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MMP présente
On se Retrouvera

Les particules. Toujours revenir aux particules.  

 

Josev (Hubert Dupontal) était penché sur son curieux matériel de laboratoire. Ici, au Centre Unique de Physique, la pression était sourde. Son Chef de Secteur Yoris (Gregory Karas), jeune blanc-bec fraîchement sorti des écoles du Parti Unique, leur intimait de convaincre ses propres supérieurs - sinon tous étaient bons pour la Rééducation Unique là-bas, à 3 000 kilomètres de distance, dans les glaces éternelles. Fichus camps.  

 

"Convaincre ses supérieurs" signifiait découvrir ici une arme qui altèrerait le temps et permettrait à leurs propres soldats d'accélérer leurs mouvements à leur guise... Mais contre qui ? Le Parti Unique régnait sur chaque centimètre carré du globe depuis l'an 1 du Calendrier Unique. On ignorait d'ailleurs tout de ce qui avait précédé mais cela n'avait plus d'importance : les nouveaux maitres des hommes avaient pris leurs quartiers depuis au moins 500 années et réécrit l'histoire à leur faveur.  

 

Les machines à vapeur dégageaient énormément de particules noirâtres ces temps-ci mais le laboratoire n'avait aucun budget pour les réparer. Yoris passait dans les bureaux comme un lutin maléfiques qui traque la demi-motivation - on l'entendait hurler d'un bout à l'autre de l'immeuble. Il avait confisqué l'ensemble des clés des toilettes et allait à la rupture avec plusieurs autres ingénieurs des locaux.  

 

Il est vrai que des hommes de science comme Josev, il n'y en avait plus guère : Yoris avait pour ordre de les secouer mais pas forcément celui de les abrutir de travail. Josev le savait : agé aujourd'hui de 76 ans, il avait connu le Parti Unique à l'époque où il s'intéressait encore à la science. Ce n'était plus guère le cas. Les budgets de l'éducation avaient fondu. La Nouvelle Politique Unique était en route à peu près dans tous les secteurs de la vie : natalité, industrie, énergie, armement, propagande, culture, etc. Quand Yorris venait le sommer d'obtenir des résultats, il savait que le petit homme, au fond, n'avait pas beaucoup de poids : c'était la qualité des résultats de son personnel qui le maintenait en poste. S'il venait à avoir des soucis avec les vétérans, c'est ce gamin imbu de lui-même qui risquait le Camps. Il le savait - cela devait forcément le frustrer. C'est pourquoi le vieil homme se permettait toujours de lui sourire avec un haussement d'épaules en le voyant jouer au donneur de leçons.  

 

Dans cette société où l'on travaillait pour le même employeur jusqu'à la fin de sa vie, lui oeuvrait une installation plutôt complexe de maîtrise des champs électro-magnétiques d'altération. Les travaux sur la relativité restreinte d'Einstein était la seule chose qui était restée de l'héritage de leur ancêtre - Josev ne savait même pas à quoi il ressemblait depuis qu'il y a 250 ans de celà, les "images du passé" avaient été définitivement prohibées, au seul profit de l'écrit. Et encore, passé sous le filtre du Parti Unique et de ses redoutables "Libres Penseurs". Libres penseurs - voilà quel était le nom de la censure ici.  

Certains même avaient souhaité aller plus loin - jusqu'à prohiber les miroirs et les photographies afin que la seule représentation ne vienne que de nos souvenirs et de notre implication dans le tissu social. Ce zèle, les dirigeants du Parti l'avaient vite jugulé, par bonheur.  

 

Pour le reste, sa vie était heureuse : il avait un travail plutôt bien payé, était nourri, logé, entretenu dans une ferme du Parti plutôt cossue... Et s'il regrettait quelques décisions malheureuses prises ces dernières années (comme la baisse des crédits de l'Education, ou la nomination d'incompétents à la tête de leur structure), le scientifique n'avait aucun grief particulier contre le Parti. C'était dur de prendre des décisions qui impliquaient l'humanité à une échelle globale alors, il le savait, des fois il fallait sévir.  

