Telsa Town, Oklahoma, USA - de nos jours.  

Roger Richards (Adrian Yusef) fait partie de la milice de la White South Task Force, organisation s'opposant ouvertement (et clandestinement) au gouvernement fédéral. Pour les leaders de la WSTF, le monde est régi par les sociétés secrètes maçonniques, juives et catholiques. La WSTF prétend, à son humble niveau, s'opposer à cela. Depuis l'élection du Président Obama, le spectre politique US ne s'est pas modifié en profondeur mais on a pu observer une radicalisation des mouvements les plus extrêmistes, en particulier issus des mouvances crypto-sécessionnistes et racistes qui ont survécu à la dislocation du (Klu-Klux-)Klan.  

La WSTF incite ses membres à s'armer puissamment dans l'attente d'un hypothétique "grand soir" au cours duquel ils renverseraient le gouvernement ou, plus probable, devraient résister aux 'ennemis'. Richards s'entraîne donc régulièrement en compagnie de deux-trois amis, au fin fond de la campagne - ils sont également "survivalistes", prêts à vivre au coeur de la nature si on les chasse de leur habitat : ils ne laisseront pas la race blanche s'éteindre en silence.  

Demain sera un jour un peu particulier pour Richards, une petite équipe de télévision locale les suivra à "l'entraînement" - une bonne manière de faire leur pub et celle du courage des "derniers vrais blancs de ce pays - pas comme toutes ses tantouzes blanches avec un cerveau noir." Le discours est rôdé, le rendez-vous secret pris, les médias vont voir ce qu'ils vont voir.  

Mais Roger doit faire face à la contrariété de sa femme, qui - au dernier moment - ne peut plus garder leur petite fille à la maison (elle sera en déplacement professionnel). Les grands-parents sont absents, de même que les voisins et l'étudiante qu'ils prennent habituellement comme baby-sitteuse. Mais il ne peut renoncer à cette couverture médiatique, pour la cause - il doit juste se coltiner une môme de 4 ans dans les pattes pendant leur session du côté de Shikawhati Mountain.  

C'est quand un de ses amis évoque tous les avantages qu'il pourrait retirer de la présence de cette enfant dans l'émission qu'il commence à la regarder d'un oeil neuf. Il sait que les médias raffolent des marmots, alors une petite fille grimée en paramilitaire et tenue de camouflage, ça fait tout de suite plus "fin du monde" - de quoi remuer la ménagère et provoquer un peu une salutaire réaction.  

Du côté de la chaîne TV, c'est la journaliste Kathy Hicks (Shannon Huang) qui se colle au sujet documentaire. A sa demande : Hicks connaît bien ce type de groupes - dans le coin, tout le monde a des armes et au moins un membre de la famille qui en fait partie. Chez elle, c'était un grand-oncle - un grand type buriné et halluciné qui a cru jusqu'à sa mort que le médecin (noir) qui le suivait dans sa maison de retraite l'empoisonnait tous les soirs en versant du polonium dans son yaourt. Un personnage le tonton, plutôt sympathique quand il ne ressortait pas son éternelle rhétorique sur les noirs, les juifs et les homosexuels, la race, tout ça... Sympatique, surtout quand il dormait en fait.  

Vu qu'ils sont partis pour crapahuter dans la montagne, Hicks a choisi une équipe réduite : caméraman + technicien son/lumière - des habitués, ils se connaissent bien et sont eux-mêmes de solides gaillards.  

Ils retrouvent les gens de la WSTF au lieu convenu tôt le lendemain, au pied d'un défilé rocheux. Après deux longues heures de marche dans une ambiance pluvieuse et remplie de suspicion, Roger leur montre leur "base d'opérations", une cabane minable au milieu d'une petite plaine autour de laquelle plusieurs cibles ont été disposées. Le petit groupe de "guerriers blancs" s'installe pour leur exercice tandis que Kathy prépare le premier enregistrement.  

