C'était une animalerie comme les autres située dans une petite rue de Gérardmerveille, loin des grandes artères... Une animalerie tenue avec amour par un vieux Monsieur solitaire, veuf inconsolable que tout le monde appelait Mardi (David Kaine) dans le quartier, un ancien vétérinaire qui avait été de toutes les guerres pour le droit des animaux et qui s'était posé ici à la retraite.  

Il aimait tellement ses bêtes, les traitait avec tellement d'attention et d'affection que chaque fois qu'il en vendait une (et il n'en vendait pas beaucoup car son échoppe n'était pas située sur un axe très commerçant, et que lui-même n'avait guère la fibre), c'était un véritable crève-coeur pour lui.  

Chiens, chats, hamsters, lapins nains et petits animaux de toutes sortes trouvaient ici un refuge (pas de poissons, pas d'oiseaux, il les trouvait trop fragiles et avait ses préférences). Il poussait même parfois le vice jusqu'à en adopter lui-même.  

Mardi avait vu le quartier ouvrier évoluer sous les coups de boutoir des nouveaux programmes immobiliers. En tant que propriétaire, il avait son mot à dire mais les impôts rendaient la survie de son commerce de plus en plus aléatoire. Il voyait avec horreur le moment où il faudrait qu'il se sépare de tous ses compagnons. Il préférait ne pas trop y penser quand il levait, chaque matin, la grille du magasin à 10h00 tapantes.  

Ce matin-là justement, un homme affable l'attendait. Costard-cravate, la belle quarantaine propre sur lui - probablement un cadre en attaché-case qui venait chercher un cadeau de dernière minute à son enfant pour un anniversaire oublié. Un de plus.  

Mais non : l'homme venait pour lui. Il se présenta comme Marc Valentino (Nicholas Courage), représentant Petz'R'Us, une importante chaîne d'animalerie - le fast-food de la profession qui n'avait aucun remord et ne reculait devant rien pour augmenter leurs chiffres et envers qui Mardi n'avait que mépris et dégoût. En quoi son petit business les intéressait-ils ?  

Valentino lui apprit que dans le cadre de la "revitalisation" du quartier, la Mairie et les services sanitaires avaient autorisé la franchise à s'installer plus particulièrement dans son voisinage.  

L'homme de Petz'R'Us désigna le petit immeuble d'en face. Mardi écarquilla les yeux, se retourna et avisa les échafaudages et les ouvriers qui s'attelaient au chantier de rénovation depuis 4 mois. Ils faisaient un boucan impossible.  

"- Mais je croyais que c'était pour loger des gens dedans ?! ? C'est ce que le panneau installé par la Mairie indiquait !  

- Une regrettable erreur administrative. Que nous avons fait rectifier, vous avez vu ?"  

Mardi plissa les yeux. En effet : en lieu et place de la "Résidence Jouvence pour Petits et Grands" annoncée depuis des semaines se trouvait une réclame criarde et bariolée hurlant l'ouverture d'un Petz'R'Us en fin de mois !  

Il n'était pas dans les habitudes de la corporation internationale de déloger la concurrence, ni même de la menacer - mais Valentino sortit néanmoins un beau papier à l'en-tête de son employeur. Le document proposait de lui racheter son fond de commerce, ses animaux, sa vie - à un fort bon prix.  

Une fois ce document remis l'homme à la cravate sobre tourna les talons, lui intimant qu'il reviendrait aux nouvelles demain.  

Mardi entra dans son magasin, salué par l'habituel concert de ses "petits chéris". Il s'assied un instant. Puis se prend la tête dans les mains et pleure à chaudes larmes...  

La présence de cette machine de guerre commerciale face à lui ne ferait qu'accélérer son départ en maison de retraite. Loin de ses derniers amis. Pas ça. Il est abattu, désespéré.  

"- Les gars, le patron se porte pas bien."  

