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MMP présente
The Hippopotamus Polka

Prague, 1912  

 

Valeria Czebrowsky (Caroline Burns) vient de perdre son mari, mortellement touché par une maladie sexuellement transmissible dont elle est porteuse sans le savoir.  

A 25 ans, effondrée par la perte de celui qu'elle aimait et vénérait, elle se laisse doucement aller à la dépression. D'autant que six mois auparavant, elle avait également appris le décès de son père d'une fièvre tropicale. Issue d'une importante famille de commerçants, Valeria Czebrowsky est aujourd'hui à la tête d'un petit empire comptant des dizaines de représentations à travers le globe, en particulier dans les colonies et comptoirs européens d'Asie et d'Afrique d'où l'on importe essences, tissus, bois et épices rares.  

Le grossiste Czebrowsky a fait sa fortune sur cette rareté, sa fille unique est un bon parti, une belle et jeune femme à courtiser que son chagrin enferme, cloitrée et inconsolable, dans le prestigieux manoir familial situé dans la banlieue de cette métropole d'Autriche-Hongrie, la coupant de toute vie sociale.  

 

Elle apprend que Lou Coleman (William Merzi), un des plus proches associés de feu-son paternel, revient cette semaine de Khartoum, Soudan - à l'époque, colonie Britannique. Il écrit qu'il revient pour affaires, lui ramenant "un présent spectaculaire". "Val" n'a plus goût aux secrets, elle est froissée de ne recevoir que si peu d'information. Et Coleman prévient toujours de ses retours au moins un mois avant - quelle mouche l'a piqué ici ? Elle confie son agacement à Marie, sa plus proche suivante (Jeanne Eichinger).  

 

Et voici que Coleman, qui s'est installé avec sa suite dans le centre-ville, s'en revient de négociations serrées et en compagnie d'une petite troupe d'indigènes, ramenant en calèche un étrange caisson en bois marqué "Fragile - à manipuler avec extrême précaution". Il lui présente les marchands arabes avec lesquels il a travaillé - détaille leurs nouvelles possessions et insiste sur les perspectives d'avenir que le pays offre. Valeria écoute cela d'une oreille distraite. Le repas se déroule dans une atmosphère d'échanges commerciaux, très professionnelle. Si elle dirige désormais les destinées de l'entreprise, elle est persuadée que d'autres sauront gérer les affaires courantes et son développement mieux qu'elle : les avocats de son père et ses collaborateurs sont déjà au travail.  

 

Ce soir-là, le manoir veille tard : le commerce des biens de l'Afrique et des colonies rapporte : anglais, français, teutons et bataves ont déjà pris leur part du gateau - et l'Afrique est un si grand continent encore si plein de mystères pour l'homme civilisé.  

 

Marie confie à "Val" sa curiosité quant au container ramené : elle en a entendu une respiration s'échapper. Coleman l'a présenté à la maîtresse de maison comme son présent "véritablement exceptionnel".  

"- Je sais que vous avez besoin de compagnie - mais pas d'engagement." ajoutant une nouvelle couche au mystère.  

 

Les marchands et négociateurs partis en voitures et le manoir redevenu tranquille, Coleman décide de dévoiler le contenu du caisson au coeur de la nuit - faisant fi de la fatigue de tous - et insistant pour que seule Marie et le majordome principal y assistent avec Val et lui.  

Après avoir toqué deux fois sur le caisson, il en retire le cadenas et ouvre la porte, se reculant légèrement un grand sourire aux lèvres.  

 

Une masse (Sylvain Barré) en sort. A quatre pattes dans un premier temps, puis se lève sur deux et s'étire une fois sorti. La créature doit faire au moins deux mètres. Il est habillé d'une veste en cuir et d'un large pantalon de toile.  

Marie tourne de l'oeil et tombe dans les bras de Coleman. Valeria s'assied, blanche comme linge.  

Un homme. Ou plutôt un hippopotame. Ou peut-être même une chimère entre les deux. Massif. Son corps a le cuir de l'animal marin mais ses yeux pulsent d'une étrange humanité.  

Dès qu'il se met à parler, le majordome pétrifié pousse un petit cri.  

"- Madame, je suis Tog. Monsieur Coleman m'a appris votre langue, vos coutumes et vos usages. Je suis à votre service. Et que mon physique ne vous importune pas, je suis bien élevé."  

La voix est chaude, caressante. Tog tend la patte afin de quérir le baise-main. Val recule.  

