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MMP présente
Crimson Days - Asylum

Il y a six semaines.  

 

"- Regarde bien cette marque sur mon front. Quand tu la reverras, tu sauras que je viens te sauver.Et je reviendrai, je te le promets - mais ici, maintenant, je ne peux rien faire..."  

 

L'appartement est situé au 25ème étage d'une barre HLM dans la banlieue crasseuse de Santiago du Chili. Abandonné par ses précédents occupants, plus personne n'y a remis les pieds depuis des années. Mais pour la jeune femme, Rima Sollis (Shannon Donaggio), il est occupé - par un couple de parents indignes et leur fils unique (Nicolas Flannery). Ou plutôt - il sera occupé. Mais pas aujourd'hui : c'est une image du futur qu'elle dévisage - un enfant qui la regarde des yeux pénétrants, en pleurant. Il est maltraité. Il appelle à l'aide. Elle essaye de lui chuchoter les paroles les plus réconfortantes. Elle touche à nouveau son front - elle porte la marque des médiums, c'est ainsi qu'on les appelle. Elle lui sourit. Il esquisse une grimace, il a mal...  

 

Elle est entrée ici parce qu'elle avait "senti" qu'elle devait le faire, parce que l'enfant dispose lui aussi de cet étrange pouvoir. En fait, sa mission la conduit ailleurs dans l'immeuble : l'équipe des Forces Spéciales dont elle fait partie et plusieurs religieux ont été dépêchés pour intercepter l'arrivée d'un démon par l'entremise d'un possédé, à quelques étages au-dessus.  

Après être restée quelques instants avec l'enfant (qui lui articule sans bruit son prénom), elle reçoit un appel-radio de l'autre médium de l'équipe :  

"- Qu'est-ce tu fous ? On attend plus que toi !"  

Rima reprend son fusil d'assaut et remonte quatre à quatre les marches les deux étages restants pour retrouver l'escouade, se guidant par les chants des religieux qui ont commencé leur office.  

 

Quand elle arrive dans le couloir, sa collègue et deux autres membres de l'équipe observent déjà les autres occupants du palier rassemblés ici : personne ne doit sortir de la zone tant que l'exorcisme se déroule (violemment) dans l'appartement B3012. Elle prend place et observe les visages pétrifiés, déconfits d'angoisse. L'étage est maudit pour le coup...  

C'est toujours comme ça que cela se passe : quand un démon se sait traqué, il cherche toujours à récupérer une autre enveloppe. S'il s'échappe d'une première victime, cela peut être pour récupérer le corps d'un proche, d'un ami, un voisin - toute personne avec laquelle le ou la possédé(e) a eu un contact physique récent. Ici, les voisins tremblent, se signent alors que la faible lumière des néons et les murs semblent répercuter l'horreur qui se joue dans le B3012 : les curés hurlent leurs prières en latin, essayant de couvrir tant bien que mal les sonorités impies du malade.  

 

Et puis une détonation - qui fait sursauter tout le monde. Rima se précipite. C'est son supérieur, le Lieutenant De la Rosa qui a tiré.  

"- Irrécupérable."  

Le terme pour désigner un possédé qui ne se remettra jamais de l'influence démoniaque et qui risquerait de 'rechuter'. Le militaire a remisé son arme dans le holster et demande aux voisins de sortir de l'immeuble. Les consignes sont claires : depuis la multiplication de ces événements, le gouvernement aidé des hommes d'église a mis au point des procédures extrêmement strictes : on ne prend pas de risques - si le démon ne peut pas sortir (car ça arrive aussi) ou si son hôte est trop "abîmé", on préfère faire place nette : c'est de la "charité chrétienne" qu'on leur a dit.  

 

Le Chili est donc à la pointe du traitement des "damnés" sous les bons auspices du Vatican qui a fait du pays une base expérimentale face aux forces du mal. Le dogme du nouveau pape a radicalement changé la donne : on ne tend plus l'autre joue, on riposte franco - quitte à utiliser des individus munis de pouvoirs "spéciaux", dont l'existence n'a jamais été reconnue par le Concile.  

 

Pas question de renouveler les fiascos comme en Espagne, il y a huit ans...  

 

Revenue dans leur caserne aux alentours de 23 heures avec le reste de l'équipe et le cadavre du possédé (qui sera dûment incinéré), Rima sait qu'une nouvelle affectation l'attend en début de semaine prochaine. Le lendemain, un entretien discret avec son supérieur l'informe de ses nouvelles prérogatives : elle est envoyée dans la banlieue de Conception, dans la clinique du Dr Forrester (Fabrice Fenton), comme consultante indépendante. Elle doit cacher son appartenance à la division.  

