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MMP présente
Les Aventures de Johnny l'Enclûme

"- Cargo de nuiiit / 35 jours sans voir la Terre / 35 jours de galère..."  

Le ghettoblaster de Johnny (Johnny Kubota) fait hurler les décibels du tube d'Axel Bauer tandis qu'il finit sa "petite affaire" dans les latrines de la salle des machines. Johnny s'est engagé dans la marine marchande pour échapper à la guerre qui ravage son pays, territoire africain en proie à d'éternels conflits tribaux et énergétiques. L'Afrique, continent riche de sa terre, de ses peuples et d'un destin dans la main des maudits. Pour l'instant, ce qu'il a en main Johnny, c'est son seul plaisir de la journée.  

 

Le reste de l'équipage se compose principalement de maghrébins et d'asiatiques, melting-pot tendu qui de temps à autre explose dans un déchainement de violence. Le Capitaine des lieux en a eu marre : il a buté froidement deux de ses hommes il y a une semaine, répétant à l'envi qu'il était ouvert au dialogue mais qu'il y avait "des limites" (celle de sa patience) - la poiscaille lui dit merci. Depuis, ça s'est un peu calmé, mais le ressentiment demeure et dans cette atmosphère brûlante et humide, les corps et les esprits s'échauffent vite. Johnny lui, il est tout en bas des cales, derrière les escaliers de service. Il n'ennuie personne et personne n'aurait l'idée de venir le voir ici, dans cet endroit sombre, exigu, étouffant qui ne voit jamais la lumière du jour. Il est avec deux-trois autres mécanos comme lui, des ex-barbouzes de la Navale ou des taulards vaguement libérés - ou peut-être en fuite, qui sait ?  

 

En cet été de l'année 1986, "Jo" sait qu'ils se rapprochent des côtes françaises. Une fois appareillés, ils auront trois jours pour débarquer leur cargaison de jouets chinois et de fruits. Après une journée de perm', ils s'en iront en Grèce récupérer du bois. En attendant, les machines tournent et les corps suent. Ca pue le mâle à des kilomètres à la ronde et les hormones travaillent. "Jo", lui, ça aurait plutôt tendance à l'exciter - mais le sexe forcé, ça n'a jamais été sa tasse de thé. Il y en a bien quelques-uns qu'il aimerait faire couiner (il est en plus certain qu'ils aimeraient ça) mais il se retient. Il vient d'un pays où ce genre de pratiques était puni de mort. Sa mère lui a apprit à cacher son désir, ses sentiments en général. C'était avant qu'elle ne soit abattue, comme ça, gratuitement, un soir de mai alors qu'elle revenait des prairies. Un pick-up est passé, trois petits cons, une salve d'automatique. Et lui jeune préado qui trottinait derrière elle qui la voit fauchée.  

 

Alors Johnny, il essaye d'oublier tout ça, il veut se convaincre que son prof de français avait raison, là-bas : men sana in corpore sano - un esprit sain dans un corps sain, "Jo" s'entretient comme un athlète - exercices de muscu, pompes... Le travail physique aide à l'entretien, l'abrutissante fatigue de ses 12 heures de boulot quotidien lui procurant le plaisir d'un oubli serein. Depuis qu'il est sur ce bateau, Jo ne fait plus de cauchemars... Les collègues lui ont donné le sobriquet de "l'enclume".  

 

Marseille. Tout le monde s'active pour appareiller quand le Capitaine leur apprend que du fait d'une grève des dockers, ils seront bloqués et en attente pour une durée indéterminée - une catastrophe : les fruits vont pourrir si l'on attend trop. A défaut, l'équipage a quartier libre le soir même. Pour Jo, l'occasion d'aller fréquenter les lieux interlopes de la vieille ville. Il se fait beau et arbore un vrai costume de marin qu'il a racheté à un ancien de la Royale à Abidjan. Il ne passe pas inaperçu avec son 1m90 et son allure propre et sûre de lui.  

Il n'est pas déçu du voyage - ça grouille d'invertis mais ces derniers pratiquent la dissimulation, comme lui sur son continent. Il sait pourtant que la France, l'Europe, terre d'accueil, etc. : de la famille vit plus au Nord, il le sait - les communautés sont soudées. Pas de tensions ici (moins que sur le bateau en tout cas), pas de la peur mais une drôle d'ambiance. Il passe devant une affiche du Front National : "Aujourd'hui à l'Assemblée, demain à l'Elysée !".  

 

Il rentre dans un bar un peu miteux, lève un beau moussaillon - un vrai de vrai, lui : Karl (Jack Halter), de la Deutsche Marine - ils discutent un peu, se plaisent, vont dans la chambre d'hôtel que le jeune allemand loue ici au mois. Ils font l'amour.  

Aux premières lueurs du jour, Jo se lève sans réveiller son amant d'un soir. Il sort, retourne au port à pied. Les dockers sont toujours en grève. Au sein de l'équipage, le moral est dans les chaussettes : on lui apprend que l'armateur a mis la clé sous la porte. Ils sont bloqués ici, expatriés - ni vraiment légaux, ni totalement illégaux.  

Tout tourne alors très vite dans la tête de Jo : il prend son sac, y jette sa vie, ressort en loucedé.  

Sur le chemin, il passe dans une boulangerie acheter quelques viennoiseries. Il retourne à l'hôtel, sonne à la porte de la chambre de Karl. Celui-ci lui ouvre.  

Il lui sourit.  

 

(Script original)

Scénario : (2 commentaires)
une série Z sentimentale de Alexander Fitch

Johnny Kubota

Jack Halter
Musique par Morena Ayres
Sorti le 26 novembre 2016 (Semaine 621)
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