Le jour où le commissaire Samuel Lawrence (Bradley Howarth) a retrouvé la trace de Martin Smith (Raoul Frizzell), accompagné par l'ex-collègue de ce dernier dans les bas-fonds de Hole City, il était au coeur de l'action. Au coeur du feu.  

Ce même jour, Martin Smith rendait sa justice et en mourait. C'était il y a un mois. Une éternité.  

Plus loin de nous encore, en 1961, le jour où Annie Pasco (Shany Larock) de la Maison de Retraite de Cliff Heavens (devenu la polyclinique Cavendish) avait voulu sauver deux vieilles dames infirmes laissées sans surveillance de la noyade, elle y avait laissé la vie. On devait sortir trois cadavres ce jour là de la piscine. On scella les lieux : après enquête, les installations n'étaient pas conformes.  

Annie Pasco n'était pas une patiente. La jeune infirmière venait de prendre le service dans son premier emploi et sa blouse était trop grande pour elle.  

Le jour où le Docteur Glover (Johnny Kubota) avait rendu visite à son cancérologue, il avait appris ne plus en avoir "pour très longtemps". Il avait alors tout fait pour retarder l'échéance fatale. Jusqu'à s'acoquiner avec cet ancien naturopathe, Suarès - un double parfait et troublant qui devait exiger de lui bien plus que la soumission.  

Hole City - 10 mai - 02h00  

Il y a des choses dont on ne se rend compte qu'après coup. Dont on ne se souvient jamais parce qu'elles sont "écrites" en vous. Des événements mécaniques, répétitifs, routiniers : prendre ses clés, relever ses méls, se brosser les dents, etc. Samuel Lawrence était mort il y a trois semaines et ne s'en souvenait plus. Il s'était réveillé dans son appartement de célibataire, avait bu son café, sorti son chien, garé son véhicule au Central. Il le croyait tellement fort qu'il n'avait aucune raison d'en douter.  

Il venait à l'instant de comprendre que les seuls individus avec lesquels il avait réellement eu une conversation étaient liés de près (Glover, l'infirmière - Fleming (Lisa Clausen) - qui l'avait trahi, Suarès et son assistante, la fille mystérieuse Pasco) ou de loin (la - désormais - veuve Teese) à cet établissement maudit : Pamela Teese (Johanna Rammstein) était bien venue au commissariat déclarer la disparition de son mari. On l'avait fait asseoir au bureau - désormais vide - de Lawrence. C'est là qu'elle avait conversé avec lui, en pleurs. C'est elle qui l'avait amené à Cavendish. Teese n'avait jamais douté que son mari ait disparu : Glover, Suarès et elle avaient joué la comédie. Pour l'attirer. Il n'avait jamais fouillé les archives de nuit avec Fleming, une pitoyable mise en scène.  

Cette Fleming qui l'avait "drogué" avec une aiguille remplie de rien... Lui qui était immatériel y avait cru, persuadé d'être un être de chair et de sang. Il avait compris que tous l'avaient traité en humain alors qu'il était devenu... un fantôme ?  

Il n'avait plus jamais parlé à sa concierge, sa famille, son chien... ni à qui que ce soit... sinon ceux qui le "voyaient", tous liés à Glover... C'est le "don" que Suarès leur avait offert en échanges de quelques monstrueux services. Ce phénomène touchait Smith bien sûr, désormais à ses côtés. Partenaires dans la mort au sens propre comme au figuré, au milieu de ce pentagramme de feu.  

Du moins eux le voyaient-ils en feu et en ressentaient la chaleur - ce n'était pas le cas dans la réalité, juste un dessin de craie au sol.  

Mais ce qui avait définitivement convaincu les deux ex-flics de leur nouvel état était... leurs cadavres, à leurs pieds. Des corps sans vie substitués à la morgue du Conté. Une histoire de fous qui était en train de très mal tourner pour eux.  

