Depuis l'Aube des Temps, depuis que l'Homme a pris conscience de la Beauté, les parures bijoux et pierres précieuses sont synonymes de richesse et statut social - de pouvoir et d'ambition pour ceux qui les portent.  

Depuis l'Aube des Temps, depuis que l'Homme a pris conscience de la Tribu, les tatouages, scarifications, et modelages corporels sont synonymes de puissance, d'alliance, de communauté regroupée autour du leader - de pouvoir et d'ambition pour ceux qui les portent.  

On dit que les diamants sont magiques - issus de la Terre-Mère et porteurs en eux de toute sa puissance. Et c'est vrai.  

On dit que les tatouages sont magiques - qu'ils révèlent la part de Dieu cachée en l'Homme et développent son potentiel. C'est tout aussi vrai.  

Mais pas à n'importe quel prix. Dans 99,99% des cas, ils sont communs et d'une banalité effrayante. Seul, le 0,01% s'avère vraiment intéressant. Et fruit de toutes les convoitises.  

A Paru - Roumanie, en cette fin d'hiver 2015, Christoph Rudroff (Jack Colloff) et sa bande de squatters-zonards recherche la Tante (Violette Purodor). La Tante est une charmante dame de quatre-vingt-sept ans dont un des talents - et non des moindres - et de sculpter des diamants serclés de chair humaine. Le meilleur des mondes, en quelque sorte.  

Il est dit que la famille de cette vieille carne aurait eu maille à partir avec les chasseurs de nazis du siècle dernier. Rien d'étonnant : cette pratique paganiste qui remonte au Moyen-Age s'était perdue pendant 300 ans jusqu'à ce que des dignitaires du Reich, vaguement au fait des choses de l'occultisme, ne la remette en selle, faisant au passage bonheur et fortune des parents de la dame, aujourd'hui seule et abandonnée. Et presque oubliée.  

Elle n'a jamais eu d'enfant, ni d'élève a qui elle pourrait enseigner son art : la vieille sorcière va crever la gueule ouverte, emportant dans sa tombe des secrets jamais écrits - la garce !  

Au coeur du village rom, la dégaine de la petite équipe tatouée de Christoph ne passe guère inaperçue : eux reviennent de Los Angeles et arborent des parures extrêmement déshabillées - voire carrément exhibitionnistes alors que le thermomètre de cette fin de journée est tombé sous le zéro. Leur look à mi-chemin entre Le Cirque du Soleil et le clip de gangsta-rap "Côte-Ouest" lambda effraye l'autochtone qui ramasse ses enfants et claque les portes devant eux.  

Ils sont les Maîtres, ils sont le Futur : depuis que Christoph a "dompté le tatoo", il sait que chaque millimètre percé de sa peau est comme une porte d'un univers de possibilités infinies.  

Ils entrent sans frapper chez la Tante. Leur informateur américain ne s'était pas trompé, ni leurs boss Berlinois : Madame habite désormais ici, dans cette maison de briques froides, sous l'anonyme identité de Karen Vern. Les cinq individus sécurisent rapidement la demeure. Quatre d'entre eux, aux quatre points cardinaux, se déshabillent entièrement et commencent à méditer tandis qu'une petite pluie fine et glaciale commence à tomber.  

Madame Vern n'a pas bougé de son fauteuil de lecture. Elle pose le tricot de peau qu'elle était en train de coudre et commente la scène, à sa manière grommelante :  

"- A mon époque, les jeunes savaient encore s'habiller et ne révélaient leurs peintures qu'à...  

- Ta gueule la vioque, on te ramène dans la capitale du Reich !!" l'interrompt violemment Christoph, tout-à-coup pris d'une étrange frénésie. La peau tatouée qu'elle tient entre ses mains, cette peau, il la reconnaît...  

Les quatre "nudistes" ont formé une barrière invisible infranchissable autour de la petite maison de Mme Vern. Ils en profitent également pour se désincarner, leur persona éthérée flottant désormais au-dessus et dans les maisons, surveillant les va-et viens de la population et s'amusant de leurs conversations du dîner autour de ces "étrangers impudiques".  

C'est quand un des guetteurs repère au loin un véhicule moderne et qui ne s'accorde pas vraiment avec le paysage qu'il décide de donner l'alerte.  

Le 4x4 s'était arrêté le plus doucement possible, les autres attendaient derrière le signe avant de donner l'assaut. Ignacio (Elo Dolly) en sortit rapidement sous sa forme féminine. Il - elle - se cala en haut de la petite butte qui surplombait Paru, sortit des goggles thermiques et avisa la scène, repérant immédiatement un des "tatoués" assis en tailleur, en transe psychique.  

Merde. Les "culs nus" comme il/elle aimait à les appeler (principalement parce qu'il/elle s'en serait "fait" volontiers un ou deux dans d'autres circonstances) avaient pris de l'avance sur eux. La vieille allait bénéficier de leur protection désormais. Dans ces conditions, et au milieu d'un village de civils, il n'était pas question qu'ils interviennent aussi directement.  

"Elle" fit signe au chauffeur resté dans le véhicule : qu'il prévienne le reste de l'équipe, l'assaut attendrait - le jugement de Mme Vern par les Antikörper également. Ce qui était le plus surprenant restait l'absence des "Diamantaires". Avaient-ils à ce point été largés ? Ou bien attendaient-ils posément leur moment - laissant Christoph et ses gueux faire le sale boulot avant de retirer les marrons du feu et récupérer cette Tante décidément très convoitée ?  

Instinctivement, Ignacio avait levé le visage vers le ciel, reprenant sa forme masculine dans la foulée.  

"- Est-ce qu'il se doute de quelque chose ?  

- Ta gueule !"  

Deux hommes étaient assis, costard-cravate noir et petit diamant assorti à la boutonnière, dans une grande salle sombre dont les larges écrans diffusaient des images très nettes de ce qui se passait à Paru. Les drones et les satellites militaires dont ils avaient détourné les signaux étaient très performants.  

Le plus grand se leva. Ricardo Simone (Kalas Dias), richissime héritier de la plus grande fortune minière d'Afrique du Sud en avait assez vu. Les tatoués allaient exfiltrer la Tante - probablement pour la France ou l'Allemagne, les Antikörper ne pouvaient se permettre de la liquider froidement après tout ce qu'elle avait fait pour eux - quant à lui, il ignorait comment il allait la récupérer finalement, les oracles ayant été particulièrement flous sur le sujet.  

C'était gênant - la magie des cristaux et diamants de la Terre offrait aux Hommes de parfaits oracles. Mais là, rien - comme si trop d'oppositions, trop de variables entraient en jeu.  

Cette Madame Vern, à cause de son inestimable valeur, restait un fardeau pour tous. Lui-même était agacé malgré ses considérables moyens techniques et humains : devait-il perturber le brushing de la dame que ses patrons réclameraient sa tête.  

Tout le monde la voulait. Et la voulait vivante. Et tout le monde était prêt à s'entre-tuer pour ça.  

(Script original, spin-off faisant suite à Tatoo'd (2013) - http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=10502 - et Chair Fraîche (2014) - http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=10815)