La porte aurait pu exploser contre le mur tant elle fut poussée avec force par l'homme qui entra en trombre dans la pièce, en jetant un regard affolé derrière lui. Sans perdre un instant, il traversa la pièce en boitant et en se tenant le bras, à la recherche d'une porte de sortie. Dans la pièce voisine, de nouveaux coups de feu retentirent. Son poursuivant approchait.  

Parcourant la pièce du regard, l'homme cherchait toujours un moyen de s'échapper, mais la seule solution qui s'offrait à lui était la fenêtre donnant sur la rue... dix étages plus bas. Conscient que ses hommes ne tiendraient pas longtemps face à ce forcené qui semblait prêt à tout pour avoir sa peau, il tenta le tout pour le tout.  

Ouvrant la fenêtre de sa main gauche, tenant toujours son bras droit blessé contre lui, l'homme passa de l'autre côté avec précaution, et posa un pied sur l'étroit rebord de pierre qui longeait le mur du bâtiment, sous les fenêtres de l'étage. Les coups de feu se rapprochait, son poursuivant n'était plus très loin. Il n'avait plus de temps à perdre. Ignorant la douleur qui lui traversaient le bras et la jambe, l'homme passa entièrement de l'autre côté de la fenêtre en se tenant au rebord de son bras valide.  

Lorsque la silhouette apparut dans l'ouverture de la porte, l'homme sursauta, sentant son heure venir. Glissant du rebord de pierre sur lequel il se tenait debout, il s'aggripa in extremis de sa main valide au rebord de la fenêtre, dans un ultime espoir de survie. Le bruit du plancher craquant sous les pas de celui qui s'approchait alors de lui le fit frémir. Il savait ce qui était arrivé à son ami peu de temps auparavant. On n'avait pas su qui s'en était ainsi pris à lui, mais le massacre qu'il avait laissé derrière lui en disait long sur sa détermination. Pourtant, bien qu'il savait que celui qui en avait après lui ne l'épargnerait pas, dans un ultime espoir, il se tint de toutes ses forces au rebord de la fenêtre, souhaitant de toutes ses forces que son poursuivant lui laisserait la vie sauve.  

Le visage sombre qui se pencha au dessus de lui, silencieusement, le fit alors frémir. Ce regard le transperça, et alors que le forcené restait là à le fixer, attendant que l'homme s'épuise, il comprit pourquoi il était là.  

Lorsqu'il lâcha le rebord de la fenêtre et qu'il chuta de dix étages, l'homme ne parvint pas à quitter ce regard des yeux, un regard qui ne le quitta pas non plus, jusqu'à ce qu'il s'écrase sur les pavés de la rue, rapidement macculés de sang.  

Lorsque San (Yann Amoto) entra dans la pièce, Kun (Max Chant) était déjà arrivé. Appelé en urgance par son patron, l'homme à la tête de la mafia de Hong-Kong, San était venu au plus vite. Ayant fait son entrée depuis trois ans dans les triades locales, son ascension avait été rapide, et aujourd'hui, Hou-Chi (Hành Li) le traitait à l'égale de son fils Kun.  

Hou-Chi avait succédé à son frère, ancien patron de la mafia Hon-Kongaise, vingt ans plus tôt, à le mort de ce dernier. Liam avait été retrouvé mort chez lui, massacré avec son épouse, sans qu'on ne découvre jamais qui les avait assassinés. Pleurant la mort de son frère et de son neuveu dont on n'avait jamais retrouvé le corps, Hou-Chi avait reccueilli la petite Niu, la fille du couple défunt, unique survivante de ce carnage. Et depuis, c'est lui qui dirigeait la pègre locale.  

Mais depuis peu, le vieillard était inquiet. Deux de ses plus fidèles collaborateurs avaient été assassinés, avec leurs hommes, en plein Hong-Kong. Avant de mourir, les seuls survivants de ces massacres n'avaient pas pu dire grand chose sur celui qui était à l'origine de tout cela. Selon eux, il s'agirait d'un homme seul, un fou abattant tous ceux qui croisaient son chemin. Pour Hou-Chi, il s'agissait sans aucun doute d'un homme aux ordres de ses ennemis, mais il n'arrivait pas à mettre la main dessus, ni à trouver un quelconque élément lui permettant de découvrir de qui il s'agissait.  