Suarès - celui dont ni Smith ni Lawrence ne parvenaient plus à distinguer le visage - incantait tandis que ses collègues (cadre dirigeants et équipe soignante de la clinique) répétaient mécaniquement ses paroles. Les enquêtes des policiers s'étaient rejointes au moment où le second était venu libérer le premier, mené par cette gamine sur laquelle ils avaient essayé d'en savoir plus.  

Smith avait découvert la piscine, revécu ses drames. Le flash-back avait été terrible - Lawrence en avait eu un avant-goût récemment dans le bureau de Suarès, ce jour où la veuve et lui étaient venus en Ford Mustang (un modèle qu'il n'avait jamais possédé). Mais là, cette Annie Pasco les intéressait, elle était leur énigme : ils pouvaient voir les morts, converser avec eux, mais pas avec elle ? Eux qui avaient toujours joué la comédie et donné le change en étaient incapables face à ce grain de sable d'un mètre cinquante.  

Délaissée par son mari et nantie d'un physique difficile, Pamela Teese s'était lancée dans l'étude du médium comme d'autres le tricot. Sa fréquentation assidue de la jet-set et des meilleures chirurgiens esthétiques de Hole City lui avait fait rencontrer Glover, très vite devenu son amant. Suarès en avait profité pour l'adouber dans son "grand schéma" : elle pouvait voir l'avenir et Suarès - par l'étude savante de livres interdits - lever le voile de la mort. La conjonction de leurs talents ouvraient d'immenses possibilités. Ils pouvaient converser avec les disparus, les retenir prisonniers, les manipuler eût égard à leur fragilité - un pouvoir immense dont ils n'avaient jamais disposé sur leurs semblables, ni sur leur propre vie.  

Réunis par la cupidité, le pouvoir, la survie.  

Et la connaissance aussi : c'est Teese qui avait "deviné" la première fois la jeune Pasco, sans jamais la voir lors d'une séance de spiritisme poussé. Un nouveau secret pour Suarès : pourquoi n'apparaissait-elle pas devant eux, elle dont l'enveloppe spectrale hantait Cavendish depuis si longtemps ? Elle qui, à force, était devenue l'âme du lieu ?  

Ils avaient cherché à en savoir plus. Pendant des années. Avaient enquêté, mené de savantes investigations qui avaient réclamé de l'argent. Beaucoup d'argent. Le regrettable décès de Mr Teese (d'un coup de scalpel parfaitement exécuté) les mettait temporairement à l'abri de ce besoin, Pamela héritant des biens de feu-son mari.  

Et puis un jour, une nouvelle "vision" : Teese voit deux hommes de loi de Hole City, liés par le sang, qui seraient amenés dans ces locaux et ouvriraient grand la porte qui mènerait à la jeune femme. Un nouveau voile vers l'au-delà se déchirerait. Une partie importante du personnel et l'ensemble de l'encadrement avait alors mis les bouchées doubles pour comprendre, Glover et Suarès débauché des "taupes" au sein des morgues afin de relier la réalité à cette prophétie.  

Suarès était un cultiste mystérieux - ses collègues professionnels savaient peu de choses sur lui : ancien médecin militaire en Amérique du Sud, érudit mythomane en Europe sous différentes identités, différents visages. Un homme fuyant.  

Et présent quelque part sur une base de données du FBI que l'agent Jérémy Wong (Daniel Erotas) enquêteur fédéral avait étudiée : Wong enquêtait initialement sur les relations troubles qui avaient amené le déchainement de violence de Smith d'il y a quelques semaines. Il avait découvert, avec les documents que le Central avait mis à sa disposition, l'attitude manipulatrice de Lawrence sur ses ex-collègues. La disparition bien réelle et assez incompréhensible de leurs cadavres avait permis de faire le lien avec d'autres affaires locales liées à une étrange filière de "récupérateurs" : des gens, dans cette ville, dérobaient des corps pour Dieu sait quelles expériences.  