La mâtinée passe, puis l'heure de midi - les langues se délient, on parle plus librement, on rigole même parfois. Quand l'exercice reprend en début d'après-midi, Kathy a déjà de quoi monter 1 heure sans coupure - c'est largement plus qu'il n'en faut. Les miliciens ont eux, visiblement abusé de la bière issue des stocks de la cabane ; ces "guerriers" font plus rire que trembler : peu disciplinés, incultes, à peine tiennent-ils leurs armes du bon côté - en fait, Kathy commence à être déçue : elle s'attendait à un ennemi intérieur de l'Amérique menaçant et structuré dans son discours et voilà qu'on lui donne des charlots néo-nazis qui ont mis une cible sur une gosse en la tenant à bout de bras devant la caméra. Pitoyable - à ses yeux en tout cas - le rédac'chef va lui faire un sort... Le tournage se poursuit néanmoins.  

Mais au fait, où est passé la gamine ?  

C'est au moment où elle se pose la question qu'elle croise le regard effrayé de Roger Richards qui court vers eux : il a l'air d'avoir perdu quelque chose. Au loin des tirs comme il y en a eu des dizaines depuis plusieurs heures.  

Mais cette fois, d'autres cris suivent les détonations. L'équipe et Roger se précipitent.  

A la lisière de la forêt ont été disposées des cibles plus petites, enfoncées dans la terre - deux des gars qui s'entraînaient ont fait le carton. Plus loin, à environ dix mètres des plots, le corps sans vie d'une enfant en vêtement de camouflage, transpercé de part en part. Balle perdue. Cible ratée. "Victime amie", comme ils disent en Irak.  

Dans la tête de Roger Richards, tout se bouscule : son enfant sans vie qui gît là, au milieu des fougères, ses compagnons qui le regardent terrifiés, sa femme quand elle saura tout ça, la journaliste et ses techniciens qui tiennent le scoop qu'ils attendaient, ce que sera sa vie désormais et comment il pourra se regarder dans le miroir.  

Il dégaine son revolver, le porte à sa tempe sous le regard tétanisé de ses amis. Ferme les yeux. Il entend un "non" sonore de la part de quelqu'un... Tellement loin.  

Est-ce que c'est la journaliste qui a crié ?  

Ou Dieu ?  

Il rouvre les yeux. Une seconde a passé - six personnes en face de lui, immobiles, bouche bée.  

Il pointe l'arme sur un de ses compagnon, tire à bout portant : un crâne est transpercé - le jeune redneck s'effondre. Roger ne saura jamais que c'est le tir de cet ex-étudiant en littérature anglaise qui a mortellement blessé la petite. Quelle importance, désormais ?  

Une deuxième balle vient cueillir le preneur de son dans la gorge.  

Une troisième transperce la jambe du caméraman.  

Une quatrième rate la journaliste qui prend son collègue blessé pour le mettre à couvert.  

La cinquième est pour celui qui fuit là-bas après avoir lâché son fusil désormais vide. Il ajuste son tir. Bang - sa cible s'écroule, touchée dans le dos.  

Roger s'assied un instant. S'allume une clope tandis qu'une pluie fine commence à tomber. Autour de lui, il entend le gargouillis des corps qui se vident, les râles de ceux qui ne vont pas tarder à claquer. A cette distance de la civilisation, ils peuvent attendre les secours. Il prend le chemin à la cabane, marchant tranquillement tout en rechargeant son arme. Deux autres collègues arrivent. Ils sont effrayés. Et armés.  

Ca tombe bien.  

Deux nouvelles détonations les accueillent.  

Au même instant, la journaliste essaye de limiter le flux de sang qui ne veut plus s'arrêter de sortir de son ami - elle a les mains, les jambes, les bras uniformément écarlates. Comme elle s'y prend très mal, il décède dans les minutes qui suivent... Un dernier spasme puis plus rien.  

Elle reste là, au pied du cadavre, à le regarder connement comme s'il avait se réveiller - autour d'eux, une rigole rouge s'est formée, entraînée par la pluie dans le premier cours d'eau...  

Elle reprend tout à coup ses esprits. Où est-elle ? Dans quelle direction doit-elle fuir ? Les deux autres détonations qu'elle a entendue tout-à-l'heure... Les deux gars qui étaient restés à la cabane. Est-ce que ce Roger a définitivement pêté les plombs ?  

Elle se met à hurler son impuissance...  

(Script original)