"- Pour le corps médical et les patients, vous serez une sorte d'assistante sociale, une fonctionnaire gratte-papiers envoyée par la capitale." La précision était d'importance car Forrester se doutait que ses activités finiraient par attirer l'attention des autorités.  

"- Ses... activités ?"  

 

Pour mieux comprendre, il fallait revenir une dizaine d'années plus tôt, en Europe. Là-bas, le jeune interne en psychiatrie Roberto Forrester y officiait sur des patients ayant expérimenté des transferts de personnalités ou s'étant brusquement désincarnés "ailleurs". Il était alors aidé d'un parapsychologue, son directeur de thèses le Pr Edouard Schaefer de l'Université d'Utrecht - Pays-Bas. Un homme qui devait disparaître, à son tour happé par un phénomène similaire quelques temps plus tard*. Cet événement avait profondément marqué Forrester qui avait fini par développer des théories assez bizarres sur la présence de "portiques" dimensionnels et sur la possibilité que certains individus puissent les générer par eux-mêmes.  

 

Une autre théorie - plus répandue - offrait à certains lieux qui avaient connus des drames atroces la capacité de créer de telles portes vers l'inconnu, ou transformer ses habitants en témoins de ce qui s'était déroulé... C'était le cas de la "Pierre Noire" en Hongrie, de Stonehenge ou de certaines résidences. Schaefer avait disparu dans la banlieue d'Amsterdam, dans une belle maison qui avait connu des faits obscurs**. Son ancien élève avait souhaité s'y rendre mais il n'en restait alors plus rien.  

 

Désavoué par ses collègues et le corps médical dans son ensemble, il avait voyagé à travers le monde - seul la plupart du temps, détaillant certains lieux très particuliers et vivant selon lui des "expériences extrêmes aux frontières de l'inconnu et de la folie". Devenu "scientifique itinérant" (selon ses dires) voué à sa seule cause, il avait tout de même trouvé éditeur en France pour publier des écrits qui avaient attiré l'attention du clergé chilien. Son ouvrage devenu best-seller chez les amateurs d'occulte coïncidait de manière heureuse avec la nouvelle politique du Saint-Siège.  

 

Le supérieur de Rima se reposa un instant, fit chauffer un café, s'alluma une cigarette.  

"- Forrester a trouvé des appuis chez nos amis catholiques qui lui ont fourni les fonds afin de corroborer sa thèse." : sa clinique avait été édifiée sur un ancien hôpital-prison de l'époque Pinochet, autant dire un endroit qui avait connu entre ses murs son cortège d'atrocités. L'objectif de Forrester semblait d'y réunir suffisamment d'individus ayant vécu des expériences de désincarcération corporelle afin de créer un environnement susceptible de générer les "portiques à la demande". Ce n'était pas pour les soigner. C'était bien pire.  

 

Les yeux de Rima s'étaient écarquillés : parmi ces gens, il y en avait qui disposaient - elle le savait pour l'avoir lu - de dons identiques au sien. Et on l'envoyait là-bas ?  

"- J'ai besoin de l'avis d'un de nos meilleurs soldats à ce sujet. L'Etat-Major commence à se poser des questions... Jusqu'où l'Eglise souhaite-t'elle aller dans la découverte de ces couloirs vers l'enfer ? Si vous estimez que ce qu'il fait relève du Crime contre l'Humanité, on le fait fermer et on le vire du pays." L'armée quadrillait déjà toute la zone et la plupart du personnel de sécurité de la clinique avait été dépêché dans ses rangs. Mais Forrester - et le clergé peut-être ? - leur cachaient quelque chose : l'avancée de ces études, son but final.  

Pour conclure leur entretien, le supérieur de Rima avait sorti un "Executive Order" co-signé par le Président et la plus haute autorité militaire du pays. Elle le lut puis le reposa sur le bureau.  

 

Trois semaines plus tard, elle prenait ses nouvelles fonctions au sein de l'établissement, accueillie par Forrester lui-même : sa mission devait durer environ deux mois et consistait en une forme d'audit sur les patients. La plupart d'entre eux venaient des hôpitaux psychiatriques du pays ou des contrées voisines et elle devait officiellement "rendre des comptes".  

Une pré-enquête fournie à Rima faisait état d'une majorité de femmes et d'enfants. Les hommes ne survivaient que rarement aux expériences qu'ils avaient vécues et préféraient se suicider que cauchemarder pour le restant de leurs jours.  