 

Le Parti disait que l'homme n'était pas fait pour dépasser le milliard d'individus sur Terre ? Soit - les planétologues devaient avoir leur raison : lui travaillait sur la physique, pas la biologie planétaire. D'ailleurs au dernier recensement annuel, ils venaient juste de dépasser les 900 millions de têtes. Une politique de planning familial était à l'oeuvre : ils faisaient trop d'enfants, tous. Pour Josev, c'était un peu dommage : faire des enfants pour lui témoignait d'une confiance en la vie et dans le futur - donc, dans le Parti. Il s'en était ému à sa propre fille Camille (Jewel Fiedel) qu'il avait eue tardivement. Elle avait répondu que le Parti avait toujours raison. Elle avait raison, il le savait.  

 

Ce soir, la machine de Josev trépidait d'un mal étrange - un peu comme il elle avait eu dans l'idée de sortir de son armature : la fumée qu'elle dégageait avait obligé le personnel à ouvrir les stores, les hottes et autres ventilateurs étant incapables de disperser les volutes. 23h00 venait de sonner au compteur. Ca se passait toujours comme ça les soirs d'essais. Le hamster posé sur la petite table basse voisine tremblait dans sa cage.  

 

C'est à cette heure précise qu'un chat de gouttière - un des derniers survivants de son espèce - se glissa dans cette pièce du sous-sol grande comme un petit hangar. Cadavérique et à la recherche d'un peu de chaleur et de nourriture (avait-il senti le rongeur ?), il furète, tous les sens aux aguets, s'introduit dans les artères du monstre de fer. Les scientifiques présents sont trop occupés avec leur invention faite de moteurs à explosion, câbles fous tremblants sous l'effet des vibrations, tubes bruyants. Josev s'est glissé dans le coeur de la bête afin d'en remplacer une unité logique à base de transistors. Il peine et sue à grosse gouttes.  

 

Le chat est surpris par un spasme mécanique, il bondit sur les premiers fils électriques qu'il croise. Il en débranche un, en dénude en partie un autre. Provoque un court-circuit.  

A l'arrière de la machine, une petite explosion retentit. De la fumée noie la pièce. Josev essaye de se dégager du coeur - ce bruit ne lui dit rien qui vaille. Yoris vient de rentrer dans la pièce et hurle ses consignes. Des phrases qui se perdent dans le chaos ambiant.  

 

Autour de lui, Josev voit les diodes de la machines se mettre en action. De petites lumières bleues et violettes rassurantes. Il a encore le temps de sortir mais le fascinant ballet des diodes le retient un instant de trop. Il sourit devant sa curiosité presque enfantine.  

Effrayé par le vacarme et les ampoules qui clignotent de partout, le chat bondit de la machine aux contrôles, s'écrasent sur le clavier. Sur le moniteur noir et blanc proche, des coordonnées s'affichent.  

 

Le coeur où se trouve le vieil homme commence à trembler - d'autre lumières, plus crues, s'y répandent.  

"- Qu'est-ce qu...?"  

Il n'a pas le temps de finir sa phrase.  

 

La neige. Son corps est tombé lourdement dans la neige. Il se relève d'un bond - effrayé : est-ce que l'explosion l'a éjecté du laboratoire ? Il se tâte : rien de cassé. Ses vêtements sont juste trop grands pour lui. Les tâches de vieillesse aux mains ont disparu. Il se touche le visage, tire sur ses cheveux - il a des cheveux ! Il touche son visage : il a incontestablement rajeuni (Jason Salmon) !  

Puis il regarde autour de lui, hilare et excité. Il est sur une petite départementale qui traverse une forêt... Il dévisage longuement les conifères. Celà fait 250 ans que les derniers végétaux ont officiellement disparu... Il s'en approche, touche le sapin, hume son odeur, pousse un petit cri - revient sur la route. Il saigne un peu du nez - la chute probablement. Il regarde la voûte céleste : il est toujours au même endroit...  

Instinctivement, il hurle et se met à courir dans la nuit, suivant la petite route. Un quart d'heure plus tard, à peine essoufflé et toujours hystérique, il croise un panneau - un croisement qui l'informe arriver à Yellowknife, NT, Canada.  

 

Des lumières au loin - une banlieue proche d'une grande autoroute. Il s'étonne de l'espace, de l'air particulièrement respirable, de la fraicheur du lieu, de la forme des véhicule (le scientifique qu'il est calcule la puissance des batteries intégrées à ces énormes semi-remorques pour les déplacer).  

