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MMP présente
L'Île du Christ

Helmond, Pays-Bas, de nos jours.  

 

Christian Rudeveert (Manfred Ribic) venait de trouver le cadavre d'une pie au pied de son véhicule. Il poussa un soupir : il détestait retrouver des animaux morts sur son chemin. Là, il serait bien obligé d'enlever le volatile avant que les fourmis et les autres locataires ne s'en occupent. Il ne voulait surtout pas passer pour un mauvais voisin. Pas ici, dans ce lotissement au-dessus de tout soupçon.  

Mais pour le moment, Christian avait une tâche bien plus urgente. Il était attendu à Eindhoven par l'ancien Consul des Philippines. Le gars venait de la capitale et on ne faisait pas attendre un tel gentleman.  

 

Christian avait été observateur de l'ONU au début des années 50, en plein boom économique de l'archipel. De formation scientifique, on l'avait envoyé suite à une erreur administrative au fin fond d'une île perdue parmi les 7 000 et quelques qui composaient cette nation : à Darnu (surnommée "L'Île du Christ") dans un hôpital de campagne pour pêcheurs. Là, il avait été le témoin des violentes tensions entre les autochtones et la minorité chinoise immigrée. Il s'était retrouvé seul au milieu d'un pays dont il maîtrisait peu la langue, les coutumes.  

 

Cet ex-fonctionnaire qui souhaitait le rencontrer, Saradhan Puvani, il le connaissait bien. Leur rendez-vous était on ne peut plus informel : personne au consulat n'était au courant de la manoeuvre. Saradhan avait d'ailleurs mandaté son fils Michael (Weston Erotas) au titre d'intermédiaire. Le père avait peur. Peur du passé.  

 

Il y avait eu des "bons moments" sur Darnu : Christian y avait rencontré une jeune femme - hélas leucémique et qu'aucun traitement ne pouvait sauver. Il avait accompagné sa longue agonie des années durant. Il s'était entiché d'elle. Son nom était Marie, comme la Vierge.  

 

Peu après le décès de la jeune femme, son séjour à lui s'était terminé dans le sang. C'est Puvani lui-même qui l'avait sorti de l'enfer. Ce dernier à l'époque était le plus jeune lieutenant de l'armée Philippine et l'ONU avait fini, six années plus tard, par retrouver la trace de Rudeveert. Elle ne l'avait jamais totalement perdue mais les massacres de 1978 avaient fini par convaincre l'institution de rapatrier ses membres en urgence.  

 

Les deux hommes s'étaient donnés rendez-vous dans un petit pub loin des artères marchandes. Christian avait l'impression de se retrouver dans un film d'espionnage, il n'aimait pas trop ces dissimulations. Michael Puvani était là. Il informa le vieil homme du décès imminent de son père et ils prirent place.  

Christian devait pas mal à Saradhan, et son fils avait amené avec lui une petite valise pleine d'affaires. Elle contenait des effets personnels de Christian. Des effets personnels qui avaient plus de 40 ans d'âge. Ses yeux s'embuèrent.  

Il se tourna vers Michael : comment... ?  

 

Simple : Saradhan Puvani était récemment retourné sur l'île. Après les massacres et l'évacuation, ordre avait été donné de tout laisser en l'état - l'"Île du Christ" avait été abandonnée à son triste passé et la nature avait repris ses droits. Saradhan avait eu vent depuis d'un projet immobilier. Avant que tout ne soit totalement rasé, il s'était rendu dans l'ancien l'hôpital et dans l'appartement de Christian, avait récupéré ce qui pouvait l'être. Un petit coffre avait attiré son attention : son contenu avait échappé aux caprices du temps et ses conditions climatiques difficiles.  

 

Trop de souvenirs dans la tête de Christian dans ce pub alors que les Simple Minds passaient en fond sonore ("Don't you... (forget about me)"). Pourquoi... ? Pourquoi revenir là-bas ? Pourquoi l'avoir choisi, lui, alors que le père de Michael avait sauvé tant de gens ces jours-là ? Saradhan avait été décoré pour ses actes, il avait eu son moment de gloire dans sa communauté.  

 

Michael était né en Angleterre, avait fait toutes ses études là-bas, s'était marié, avait eu des enfants et vivait désormais comme n'importe quel citoyen de la Couronne Britannique. Il vida sa pinte. Pour lui, la culpabilité était le moteur des actes de son père : il avait sauvé Christian et d'autres d'une mort certaine mais pour cela, le prix moral qu'il avait du payer avait peut-être été trop fort pour lui. Michael croyait dur comme fer que cette culpabilité était à l'origine du cancer qui le rongeait désormais.  

Christian accompagna Michael en vidant à son tour son verre, estomaqué par ces théories, ces révélations et ses affaires qu'il avait du abandonner précipitamment lors de son départ.  

 

Il ne gardait que peu de souvenir de ces moments-là. Il se souvenait d'émotions fortes, de violence... mais il avait volontairement mis cela de côté à son retour au pays. Cela l'avait aidé à retrouver une vie normale, une épouse, à élever ses enfants...  

Et voilà que le passé se rappelait à lui : il regardait ses photos d'époque. Une d'elle retint toute son attention.  

 

Il s'agissait de Marie, profondément endormie. La photo avait vieilli, pas mal jauni et subi une altération physique - une partie de la photo s'étant dédoublée. Mais ce n'était pas le plus troublant.  

Ce qui marquait le vieil homme était le cadavre aux yeux fixant l'objectif, sous le lit de Marie, comme une vision déformée de la jeune femme. Christian savait qu'il avait pris cette photo. Il savait aussi que jamais rien de tel n'était apparu...  

 

Il tourna la photo vers Michael. Ce dernier acquiesça : il l'avait déjà regardée avec son père et cela l'avait marqué ; il sortit de son sac d'autres papiers.  

"- Voici des photos prises par d'autres personnes à la même époque, retrouvées également sur l'île..."  

Des photos de famille, des photos de la vie quotidienne, des photos heureuses.  

Toutes marquées par la présence de la jeune femme cadavérique. Elle se tenait tantôt derrière, tantôt à côté des personnes photographiées. Son regard fixant l'objectif pour l'éternité. C'était incompréhensible et effrayant.  

 

"- Mon père m'a demandé, comme ultime volonté, de vous accompagner sur Darnu et prendre soin de vous."  

Christian était la dernière personne vivante que le père de Michael avait retrouvée. Il regarda le fils dans les yeux : est-ce que dans leur religion, les morts venaient se venger des vivants ? L'homme haussa les épaules : il ne savait pas, lui s'était converti à l'église anglicane très tôt et il ne croyait pas aux esprits. A la différence de son père.  

 

Les duo se sépara sans un mot. Christian mangea les kilomètres du retour dans un silence pesant, ses souvenirs et un mal de tête coriace refusaient de quitter son crane.  

Revenu à sa place de parking, l'oiseau mort avait disparu.  

 

(Script original)

Scénario : (3 commentaires)
une série B thriller (Fantastique / Drame) de Jason Kelly

Manfred Ribic

Virginia Tasz

Weston Erotas

Renee Tilford
Musique par Emmannuelle Cage
Sorti le 10 mars 2018 (Semaine 688)
Entrées : 19 656 953
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