Hole City - 8 mai - 09h00  

Monsieur le Directeur de la clinique Cavendish était revenu d'un voyage d'affaires. Constantin Suarès (Johnny Kubota) était le jumeau du Docteur Glover (Johnny Kubota)... Du moins, on voulait bien le croire : personne ne les avait jamais vus ensemble dans la même pièce ! Une bizarrerie qui par ailleurs, n'avait jamais alarmé quiconque.  

De son retour d'Italie, "Monsieur" avait ramené quelques souvenirs pour son équipe d'encadrement. Il en profita pour faire le point sur les entrées et sorties de l'établissement avec son assistante Sheryl Raven (Heather Laxman). Celle-ci donnait des signes d'anxiété assez évidents.  

Le plus gros problème de ces derniers jours portait sur la modification soudaine et dramatique du comportement du patient dénommé Martin Smith (Raoul Frizzell), ancien policier rescapé d'un gunfight sanglant en ville. Ce dernier avait particulièrement mal vécu sa phase de réveil suite à un coma. Il hurlait désormais dans une cellule capitonnée qu'il était "damné" et qu'il regrettait "tout ce qu'il avait raté de sa vie". On l'avait bourré d'anxiolytiques et de morphine, Glover avait recommandé l'usage des électrochocs. Raven avait suspendu l'ordre dans l'attente du retour de son patron.  

"- Vous avez bien fait : c'est une pratique barbare, des décennies qu'on ne l'utilise plus - même ici : vous ferez venir Glover dans mon bureau tout-à-l'heure, j'ai deux mots à lui dire."  

L'autre incongruité avait été la visite d'un représentant de la police, un certain commissaire Samuel Lawrence (Bradley Howarth) qui avait interrogé Glover sur un patient qui aurait été retenu ici contre son gré - un certain Teese. Constantin haussa les épaules et se pinça l'arête du nez...  

"- Ils se sont donnés le mot ou quoi ? On est pas l'asile d'Arkham ici, on ne retient pas les gens en otage et on ne fait pas d'expérimentations sur eux !"  

Le dernier souci avait été deux "visites" nocturnes des archives du sous-sol à quelques jours d'intervalle. On ne savait pas encore si des documents avaient été dérobés, mais l'acte était criminel sans aucun doute. Une plainte avait été déposée.  

Ils venaient de prendre le couloir reliant l'artère centrale de l'établissement à l'aile de la psychiatrie.  

Smith, au sol, avait le regard fou et bavait abondamment. En face de lui, adossée à un coin de mur, la gamine (Shany Larock) le regardait, complètement amorphe. Comme s'il ne représentait rien pour elle. Comme si elle était là parce qu'elle ne pouvait pas faire autrement.  

L'ex-flic avait tiqué la première fois qu'ils s'étaient vus. Elle avait semblé sous l'emprise de la drogue et articulait difficilement, tenait des propos incohérents, délirants, mélangeait présent passé et futur... Il était impossible pour lui de se lever sans que cela ne s'apparente à un douloureux cauchemar. Pourtant, en sa présence, il l'avait fait. Contre toute attente et malgré ses douleurs, ses membres lui avaient répondu. Il avait pu marcher, suscitant tout autant l'horreur que l'admiration du personnel médical.  

C'est quand il leur avait parlé "d'elle" que sa raison avait basculé.  

Cette gamine qui partageait cette pièce, il n'y avait que lui qui pouvait la voir. En sa présence, il avait pu se lever malgré ses blessures. En sa présence, il était descendu du lit, avait parcouru l'établissement, fouiné à la recherche de ses affaires, essayé de retrouver l'identité de cette enfant qui n'existait que pour lui. S'il n'avait rien trouvé, ce n'était pas faute d'avoir essayé.  

Glover l'avait assigné dans cette pièce. Selon le médecin, Smith était rentré dans un "processus d'autodestruction" qui se caractérisait par des hallucinations et des phases d'automutilation. Chaque fois que Martin voulait parler, son entourage n'entendait qu'insultes et menaces ! Chaque fois qu'il se regardait dans une glace, lui ne se rendait compte de rien (sinon d'un visage fatigué et d'un corps blessé bien sûr)... Mais son entourage ne voyait que scarifications sur tout le corps. Comment pouvait-il se faire souffrir autant ? Est-ce que Martin en avait conscience ? - non : on lui parlait de choses (hurlements, mutilations) dont il n'avait aucun souvenir - de choses dont il n'avait pas conscience, qu'il n'avait jamais vécues.  

A présent, seule comptait sa mobilité - et sa volonté de fuir, et tant pis pour l'investigation ! Il parvenait à se lever au prix d'intenses efforts et souffrance, se demandait comment il pouvait encore tenir debout sans que son corps entier ne se disloque... Il se félicitait de ne jamais sombrer dans l'inconscience - l'accoutumance à la douleur due à la drogue sans doute. S'il excluait la môme, c'était l'explication rationnelle à laquelle il se raccrochait - il avait lu des trucs sur le sujet à propos de soldats durant la guerre du Viêt-Nam...  

La meurtrière de la porte capitonnée s'entrouvrit légèrement. Il distingua le regard de Glover. Un bruit de serrure s'ensuivit.  

Il aurait voulu sauter sur eux comme une bête enragée. Mais il était là, désormais assis - du coin de l'oeil il observait les réactions de la gamine.  

Deux infirmiers venaient de prendre place à ses côtés. Le troisième homme ressemblait bien à Glover mais n'était pas Glover...  

"- Je suis Constantin Suarès, Directeur de cet établissement : on m'a informé de votre état, vos hallucinations, vos hurlements, vos questionnements, toutes ces choses... Vous avez subi de violents chocs, vous êtes toujours en période post-traumatique - votre état n'est donc pas anormal. Vous ne devriez pas être là : je vais demander à ce que l'on modifie votre traitement."  

L'assistante avait amené une chaise roulante. On installa Smith dessus. L'ex-flic comprit que Glover avait eu la main lourde avec lui.  

La gamine s'était mise sur ses genoux, profitant avec lui du voyage de retour vers sa chambre - leur chambre désormais puisqu'il semblait condamné à l'avoir dans son champs de vision dès qu'il ouvrait les yeux.  

Elle puait le médicament. Elle mit ses bras décharnés autour de son cou et posa sa tête contre lui. C'est là que Martin, en la détaillant de plus près, se rendit compte des nombreuses cicatrices qui constellaient sa peau. Certaines avaient quasiment disparu et ressemblaient à présent à des nervures, d'autres semblaient plus récentes.  

Tout en lui caressant les cheveux, elle répétait :  

"Ils. Sont. Morts."  

(Script original, suite de Lost Shadows - S04E02 : Les Murs de Cavendish : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=14721)  

Lost Shadows est une création Morcar Prod.