Le persan du nom de Caviar (voix de Johnny Kubota) venait de convoquer un Conseil Extraordinaire. Ni chiens ni chats n'avaient perdu une miette de ce qui s'était échangé à l'extérieur de l'enceinte. Les canins flippaient, à commencer par Barney (voix de Lawrence Kruger) qui partageait avec la chatte Smokey (voix de Laura Lee Sagnier) les bad trips issus de leur mastication frénétique des plants de cannabis que Mardi cultivaient à l'occasion pour se détendre.  

Du côté des rongeurs et des léporidés, on ne s'excitait pas plus que ça : l'éternellement optimiste Glod (Yahia Karioun) un lapin rouquin, pensait que la concurrence "était bonne pour le marché", répétant en cela les antiennes de la radio économique de GM que Mardi écoutait régulièrement. En général, souris et lapinots n'avaient que peu de capacité d'abstraction et de plans pour l'avenir. Au milieu de ces peluches vivantes, deux individus ne partageaient pas l'opinion de leurs congénères :  

Whitey, un adorable lapin nain (voix de Barry Huang) et Tad (voix de Little L.), une femelle qui avait vécu son Viêt-Nam personnel et qui avait sa petite idée sur son avenir sans Mardi. Et c'était une catastrophe. Whitey n'aimait pas les gars comme Valentino et les "hommes en noir" - ça lui rappelait trop les expériences que sa maman avait subies avant sa propre naissance. D'ailleurs, il se disait que son intelligence supérieure était peut-être issue de ces dernières : Mardi l'avait trouvé dans un sac-poubelle duquel il cherchait à fuir, seul survivant de sa portée. Tad et Barney étaient copains comme cochons.  

Caviar se doutait que l'homme de Petz'R'Us reviendrait et que Mardi lui présenterait un refus. On ne disait pas "non" à ces gens-là, ils seraient amenés à prendre des mesure plus radicales contre leur maître... Lui le savait - son éminence grise, un chat noir de gouttière castré complètement taré qui portait un chapeau de magicien et qui se faisait appeler Merlin (voix de Sarah Maher) lui en avait parlé : ces hommes étaient des bêtes, on ne pouvait pas les arrêter.  

Mais que faire ?  

C'est alors qu'il se rappela d'une prophétie. Les prophéties ont cela d'amusant qu'elles se rappellent à vous aux moments les plus opportuns. On lui avait raconté (à lui et aux autres, c'était quelque chose de très connu au sein des mammifères) qu'en cas de problème extrême, le règne animal pouvait faire appel aux services d'un "shaman", un raton-laveur du nom de Geoff (voix de Geoffrey Baker) qui parcourait le monde à la recherche de sensations fortes.  

Détricoter l'installation d'une entreprise humaine pareille était probablement un défi à la hauteur de n'importe quel animal mystique, mais on disait beaucoup de bien sur lui : il avait empêché la construction d'une autoroute dans le Wyoming, plusieurs déforestations en Amérique du Sud, imposé au gouvernement Allemand une nouvelle législation sur les animaux dans les années 30. Il pouvait tout faire, selon le chat qui avait vu le chien qui avait vu le lapin qui avait vu la souris qui avait vu le mulot qui avait croisé la route du prophète à fourrure.  

Mais ce Geoff existait-il au moins ? Caviar avisa de la situation et décida de former une "Equipe A" pour aller le chercher - du moins le faire venir ici fissa fissa : Tad, Glod, Whitey étaient les représentants les plus malins de leur espèce, Barney et Smokey étaient stupides mais souvent traversés d'éclairs de génie "stupéfiants" - ces cinq-là, aussi différents soient-ils, constitueraient une équipe de choc pour aller voir Merlin dont les "visions" avanceraient leur enquête.  

Pour les faire sortir, ce serait un jeu d'enfant - le vieux n'était pas trop à cheval sur les cages.  

Ils n'allaient pas quitter leur refuge "nourris-logés-aimés" aussi facilement.  

Chansons des génériques : The Pet Shop Boys  

(Script original)