 

Elle avait commencé à se sentir mal à l'approche de l'établissement, l'oppression à l'intérieur de l'enceinte n'en était que plus forte. Elle savait que la plupart des patients ressentaient les mêmes symptômes qu'elle. Elle démarra ses entretiens, à commencer par le personnel de sécurité. Elle comprit très vite qu'à l'exception de quelques infirmières, très peu de membres du corps médical figuraient sur la liste du personnel : la réputation de Forrester restait intacte chez énormément de praticiens. En l'accueillant, le Directeur lui avait rapidement détaillé ses méthodes : hypnose, cri primal, psychanalyses au long cours. Les thérapies étaient longues "et la plupart ne sortiront sans doute jamais d'ici" avait-il conclu. Il regrettait cet état de fait mais Rima savait qu'il s'en délectait. Tous ses malades étaient des hypersensitifs, certains souffrant d'une combinaison de névroses doublées d'autisme. Un terrain très favorable.  

 

Les trois premières semaines, rien ne bougea. Elle avait visité 90% du complexe, prenant son temps pour tout découvrir, n'ayant que peu recours à ses techniques d'infiltration militaires et terminant chacune de ses journées par ce qu'elle appelait ses "techniques de contrôle", une forme de méditation zazen qui lui permettait de s'endormir sans risque de cauchemar. Qui en ce lieu ne manquaient pas : elle était régulièrement réveillée par des hurlements de patients sur lesquels l'horreur du lieu fondait nuitamment. L'oppression ne diminuait jamais, le lieu était malsain, malfaisant, mais Forrester donnait le change, lui ouvrait toutes ses archives... Il semblait vouloir, le plus honnêtement du monde, soigner ses patients.  

Jusqu'au lundi de la quatrième semaine. Levée tôt ce matin-là, elle eut l'intense sentiment que quelqu'un l'attendait dans le hall d'entrée. A peine habillée, elle s'y précipita, comme mue par une étrange intuition.  

 

L'enfant du HLM l'y attendait. Elle se rapprocha de lui. "- Tu n'es pas venue." lui lança-t'il en guise de bienvenue. Elle se pencha sur lui, lui dévoila à nouveau la tâche de naissance dont les médiums comme elle héritaient au berceau - elle lui sourit.  

"- Tu es dans mon futur, je reviendrai te voir dans ton HLM quand il sera temps." L'enfant esquissa une grimace : il voulait savoir si elle était curieuse de savoir comment il l'avait retrouvée.  

"- Tu es une image inconsciente de mon esprit - je dois culpabiliser un peu depuis notre première rencontre."  

Il hocha la tête, comme s'il comprenait.  

"- Mais alors, ajouta-t'il, si je suis dans ton esprit, qui te dit que tu n'es pas dans le mien, ou dans celui de quelqu'un d'autre ?"  

Son sourire se figea. Elle y avait déjà pensé. Tous les médiums avaient eu un jour cette réflexion.  

"- Et quelle preuve formelle as-tu que nous ne sommes pas encore dans l'appartement de mes parents, au 25ème étage de l'HLM ? Tandis que ton collègue est en train de tuer un innocent ? Et que Je suis déjà sorti de sa coquille ?"  

Elle se releva, interloquée. Jeta un coup d'oeil alentours, croisa le regard endormi de deux "infirmiers" et celui - encore plus embrumé - de quelques patients...  

Elle se regarda. Elle portait les vêtements enfilés il y a quelques instants. Pas d'arme en bandoulière. Pas de veste de malade. L'enfant avait disparu.  

 

Son intuition avait été juste : soit l'endroit commençait à lui porter sur les nerfs, soit c'est la clinique elle-même qui générait ces hallucinations. Elle s'assit un instant, chercha une cigarette dans sa poche.  

Ooops. Elle ne fumait pas.  

 

Elle retourna dans ses quartiers comme si de rien n'était, referma la porte derrière elle : et si l'endroit se "nourrissait" de ses locataires, de leurs psychoses, de leur "pouvoir" d'interagir avec l'inconnu - pourquoi l'avait-on choisie, elle - sinon pour ajouter une nouvelle clé au schéma de Forrester ?  

Elle commença à respirer profondément pour faire refluer la crise de paranoïa qui menaçait, et éloigner d'elle le début de panique qui s'emparait de ses membres...  

Il y avait quelque chose de profondément maléfique dans cet endroit.  

Qui était en train de se réveiller.  

 

* voir Crimson Days - Les Sacrifiés (2008)  

** voir Crimson Days (2007)  

(Script original, suite de Crimson Days - Les Sacrifiés : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=107)

Scénario : (1 commentaire)
une série B d'horreur (Fantastique) de Jason Kelly

Nicolas Flannery

Shannon Donaggio

Fabrice Fenton

Ezra Reviglio
Musique par Vincent Danna
Sorti le 11 août 2018 (Semaine 710)
Entrées : 15 625 101
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