L'inspecteur Paolini (Joel Mendel) est né en 1911, à Grasse. D'un père fonctionnaire de police, il décide de poursuivre la lignée. En 1937, il s'installe avec sa jeune famille à Vichy. Ouvertement Pétainiste, il trouve un bon poste à la Préfecture en 1941 et collabore activement avec l'occupant allemand. Veule mais malin, il n'hésite pas à spolier plusieurs familles juives et à en détourner les biens à son profit. En 1944, il prend ses distances avec l'administration, prend un congé sans solde et rejoint la zone libre. Il change alors de métier temporairement avant de revenir dans la fonction publique dans les années 50, profitant de l'armistice Gaullien. Il poursuit alors une carrière sans histoire au sein de la Police Nationale de Marseille, jusqu'à atteindre le grade envié de Commissaire.  

En 1982, il a 71 ans et se prépare à prendre une retraite qu'il considère comme bien méritée : de toute façon, les 39 heures hebdos viennent de passer en début d'année - qu'est-ce qu'on peut faire en 39 heures ? Pas grand-chose !  

C'est à quelques mois de l'échéance, alors qu'il n'est plus vraiment opérationnel depuis au moins cinq ans, que le fils de son ami Fernoux, aujourd'hui Commissaire Divisionnaire à Avignon, lui téléphone en urgence : il y a du rififi dans la Cité des Papes.  

Avignon, la ville du théâtre bourgeois par excellence - des "parigots" qui viennent s'encanailler dans le Sud de la France, des chevelus et des jeunes cons qui viennent squatter le bien public tout en se droguant, ah. Paolini a haï les années 60-70, cette pseudo-révolution des moeurs : il aurait envoyé les chars sur les barricades de 68, lui, et ça ne se serait pas passé comme ça : ça aurait pas traîné. Des légionnaires pour mater les universités et le cours de l'Histoire en aurait été diamétralement modifié.  

Mais l'homme ne vivait plus dans son époque depuis longtemps - le fils de Fernoux était un bon gars avec des idées carrées comme il les aimait sur la vie et l'ordre social, une sorte de "fils spirituel" depuis que son propre fils biologique ne lui adressait plus la parole - si Fernoux 'junior' l'appelait, c'était en dernier recours. Ca ne devait pas sentir la rose chez les héritiers de Jean Vilar & compagnie.  

Il se décide à prendre son véhicule de fonction et remonte sur l'ex-cité papale le lendemain (son collègue lui a bien conseillé de consulter les horaires de trains sur le tout nouveau Minitel qu'ils ont reçu au bureau mais Paolini ne touchera jamais à cette "chose"). Là, Fernoux lui présente l'adjoint au nouveau directeur du Festival, Philippe Gonzague de Michelet (Pierre Rye) dans un état de choc profond : le Directeur du Festival Bernard Faivre d’Arcier a disparu ! Envolé !! Et si ce n'était que ça : Josyane Dreyfus (Sarah Maher), la fille adoptive du Ministre de l'Industrie et invitée à cette édition, aussi !!!  

Dreyfus. Paolini grimace à l'évocation du nom : encore une qui devait prendre du bon temps sur le dos du contribuable, arrrrh, "ils" sont partout... Le vieil homme sent une poussée d'urticaire. D'abord la Gauche au pouvoir, ensuite le Programme Commun, les Allemands qui nous humilient au football il y a deux jours (la France entière est encore en état de choc) - et maintenant ça : des zazous d'intellectuels qui se liguent contre lui pour gâcher ses dernières semaines de service ! Mais pourquoi lui ?  

Tout simplement parce qu'il a rendu de "menus services" à tout le spectre politique régional de ces 25 dernières années et que les politiques lui sont redevables d'avoir enterré un bon paquet d'affaires de moeurs les concernant. Voilà pourquoi il est "l'homme de la situation" : il connaît tout le monde, de la mafia à l'extrême gauche, des nazis au autonomes. Il a arrosé tout le monde avec la bénédiction de ses autorités de tutelle - et ça lui a toujours réussi. Là, c'est Defferre, le Ministre de l'Intérieur lui-même, qui l'a recommandé aux autorités pour sa discrétion. Gaston est un ami, on ne dit pas non à un ami - surtout quand il est Ministre d'État - ça se respecte, nom de Dieu !  

Fernoux lui indique qu'une enquêtrice l'accompagnera, Brigitte Bridel (Julia Hartnett) et que les deux disparus doivent être retrouvés sous 48h : le Directeur et la fille du Ministre doivent être vus à la télévision et pas question de rater une telle opération de pub : c'est Mourousi qui présentera le Direct de la Place du Palais. C'est la crise, il faut faire rêver les gens et Faivre d’Arcier et la fille sont des exemples de réussite - et d'excellents amis du Ministre de la Culture Lang (Paolini manque de s'étouffer à l'écoute du patronyme) - tous les moyens de recherche ont été mis en branle mais Avignon, durant le Festival, passe de 80 à 250 000 habitants et la discrétion, surtout la discrétion est de mise. Fernoux ne sait pas gérer une crise au milieu de 250 000 âmes, là où Paolini, à Marseille...  

Le soleil tape fort en cette vilaine journée, l'intérieur des remparts de la ville est bondé. Paolini a la bouche pâteuse, Bridel a l'air d'être une emmerdeuse de première et les deux disparus ont tout-à-fait le profil d'amoureux transis qui se seraient rencontrés dans un aéroport et partageraient quelques instants intimes entre Paris et New-York. Mais Paolini, malgré tous ses défauts (et Dieu sait comme il en est truffé, feue sa femme n'arrêtait pas de le lui rappeler) est avant tout un flic. Peut-être un peu trop pourri, peut-être trop sûr de lui et de ses idées, mais un enquêteur avant tout - un gars qui aime la difficulté, surtout si, au bout, il peut en retirer un substantiel avantage : ça a toujours marché comme ça chez lui, pas de raison que ça change.  

Alors oui, il va se fondre dans la masse des mecs pas rasés et des minettes avec du poil sous les bras qui chantent leur désespoir dans la rue (ils appellent ça "happening", lui appelle ça du bruit) - oui, il va en cuisiner certains - et gare à eux s'ils tentent de l'enfumer -, mais pas pour le plaisir : Paolini a une obligation de résultat sinon c'est lui qui va déguster. Et pour sa dernière enquête, il n'aimerait pas laisser le souvenir d'un incompétent.  

(Script original)