«Dans le monde d’aujourd’hui, la peur est monnaie courante. Ceux qui n’ont pas eu peur sont morts, les autres vivent toujours, au prix d’une grande peur».

Je m’appelle Mike Hamilton (Robert Jezek). Bientôt âgé de 21 ans, j’ai l’impression d’en avoir une cinquantaine, tellement ma vie jusqu’ici a subit de bouleversements. Né d’une famille tout à fait normale dans une banlieue sans histoire, le genre d’endroit où tous se croient supérieurs aux autres alors qu’aucun n’a la moindre valeur, j’étais un gamin ordinaire, avec des occupations encore plus ordinaires. Jusqu’à ce que survienne ce fameux événement, le jour de mon sixième anniversaire. Les sirènes d’alarme de la ville s’étaient enclenchées dans une cacophonie épouvantable, me donnant une vilaine frayeur. C’était la première fois que je les entendais, et pourtant leur son me semblait familier. Ma mère m’avait rapidement empoigné le bras, bien peu délicatement, et entraîné dans la cave, puis dans cet abris souterrains que mon père avait mit tant d’années à construire et aménager.

Nous y avions passé quatre ans, quatre longues années dans une noirceur d’encre. Apparemment, le mécanisme électrique n’avait guère fonctionné, et il était hors de question pour nous de sortir le réparer. À un moment de notre emprisonnement volontaire, mes parents s’étaient disputés. L’une, virée folle, avait tenté de s’échapper; l’autre, paranoïaque l’en avait durement empêché, à un point tel qu’il l’avait tuée. Sombrant dans une grande crise, le père avait mis fin à ses jours en s’écrasant le crâne sur la paroi de béton qui nous protégeait, m’oubliant totalement, moi, pauvre enfant n’osant prononcer un seul mot.

Le jour de mon dixième anniversaire, un craquement sinistre avait retenti, suivi du long bruit d’une barre de fer glissant tranquillement contre une porte d’acier. Un léger souffle me frôla alors le visage, chassant pour un court instant l’odeur suintante que je respirais depuis plusieurs mois, années. Je restai néanmoins toujours accroupi dans mon coin, à scruter le mince rayon de lumière éblouissante s’étant infiltré dans l’abri. Mes yeux me faisaient mal, je les sentais beaucoup plus gros que ce qu’il avait été. Après un moment, je rampai enfin vers la porte…

J’ignore pourquoi ces quatre années emprisonné dans un abris anti-nucléaire ont fait de moi ce que je suis désormais. Il n’existe sans doute pas d’explication logique, je veux dire, logique dans le monde d’autrefois, pour justifier mon apparence actuelle. Toujours est-il que celle-ci me fut fort utile, à ma sortie à l’air libre, lorsque la patrouille de l’Ombre me croisa pour la première fois. Mais laisser moi vous raconter l’histoire du matricule 0-22, mon histoire, et celle du matricule 0-1, alias Sylvia London (Kerrilyn Whittall), alias… l’Ombre.