Ces disparitions n'auraient eu que peu de conséquences sur une affaire passée si un point particulier ne l'avait fait tiquer : on cuisinait en ce moment assez violemment un homme de main, chômeur ancien garde du corps d'un producteur de TV local ruiné... dont la bonne femme au comportement assez étrange s'était radinée ici-même il y a une dizaine de jours et qu'il avait vue - lui-même sortant d'un ascenseur de service - pleurnicher en parlant au vide dans l'ex-bureau de Lawrence. Il avait pris ça pour du stress dans un premier temps, une sorte de coïncidence ténue qui liait la famille Teese à Sam Lawrence et Martin Smith.  

Mais il n'y avait jamais de coïncidence dans l'esprit de Wong, c'était son crédo (c'est pour cela qu'il avait réclamé cette enquête ici). Il espérait juste qu'à deux heures du matin, l'ex-sbire finirait par cracher quelque chose pour eux. Un nom.  

Clinique Cavendish. L'invisible Annie Pasco regardait avec anxiété la funeste cérémonie se dérouler dans la grande salle de réunion de l'établissement tandis que l'ensemble des malades dormait à poings fermés, inconscients des horreurs qui se tramaient en-dessous d'eux : ces deux spectres comme elle - Smith et Lawrence - désormais sans défense, sacrifieraient leur âme pour qu'elle puisse connaître la libération et s'échapper de ces murs, de cette enceinte.  

C'était le deal : elle était bloquée ici depuis plus de 50 ans et son aura faiblissait de jour en jour. Un matin, elle disparaîtrait totalement, son esprit damné à jamais. La survie de son âme dépendait du sacrifice "d'innocents" : elle qui en avait sauvé deux il y a si longtemps devait à présent en sacrifier deux ; c'était abominable elle le savait, mais 50 années avaient forgé sa résolution. Annie Pasco avait trouvé dans ces anciens flics pétris d'idéaux deux "volontaires" à sa cause.  

A ses côtés se tenait une belle femme habillée d'une robe noire (Sabrina Hare). Annie était la seule à La voir, même si elle évitait de croiser Son regard qui lui rappelait trop sa mère. L'Autre lui souriait : pour Annie la libération se rapprochait, pour Elle c'était une chance unique de récupérer quelques âmes (les deux flics)... et un consistant bonus d'une dizaine d'imbéciles qui l'invoquaient sans savoir ce qui les attendait. Suarès, en particulier - trop longtemps qu'il Lui échappait.  

En 1961, Pasco avait gâché la fête. Sauvé des vies, limité "l'accident". La gamine lui devait ces deux âmes. Au moins. Elle avait payé sa dette : Smith et Lawrence feraient bientôt partie des desseins de la Faucheuse (Elle avait prévu des choses pour eux). On ne baisait pas la Mort. Jamais. Même à Hole City. Cette 'cérémonie' pouvait être une sorte de chef-d'oeuvre, un drame tragique dont la presse se souviendrait durant des décennies - peut-être même des siècles.  

Tout le monde avait trompé tout le monde. Pour Son seul bénéfice.  

Elle savait que d'ici une demi-heure, l'agent du FBI débarquerait à Cavendish, toutes sirènes hurlantes. Que le stock d'armes accumulé par l'infirmière Janice Fleming à la demande de son patron finirait par servir à ces gens. Qu'une conduite de gaz fuyait au niveau de l'ancienne piscine - juste en dessous d'eux - depuis quelques jours et qu'une poche s'en était formée.  

Elle savait qu'une structure faite de briques et d'un acier de mauvaise qualité pouvait fondre dès 1 200°... Une Pluie d'Acier.  

Un chef-d'oeuvre on vous dit.  

(Script original, suite de Lost Shadows - S04E04 : Crucifixion : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=14791)  

Lost Shadows est une création Morcar Prod.