de frein et l'impact - super week-end à la montagne. "Coast Mountains, la traquillité assurée" disait l'agence de voyages.  

Il coupe le moteur, descend de son "Mountain Rider" pour entendre des bruits en provenance des fourrés d'où est apparu ce qu'il a heurté.  

Le chauffeur se nomme Mark Nelson. Il est District Attorney du Comté du Seattle, ci-devant représentant du peuple américain devant les tribunaux. Il a envoyé plusieurs dizaines de criminels derrière les barreaux à vie, et certains sur la chaise électrique. Mark Nelson est un homme qui aime son métier et ne supporte pas qu'on lui bave sur les rouleaux : s'il vient se reposer ici, au coeur de la nature, ce n'est pas pour qu'un ours déboule et boulotte ses gosses. Il retourne donc à son véhicule et en sort son fusil de chasse : Mark Nelson est un pisteur émérite, et un ancien commando Marine décoré.  

Quand il revient sur ses pas, une ombre traverse la route, emportant le corps disloqué de la jeune zoologiste. Mark, qui tenait en joue la zone, tire d'instinct.  

Un cri rauque.  

La suite se déroule en quelques secondes.  

La créature s'est retournée vers lui, la balle s'est logée dans une de ses jambes - ce qui ne l'empêche pas de bondir vers sa nouvelle cible.  

Le saut est rapide et haut : l'adrénaline afflue dans le corps de Mark qui a suivi le mouvement de cette chose : le canon de son arme fait feu à nouveau, percutant le monstre en plein vol à la lueur de la lune.  

Celui-ci s'écrase à quelques dizaines de centimètres. Se relève presqu'immédiatement.  

Derrière Mark, ses enfants hurlent. Ils viennent de sortir du véhicule et observent la scène. Quand la créature révèle ses trois mètres de haut, ils paniquent. Les yeux du monstre rougeoient quand la douleur cumulée de ses blessures se rappelle à lui.  

Mark s'est éloigné. Sans paniquer, il recharge son arme.  

La créature hurle comme l'animal blessé qu'elle est. C'est quand elle entend le cran du fusil qu'elle fonce à nouveau sur le tireur - elle sent la vie le quitter.  

Une nouvelle balle, qui lui transperce le crane de part en part.  

Contact : des griffes acérées qui transpercent une veste et labourent des chairs, un coup de crosse qui casse une mâchoire. Nouvelle déflagration. La créature tombe sur lui.  

Le silence.  

Puis Mark qui s'extrait de la masse et qui rampe vers le 4x4. Les enfants pleurent. Ils se sont barricadés dans le véhicule.  

Et puis plus rien.  

Il se réveille dans une chambre stérile. En face de lui, une femme qui se présente comme Jenna Pirandello (Jeanne McCole), agent spécial du FBI. Elle l'informe que ses enfants vont bien, qu'ils lui ont sauvé la vie en donnant l'alerte par le téléphone satellitaire : ils ont appelé leur maman qui a lancé les autorités à leur recherche. Où sont les enfants maintenant ? Retournés chez leur mère - les événements se sont déroulés... il y a cinq mois.  

Cinq mois pendant lesquels Mark est passé par tous les stades comateux, pour finalement se réveiller il y a quelques jours et délirer. Il n'a aucun souvenir de cette phase. Il est sorti d'affaire - il partira de l'établissement d'ici à quelques jours. Les médecins se demandent encore comment il a pu survivre aussi longtemps à ses blessures. Mark répond qu'il a toujours été une tête de mule.  

Miss Pirandello l'informe également que la jeune femme rencontrée sur la route était une scientifique venue étudier avec un groupe d'universitaires la réalité in situ d'une créature ancestrale. Ladite créature étant celle qu'il a refroidie juste après, on est toujours à la recherche du groupe disparu. Il faudra d'ailleurs qu'elle l'interroge sur le fait que le choc avec son véhicule est la cause du décès de Miss Drummond. Mark soutient qu'elle s'est jetée sous ses pneus : il ne mentirait pas, ils sont du même bord tous les deux.  

Jenna comprend : c'est la raison pour laquelle il sortira de l'hôpital libre et qu'ils en reparleront quand il se sera définitivement remis.  

Deux semaines plus tard, c'est un District Attorney livide qui retrouve son bureau. Bien que revenu dans son loft de cadre divorcé depuis dix jours, il a du mal à trouver le sommeil sans médication, sa blessure quoique guérie le taraude toujours autant et - pire que tout - il a bien fallu assurer l'intérim de son poste. Son adjoint était donc en fonction pendant toutes ces semaines, période durant laquelle il a pris goût à la charge et qu'il ne semble pas vraiment décidé à céder. Son argument : Mark apparaît encore trop faible pour représenter le peuple américain. Ce bâtard ! A croire qu'il veut lui mettre des bâtons dans les roues. La journée passant, il note le regard différent de ses habituels collaborateurs, une sorte de crainte dans leurs yeux. On ne le regarde plus comme avant ! Dans son dos, il entend chuchoter sur son compte. Sa fièvre monte.  

En fin de journée, il est sur les rotules : il décline l'invitation de quelques amis à fêter son retour au club et va se prendre une bonne douche brûlante chez lui. Dans le miroir, son propre teint l'effraye.  

Nu, son corps laisse apparaître des veines saillantes, sa structure osseuse commence à se déformer (ses douleurs viendraient de là ?) et sa peau exsude un liquide noirâtre. Sous le jet d'eau de la cabine, il commence à sentir ses sens se développer comme jamais auparavant : le son de l'eau sur lui est démultiplié, il peut sentir chacune des gouttes sur son corps, sa vision lui détaille toutes les imperfections du carrelage, il sent l'odeur de la cigarette que fume sa voisine sur la terrasse du dessus, son estomac crie famine - il a faim de viande. Un râle sort de sa bouche.  

La porte de la cabine de douche explose.  

Ce qui en sort est un nouveau Mark Nelson dont le rire dément se répercute sur les murs de sa salle d'eau de longues minutes.  

(Script original, tourné dans le studio Laure Pariseau / PRNA, suite de Wendigo produit en 2007 par MMP : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=2226)