Un vrombissement lui fait lever les yeux. Un avion de ligne vient de passer au-dessus de lui - pour lui, c'est une révélation : il tombe par terre de surprise ! La gravité vaincue au service du transport de masse - c'est extraordinaire ! S'il a voyagé dans le temps, il est forcément dans le futur - on ne peut physiquement aller que dans une seule direction, jamais dans le passé - les lois de la physique - et du Pari - sont ainsi. Ses découvertes signifient aussi que le Parti a vaincu la pollution et la crise énergétique ! Il sort sa Carte de Membre et rentre dans un Diner's pour routiers, premier lieu habité témoignant d'une activité.  

Une odeur étrange l'assaille - comme celle d'un café particulièrement pur. Et de la graisse. Beaucoup de graisse.  

Les clients lui jettent un regard puis s'en retournent à leurs activités.  

 

Pour Val (Ella D.Chenz), c'est un premier jour de travail - un dimanche, histoire de financer ses études. Pour le moment, tout s'est bien passé : le patron l'a présentée aux habitués - les gars de passage n'ont pas posé de problèmes. Ici, on fait du bois, du diamant, de l'or, des hydrocarbures... - alors le transport, c'est un peu une activité essentielle de la région : des étrangers, on en voit tous les jours. Ici, c'est pas comme ailleurs : jamais de problème. Le bout du monde, mais un bout du monde sympa, un peu rude mais brave.  

 

Et puis il y a ce gars qui débarque avec ses vêtements mal taillés qu'on jurerait qu'il sort de l'usine. Il dévisage tout le monde avec un regard halluciné et ne se départit jamais de son sourire un peu chelou. Il vient de s'asseoir à une table. On dirait qu'il vient de tomber sur la tête, qui sort de l'asile ou d'on ne sait où - peut-être un allumé qui vient d'avoir une révélation mystique.  

 

Il lui tend une étrange carte plastifiée et vieillie. Elle lui demande ce qu'il désire et ne comprend pas sa réponse. Ce gars est définitivement bizarre.  

Elle lui ramène un mug de café - tout le monde aime le café - et file voir son patron en cuisine avec la carte. Lui non plus ne comprend pas le code-barre, l'étrange logo du Parti Unique ni le nom du type.  

Si c'est une plaisanterie, il va voir ce qu'il en coûte... D'ailleurs on dirait qu'il s'étouffe avec son café.  

 

Cette boisson est extrêmement forte ! - pour n'importe qui, un pur jus de chaussette mais pour Josev carrément du concentré. Autre miracle : le Parti a redonné du goût aux choses ! Par contre, le langage semble avoir évolué dans le futur d'une manière un peu particulière.  

"- Hé gars, c'est quoi ce truc ? Un genre de Diner's Club International ?" l'aborde le patron, la Carte du Parti en main.  

'International' - Josev a compris ce mot - hilare, il répond 'international, international' un grand sourire aux lèvres.  

"- L'a pas l'air dangereux ton gars Val, un immigré probablement - c'est bizarre... Le n° de téléphone de ton frère n'a pas changé ?"  

Le frère de Val, Frank (Raoul Yusef) responsable de la Police du coin, lui avait décroché son poste. Il la couvait trop mais s'avérait souvent d'une aide précieuse.  

 

Un quart-d'heure plus tard, Josev repartait dans un véhicule banalisé du corps de la Police Royale sans comprendre précisément ce qui se passait. Frank n'avait pas vu l'intérêt de le menotter. L'homme lui-même avait protesté sans violence, leur indiquant sans leur faire comprendre que sa Carte lui donnait un certain nombre de privilèges.  

Au Diner, l'"incident" était clos - mais Val n'arrêterait plus d'y penser. Ce gars avait quelque chose de décalé mais pas forcément malsain. Atypique forcément, mais pas dans le mauvais sens... Pire : il aurait pu être d'ici, il lui semblait que ses traits ne lui étaient pas inconnus...  

 

Elle avait furieusement envie d'en savoir plus sur lui.  

 

(Script original)

Scénario : (2 commentaires)
une série A sentimentale (Dramatique / steampunk) de Barclay Noyes

Jason Salmon

Ella D.Chenz

Gregory Karas

Jewel Fiedel
Avec la participation exceptionnelle de Hubert Dupontal, Raoul Yusef
Musique par Jewel Halligan
Sorti le 28 juillet 2018 (Semaine 708)
Entrées : 21 987 704
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