Ce soir là, il avait appelé en urgence son fils et sa dernière recrue. Il plaçait beaucoup d'espoir en San, un jeune homme qui avait fait son entrée quelques années plus tôt dans sa "famille", et qui s'était révélé aussi fidèle qu'efficace. A tel point qu'il en arrivait à le considérer comme l'égal de son fils, et il s'interrogeait à présent sur celui des deux à qui il confierait sa suite à sa mort.  

Kun était un bon garçon, certes, mais San était bien plus efficace que lui, et dirigerait sans aucun doute bien mieux la mafia de la ville que son fils.  

Ce soir là, en apprenant à nouveau la mort de l'un de ses lieutenants, retrouvés dans la rue au milieu d'une mare de sang, Hou-Chi avait décidé que cette affaire serait celle qui lui permettrait de décider lequel des deux, entre Kun et San prendrait sa suite. Car l'homme vieillissant sentait sa fin venir, et il était plus qu'urgent à présent de s'occuper de sa succession.  

Depuis plusieurs mois, Kun supportait de moins en moins cette relation entre son père et ce parvenu. A tel point qu'il était décidé à se débarasser de lui dès qu'il occuperait la place de son père. En apprenant que cette place ne lui était pas acquise, et qu'il allait être mis en compétition avec San pour la succession de son père, Kun n'en crut pas ses oreilles. Mais puisqu'il en serait ainsi, soit. Il allait tout mettre en oeuvre pour découvrir l'identité de cet homme qui mettait en périle les activités de son père, et lui prouverait qu'il serait digne de lui succéder.  

Le sourire qui se dessina sur le visage de San, lorsque Hou-Chi leur annonça son idée, aurait pu intriguer le père et le fils, s'ils s'étaient doutés un seul instant de la réelle identité de San. Mais le vieillard crut alors que ceci n'était que la preuve de la volonté de San de grimper encore dans l'organisation. Pourtant, ce n'était pas du tout l'objectif de celui-ci.  

Pendant des années, loin de Hong-Kong qu'il avait fuit, San avaient revécu en cauchemar cette nuit où ses parents avaient été tués, jusqu'au jour où il s'était décidé à les venger, eux ainsi que lui, qui avait vécu dans la misère, battu par un homme qui l'avait forcé, lui et d'autres enfants à faire la manche pour lui rapporter le fruit de leur "travail", pendant toutes ces années. Il n'avait que cinq ans lorsqu'il avait assisté à l'assassinat de son père et de sa mère, enfermé dans un placard d'où il avait pu apercevoir un détail qui l'avait mis sur la piste de l'un des assassins.  

En découvrant il y a deux ans que cet homme, ainsi que tous les autres qui avaient participé à ce massacre, étaient aux ordres de son oncle Hou-Chi, le sang de San n'avait fait qu'un tour. Pourtant, bien qu'il aurait pu simplement se présenter à son oncle et l'abattre, avant qu'on ne l'ait lui-même abattu, il avait décidé de prendre son temps, d'approcher doucement de son oncle, et de frapper au moment où cela lui ferait le plus mal.  

En découvrant que sa petite soeur Jia (Victoria Yang), qui à l'époque de la mort de ses parents n'était encore qu'un bébé, était toujours en vie et avait été élevée par Hou-Chi, San avait failli abandonner son plan pourtant. Mais son besoin de vengeance était plus fort que tout.  

Il allait tuer tous ces hommes qui avaient participé à la mort de ses parents, et qui étaient devenus les lieutenants de son oncle en guise de remerciement, il détruirait tout ce que son oncle possédait, avant de s'en prendre à lui et de l'abattre. Mais bien qu'il ait toujours voulu épargner son cousin Kun, il savait qu'il ne pourrait pas échapper à un affrontement avec celui-ci. D'autant plus qu'entre eux se jouaient plusieurs combats. Car si Kun n'aimait pas du tout le fait que San puisse lui voler sa place à la tête des triades de la ville, il aimait encore moins le façon avec laquelle sa fiancée Niu (Jewel Mirren) regardait son adversaire depuis son entrée dans la "famille".  

Dans cette affaire, Kun espérait pouvoir débarasser son père de cet homme qui mettait en périle son activité, et se débarasser également de San, sans savoir qu'il s'agissait d'une seule et même personne.  

Le combat qui allait suivre allait sans aucun doute marquer les rues de Hong-Kong à jamais...