Coleman comprend cette réaction. Il assure à Val toute l'humanité de ce "pauvre garçon" qu'il a ramassé un jour de septembre, il y a trois ans, dans une cahute au fond d'un village où il vivait comme un pestiféré depuis 10 ans. Sûr que sa mère était humaine, l'associé rend une "nature vengeresse" responsable de l'apparence de Tog.  

 

Czebrowsky prend Coleman par le bras, s'enferme avec lui dans un boudoir attenant : pour elle, ce n'est pas une déformation, c'est Dieu qui l'a oublié. Le marchand baisse un instant les yeux : il a de l'affection pour Tog. Il pense qu'il n'allait pas tarder à être assassiné dans son pays sans son intervention.  

"- Ici en Europe, son physique le rendra toujours différent mais au moins vous pourrez en faire un employé. Il est dévoué à votre maison jusqu'à la mort."  

Valeria n'en veut pas - elle est désolée : elle ne se voit pas vivre sous le même toit que cette monstruosité.  

"- Pensez-vous que votre père - Dieu ait son âme ! - se soit basé sur ma couleur de peau pour faire de moi son principal associé ? Non : il a fait fi des convenances. Si vous saviez ce qu'on a pu dire à son sujet dans son dos parce qu'il avait un "Bol de riz" à ses côtés ?!!?"  

 

Il ne cherchait pas à la prendre par les sentiments - sa colère n'était pas feinte. Le père ne faisait pas la fille - et chaque fois qu'on lui en parlait, elle avait l'impression de discuter de quelqu'un d'autre mais sûrement pas de son géniteur : comment avait-il pu être si bon avec les autres et si terrifiant avec sa propre famille ? Pourquoi n'était-il jamais revenu - ou si peu - au manoir après le décès de son épouse ?  

 

"- Mais ce n'est même pas un homme !  

- Pour beaucoup de gens d'ici, les africains et gens d'Asie non plus."  

On en resta là. On prépara ses quartiers à Tog et Coleman put repartir (pour l'Amérique du Sud cette fois), confiant dans le bon sens et le bon coeur de sa patronne.  

 

Et puis le temps passa. Les jours, les semaines, les mois : Tog prit sa place au sein du personnel de maison. On évitait certes de le montrer aux invités mais il avait fini par bien intégrer les us et coutumes de la maison - il s'avérait même un remarquable chef et Marie s'était même mis en tête de lui apprendre quelques mesures de piano (ce qui ne s'avérait guère aisé - la faute à ses mains atrophiées). La présence de Tog elle-même avait comme "réveillé" Valeria Czebrowsky, comme sortie d'un rêve - d'un cauchemar plutôt - et du deuil qu'elle avait porté ces derniers temps. Elle en voulait toujours à Coleman de s'être déchargé sur elle de la responsabilité d'une vie humaine.  

 

Car oui, elle avait fini par lui trouver un peu des qualités des Hommes. Tog, quoique attentionné envers son service et ceux qui l'entouraient, ne cherchait pas un amour inconditionnel : il savait qu'il avait déjà eu beaucoup de chance dans sa vie et que celle-ci aurait pu être beaucoup plus ombrageuse. Il était heureux, c'est tout.  

Il s'en était confié à Marie - Valeria Czebrowsky en avait ressenti comme une forme de jalousie. Mais sa propre aversion pour lui n'était probablement pas propice aux confidences.  

Tous. Ils étaient tous impliqués dans la dissimulation de cette créature mi-homme mi-issu du règne animal. Tous avaient signé un pacte implicite le jour où ils l'avaient vu - tous avaient décidé de le protéger de leur civilisation.  

 

C'était leur secret. Ils n'avaient pas eu besoin d'en parler : Tog avait vécu au milieu des hommes le temps de partir d'Afrique, souffrant de sa différence et du ressentiment. Aujourd'hui, il vivait caché, libre dans les limites de la propriété dans un bonheur confiné à quelques individus. Est-ce que ce serait jamais suffisant ? Est-ce que l'ennui et la curiosité pour l'extérieur ne finiraient pas par être plus forts que la sécurité dont il bénéficiait ici ?  

Est-ce qu'il ne serait pas le premier à trahir ce secret qu'il représentait ? Marie le craignait, Val le craignait...  

 

(Script original - Concours "Secret")

Scénario : (1 commentaire)
une série B dramatique de Pierre Paulson

Sylvain Barré

Caroline Burns

William Merzi

Jeanne Eichinger
Musique par Scott Fiedel
Sorti le 18 août 2018 (Semaine 711)
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