Le 37ème siècle, dans un petit vaisseau ovoïde et nacré perdu au coeur de l'espace inconnu.  

Jack Riley (Patrick Patoque) et son épouse Helen (Sabrina Hare) analysent pour la seconde fois les données télémétriques de "l'ordinateur" : ce pourrait-il que le système de navigation ait tellement dévié de la trajectoire initialement prévue qu'ils aient perdu toute trace de la flotille qu'ils suivaient ? Jack reprend une nouvelle fois l'analyse des données : pas de vaisseaux dans les environs et des constellations totalement inconnues !  

Helen Riley est exo-botaniste et biologiste spécialisée dans la flore des planètes étrangères. Ils revenaient d'une "cueillette" sur Sygma7 dans la constellation de Vogoon, quand leur hiérarchie les sommaient de quitter le planétoïde : le commandement avait repéré des orages magnétiques dans leur direction et craignaient que leur système de navigation n'en soit affecté. A juste raison.  

Mais ils étaient sortis de l'atmosphère sans encombre - c'est quand Jack avait actionné le système d'astrogation sub-luminique que le vaisseau était sorti de sa programmation. Et les avait amenés on ne sait où...  

"Je ne comprends pas." Jack était perplexe. "Si le vaisseau nous a envoyés hors de la route prévue, soit - mais les systèmes stellaires devraient être référencés quelque part - "l'ordinateur" est en train de cartographier ce qui nous entoure et il n'y a rien qu'il connaisse auquel il puisse se rattacher. Et s'il ne sait pas où nous sommes, je ne vois pas comment nous pourrions le découvrir..."  

Tout n'était pas noir pour autant : une gigantesque planète bleue leur faisait face, balayée par deux majestueux soleils. Un peu identique à la Terre "d'avant" (les épidémies et les pollutions et son abandon progressif dû à la conquête spatiale) mais deux à trois fois plus vaste. Helen avait immédiatement envoyé un drône afin de vérifier la composition de l'atmosphère.  

"- J'ai le retour des données : hmm... Diazote, dioxygène... Ce sera parfaitement respirable, un peu humide - tropical, je dirais. Beaucoup de végétation. Chéri, il se pourrait bien que nous soyons les nouveaux Adam et Eve de ce petit Paradis."  

En cet instant précis, Jack goûtait moyennement l'humour de sa femme. Ils décidaient de se poser, non sans avoir laissé derrière eux une balise de détresse.  

Leur vaisseau n'était plus tout jeune mais il était au moins robuste - et "l'ordinateur" n'avait pas coutume de se plaindre. L'atterrissage ne posa guère de souci au pilote chevronné : Jack venait du corps militaire de Saturn1 qui avait guerroyé sur de nombreux fronts à travers le vaste univers connu. Il n'avait rejoint sa femme que sur l'insistance d'une hiérarchie soucieuse de préserver sa vie de famille et son équilibre. Le problème est qu'il s'ennuyait ferme.  

Revêtue de sa combinaison moulante, Helen avait été la première à poser pied sur la mousse accueillante de la planète inconnue. Ils s'étaient posés sur une plaine verdoyante autour de laquelle une forêt luxuriante excitait la curiosité de la scientifique. Jack venait de la rejoindre quand leur détecteur de vie intellligente s'affola.  

Et pour cause : une créature végétale d'environ trois mètres, quelque chose comme un arbre qui marchait, se dirigeait vers eux, les branches remplies de ce qui semblait être des... fruits ? Helen et Jack sentirent des picotements au niveau de leur cortex - une gêne qu'il connaissaient bien pour l'avoir ressentie de nombreuses fois : c'était ainsi que les êtres dotés de pouvoirs psychiques communiquaient - directement au niveau de l'intelligence pure. Ils avaient de la chance d'être tombés sur de telles créatures, elles étaient en général amicales, quoique fières et parfois imbues d'elles-mêmes. Mais rarement hostiles. Les deux humains firent le vide dans leur esprit et très vite, une voix basse se fit entendre en eux...  

"- Salutations, gens de la Terre... Vous êtes perdus et nous ignorons comment vous pourriez repartir d'ici vers votre berceau sans vous perdre en chemin. Si vous l'acceptez nous vous offrons l'hospitalité."  

Joignant le geste à la "parole", il leur tendit les fruits aux couleurs multicolores.  

Alors même que Jack allait répondre, le ciel se couvrit tout-à-coup. Mais ce n'était pas un nuage qui jouait avec les rayons du soleil, plutôt une autre forme de vie. Plusieurs formes de vie en fait : une sorte de raie manta volante venait de larguer une myriade d'étranges hommes-singes qui hurlaient quelque chose dans un langage incompréhensible quoique articulé.  

La créature-arbre venait de se fondre dans le sol, abandonnant ses présents par terre et les humains à leur sort. Jack venait de dégainer son sabre d'une main et son radophazer de l'autre - il allait chèrement défendre son bout de viande et...  

Helen !  

Il l'avait complètement oubliée : les hommes-singes s'étaient déjà emparés d'elle tandis qu'il rentrait en contact avec ses premiers assaillants. Il allait plus vite qu'eux, ses gestes étaient précis, mortels, puissants. Mais il en abattait deux quand trois nouveaux aparaissaient. Ils étaient mieux entraînés, connaissaient le terrain, et eux n'avaient pas six mois de cueillette dans les jambes - ils étaient des guerriers-nés là ou Jack s'était empâté. Le nombre finit par avoir raison de lui : il reçut une trempe qu'il n'était pas prêt d'oublier. Son dernier regard fut pour une Helen désarmée, que ces monstres se préparaient à harnacher sur la raie volante.  

Quand il se réveilla quelques heures plus tard, il était seul dans la plaine et le soleil tombait. Il était couvert de plaies et de bosses mais rien de vraiment méchant : ils auraient pu le tuer, mais ce n'était pas lui qui les intéressaient. Plus d'Helen en vue, plus d'extra-terrestre pacifique. Il récupéra son sabre sur un des cadavres (il en avait occis une dizaine, il n'en était pas peu fier) et constata qu'on lui avait pris son phazer. Pas grave, il pourrait toujours en récupérer un dans le vaiss...  

Le vaisseau. Par chance, ces êtres primaires n'avaient pu entrer dedans. Ils s'étaient contentés de le vandaliser, essayant d'en froisser la carlingue avec leurs poings. Sans résultat : frustrés, ils avaient uriné et déféqué dessus avant de repartir... Oui - mais où ? Peut-être que "l'ordinateur" en saurait plus : Helen devait toujours avoir son détecteur sur elle. Quelles horreurs allaient-ils lui infliger ?!?  

A quelques dizaines de kilomètres de là, Helen Riley venait de se réveiller elle aussi. Mais dans des draps blancs, dans un bon lit au milieu d'une chambre décorée avec un goût certain. Un grand homme costumé de satin mauve et d'une cape lui faisait face. Il arborait le visage de son mari et semblait très fier de lui...  

(Script original)