Il (Ira Bradley) la regarde, les yeux fous.  

Il caresse la toile sur laquelle il a composé son visage. La peinture n'a pas encore tout à fait séché - il en a plein les mains. Il pleure, mélange ses larmes à ses couleurs, modèle une nouvelle fois ses yeux, son corps. Il peint de plus en plus frénétiquement, passe des pinceaux aux brosses puis au couteau, mélange les textures, mais toujours, toujours il la retrouve à travers lui. Il pose son imposant tableau à même le sol, s'accroupit, finit par hurler de douleur et de frustration, s'allonge sur la toile, simule l'acte sexuel, le coït, puis s'effondre dessus et se met à pleurer comme un petit garçon.  

Dans son atelier New-Yorkais, des dizaines, peut-être des centaines de dessins, illustrations, peintures, compositions. Et toujours un même sujet :  

Blu.  

Le Cap - Afrique du Sud  

Mark Vanquish est un peintre de renom qui expose à travers le monde, veuf inconsolable qui trouve dans sa fantaisie artistique un échappatoire à la folie. Cette semaine, il inaugure une galerie de ses oeuvres puissantes dans la Capitale de la Nouvelle Afrique du Sud. Depuis la fin des années 2000, le pays connaît un essor fulgurant et son statut de passer d'une puissance régionale à celle plus enviée de puissance continentale. Le pays connaît une croissance économique à deux chiffres depuis 10 ans (biotechnologies, énergies renouvelables, formation, délocalisations), les pays asiatiques, européens et du Golfe continuent de s'y presser pour investir, le pays a littéralement soulevé une Afrique en passe de connaître une évolution inédite.  

Ce qui a séduit Vanquish dans l'idée de se trouver ici, au Sud du continent noir, c'est le défilé de couleurs qui s'offre à lui. Et surtout le bleu du ciel. Sa couleur à lui, mais surtout sa couleur à elle. Son psy lui a conseillé de prendre un break après sa dernière crise. Très demandé, il n'a eu que l'embarras du choix de la destination. C'est ici qu'il a posé ses valises.  

Les gens le traitent avec respect, mais une fois sorti du Musée d'Art Moderne Poulo du Cap, il redevient un homme ordinaire, écrasé par la chaleur. Petit à petit, le pays a vu décroitre sa minorité boher qui a laissé place aux immigrés chinois, arabes, indiens et européens. Le Cap est devenu une ville-monde.  

Au détour d'une rue, il croise le regard d'une jeune femme (Jewel Kater) qui porte les traits de Blu. Sous le choc, il manque de faire une attaque cardiaque, s'assied. Blu. C'est le destin qui l'a fait croiser sa muse. Il se relève brusquement, se met à courir. Elle entre dans un hôtel fréquenté par des businessmen de toutes nationalités. Mark arrive dans le hall d'entrée au moment où elle rentre dans un des ascenseurs. Le choc entre l'extérieur et la température contrôlée par la clim' l'assomme littéralement.  

A bout de souffle et à moitié dans le cirage, il réclame au personnel le nom de cette étrange personne, présente son passeport, ses pièces d'identité. Mais nul besoin de précaution, on lui donne l'information comme s'il était déjà connu ici : Amanda Grant, suite 5, 18ème étage. Il prend à son tour l'ascenseur dans un demi-sommeil. En fond sonore, The Girl from Ipanema résonne en lui comme un lointain souvenir d'enfance.  

Quand les portes s'ouvrent à nouveau, ses jambes ne le portent plus. Il tombe à terre, inconscient.  

Il se réveille par flashs.  

Elle est au-dessus de lui. Nue.  

Ils font l'amour dans le vaste penthouse de la suite, halètent de concert.  

Il la prend violemment, pourrait détailler chaque centimètre carré de sa peau.  

Il se rendort brutalement. Se réveille à ses côtés. Elle le regarde fixement. Blu. C'est elle, sa plastique parfaite, ses yeux océans. Son amour retrouvé, son obsession.  

Il rêve éveillé.  

(Script original - Tourné dans les studios Studio Tremblay Z-2 dans le cadre du Concours "Bleu")