Tetris, pour ceux qui l'ignorent, est un jeu créé par le scientifique russe Alexei Pajitnov au milieu des années 80's. Très vite exploitée par des compagnies européennes, US puis japonaises, cette arcade est rentrée dans l'histoire pour la simplicité enfantine de son concept (empiler des briques de différentes formes de manière à former des lignes à l'écran) autant que pour sa difficulté sans cesse renouvelée (l'ordre des formes est aléatoire, la rapidité augmente au fur et à mesure des niveaux). Si le jeu a connu un énorme succès dès le départ (adapté sur toutes les plate-formes ludiques de l'époque), il n'est véritablement rentré dans les moeurs et les salons (à en devenir lui-même un genre à part entière, imité mais jamais égalé) qu'avec son adoption par la console portable Gameboy de Nintendo.  

L'histoire aurait pu s'arrêter à la fin des années 80 si le public japonais, friand de spectacles et de compétition, n'avait transcendé le concept afin de lui faire atteindre une autre dimension.  

Le Tetris Grand Master était né sous l'impulsion de la compagnie Arika. Telle la créature de Frankenstein, il échappait à son maître européen. Plus rapide, plus étourdissant, plus extrême dans son approche, ce "grand maître" gardait du jeu original son principe basique mais perdait son chromo russophone (petites danses, scenettes, musique guillerette, intermèdes) et devenait totalement premier degré : une vraie "bête à concours" sur laquelle les plus addicts devenaient des demi-dieux capables de caser une brique au bon endroit à la vitesse d'un battement de cil sur une transe techno répétitive.  

Cette version aux hormones developpait ses propres concours, sa communauté, ses forums, ses réunions et ses grand prix - le tout largement sponsorisé par les développeurs / éditeurs / distributeurs informatiques, trop ravis de récupérer le mouvement. Le Tetris Grand Master finissait même par traverser l'océan - largement aidé par l'internet et le fantasme de la "nouveauté geek japonaise" -, passant le Pacifique pour arriver aux USA puis en Europe. Dans un premier temps plutôt obscur et mystérieux pour les non-japonais, le "TGM" devait acquérir de nouvelles lettres de noblesse en occident, nouvelle référence combinant réflexes et show spectaculaire. Le tout pour un jeu en 2D techniquement banal.  

Il faut dire qu'à la différence de son aîné, le TGM développait de nouvelles formes de jouabilité : le "level" résidait désormais dans le nombre de pièces posées (et nom de lignes achevées) et le joueur de haut niveau ne voyait plus les pièces descendre de l'écran, mais apparaître le plus bas possible automatiquement - ce qui exigeait de sa part des réflexes d'urgence pour les placer au meilleur endroit. TGM demande ainsi une concentration maximale. Un clignement d'oeil en trop peut ainsi conduire à une erreur irrattrapable !  

Le documentaire de Jenna Miller s'intéressera en particulier aux champions japonais, anglais et européens de ce jeu, ce qu'ils trouvent dans le TGM et ce qu'ils tentent d'y apporter. La communauté des joueurs et des simples fans sera examinée de près, une communauté qui a su marquer son territoire au sein du marché très structuré et conservateur du jeu vidéo. On évoquera également son attrait particulier en compagnie de neurologues et d'addictologues - on tentera ainsi de comprendre l'extraordinaire engouement que le jeu original, puis le TGM ont pu susciter depuis vingt ans, et pourquoi il n'a pas "vieilli" et à réussi à perdurer au sein d'une industrie majoritairement dominée par les recettes et la dictature technologique.  

(Script original)  

En bonus : une vidéo qui vous donnera une petite idée de ce dont on parle : http://jeuxvideo.fluctuat.net/blog/18582-tetris-grand-master-explique-aux-nuls.html