De nos jours, en Europe.  

Wanda Taufen-Ford (Alexandra Dolby) est ingénieure dans une entreprise d'électronique portugaise. Quand son patron décide de la "mobilité" des cadres dans des contrées à coûts moins élevés, elle est - dans un premier temps - assez enthousiaste :  

"- Quelques années à l'international, c'est toujours une bonne opportunité sur le CV ! Quel est le pays : l'Angleterre, les USA, l'Irlande, la Chine, Hong-Kong peut-être ?  

- Le Danladèchistan.  

- Le QUOI ?! What the fuck ?!  

- Je vous en prie ! - ce sont les Américains qui jurent ainsi."  

Le Danladèchistan, ancienne province autonome du bloc de l'Est officiellement rattachée à la Confédération Russe et désormais indépendante, s'est fait une spécialité des bureaux d'ingénierie ultra low-cost afin d'améliorer son image de marque internationale - population 10 millions d'âmes, religion officielle islam, 60% d'illettrés, capitale Bischkarossonovorsk. Ce pays "en développement" est reconnu pour offrir de magnifiques paysages et des techniciens à la production cinématographique mondiale. Après 30 ans de guerre, le Danladèchistanais moyen n'aspire qu'aux aides de l'Union Européenne, des Nations Unies et des délocalisations.  

Wanda n'a pas trop le choix : célibataire endurcie (la carrière avant tout) et première à l'origine sur les listes des futurs expatriés, elle a fait confiance en son management et la voila dans un avion-cargo affrété par la Compagnie Nationale. Durant le voyage, elle apprend que durant des siècles, la matière première principale du pays était la boue.  

"- La … boue ?  

- Oui, c'est formidable ce qu'il font avec : ils la cuisent, s'en servent comme palliatif aux hydrocarbures, l'exportent à travers le monde, la mangent même - vous l'ignoriez ?"  

Ce matin-là, son compagnon de voyage est un ancien légionnaire désormais responsable d'une compagnie de sécurité privée de la capitale. Il lui brosse un portrait cataclysmique de l'endroit. "- Si on aime l'exotisme, c'est l'endroit idéal - vous êtes à jour de vos vaccins ?"  

C'est encore pire à la descente du Tupolev : une fois sortie de l'aéroport, elle se retrouve dans le 19ème siècle européen. Elle s'attend à voir débarquer Oliver Twist et sa compagnie.  

"- Madame Taufen-Ford ?"  

Dieu merci, quelqu'un est venu la chercher. Ruben Castellino (Alexander Hess) ne doit pas avoir plus de 20 ans, c'est son premier boulot et lui aussi pensait qu'une ligne "international" ferait du bien à sa carrière : ça fait six mois qu'il est là en tant que "Directeur logistique", un titre ronflant pour un salaire de misère.  

Les bureaux de l'entreprise sont adossés à un immeuble dans lequel le personnel expat' réside. C'est soit le bâtiment commun ici en banlieue, soit dormir dans la capitale, le plus souvent sans eau ni électricité… Pour Wanda, le choix est vite fait. Elle prend possession de sa chambrette, un peu désespérée.  

L'après-midi même, elle découvre son poste. Et là se rend compte que non seulement ils sont payés au lance-pierre, mais que l'entreprise n'emploie pas de main-d'oeuvre locale. Tous les employés de la succursale Danladèchistanaise sont des européens ou occidentaux de la compagnie, violemment délocalisés au risque de perdre leur emploi. Tous célibataires, ou veufs, divorcés. Plus ou moins compétents, aventuriers...  

Certains comme Ruben ont pris leurs habitudes : ils en font le moins possible, partant du principe que leur équivalent salarial local correspond à deux heures travaillées par jour dans leur pays d'origine. D'autres se cassent la santé à la tâche, persuadés que "le siège" finira par reconnaitre leurs talents et les ramènera chez eux. Wanda se sent immédiatement prisonnière de la situation - elle ne comprend pas comment ce nouveau type d'esclavage est possible - désaxée, elle a complètement perdu ses repères.  

Elle finit même par ne plus rien comprendre : ni ceux qui ne bossent pas, ni ceux qui travaillent, encore moins ceux qui se font porter pâle ou ceux qui en font trop. Mais à son niveau hiérarchique, elle ne peut que constater les dégâts, impuissante : les dirigeants s'en fichent, prennent des décisions aléatoires en fonction du clientélisme local ou pour plaire à Lisbonne. N'importe quoi, n'importe comment.  

Wanda a un caractère bien trempé dans ce monde majoritairement masculin, mais elle finit par craquer.  

(Script original)