Qu'adviendrait-il de votre vie si vous appreniez un jour que vos croyances ne sont que la partie émergée de votre conscience ?  

C'est un carré (Vincent Horner) comme un autre au pays plat de Flatland, un carré fier de ses deux dimensions et de sa finition. Mais un carré inquiet par la découverte qu'il vient de faire…  

Dans le pays de Flatland, tout n'est que géométrie à zéro, une ou deux dimensions : qui vient remettre en cause le saint dogme géométrique est coupable de parjure à la création et punissable d'effacement. Flatland divisé en continent - Surface Land, Ligne Land, Point Land - vit très bien le particularisme de son univers.  

Notre carré est donc tranquille dans son milieu de carrés à Surface Land, pétri de certitudes mais avec quelque chose en plus : de la curiosité. Il ne croit pas en la finitude de l'univers malgré la pensée dominante. Il croit que l'on peut, que l'on doit, toujours continuer à creuser.  

Une attitude qui au mieux dérange, au pire effraye. Son amie, un cercle particulièrement sexy (Tara Alfhild) lui déconseille d'aller plus loin.  

"- Méfie-toi ! Tu vas finir par avoir des ennuis." Mais notre carré est un frondeur, un pour qui les conventions, pour souvent respectables, sont des oeillères à la science. Ce carré-là pense qu'un autre monde est possible, un monde plus vaste et qu'il finira par découvrir.  

Comme tous les carrés, il aime l'organisation, la rationalisation - mais à la différence de ses pairs, il commence à afficher une farouche individualité. Ajoutons que la platitude de sa vie commence à sérieusement aliéner son comportement social, si bien qu'il risque d'être exclu du cercle de ses connaissances. Les autres - ils ne comprennent pas son indépendance, sa liberté de penser.  

Une fois revenu chez lui, il travaille, travaille à de nouveaux concepts, essaye d'arrondir les angles du dogme (sans que lui-même ne devienne un cercle). Au moment où il envisage l'existence - impie - d'une troisième dimension, une dimension qui compléterait également les deux autres et les rendrait plus forts, plus complets, plus complexes et plus intelligents, il se dit qu'il tient quelque chose de consistant : il découvre la science des volumes, un véritable Espace Land !  

Au moment où l'idée jaillit de son esprit, une sphère parfaite et parfaitement lisse (Trudie Larson) apparaît en face de lui. Ce qui est impossible se dit-il, nous vivons dans un monde à deux dimensions, pas trois. "A moins que l'on nous ait trompés" depuis le début et que ce monde, finalement, ne renferme bien des choses plus complexes et invisibles à l'oeil nu et aux intelligences non éveillées ?  

C'est quand la sphère commence à lui parler qu'il passe de la perplexité à l'inquiétude.  

"- Penses-tu que ceux qui te dirigent quotidiennement à tes tâches répétitives accepterons ta découverte ?  

- Es-tu ma conscience ?  

- Qu'importe qui je suis, ne penses-tu pas que l'endroit d'où je viens n'a pas connu la barbarie de ta pauvre dimension si limitée ? Penser qu'il n'y aurait que trois dimensions, pfff…  

- Tu veux dire que… Ce ne serait que le début ?"  

L'émotion est trop forte pour le pauvre carré, il défaille. La sphère disparaît.  

Le lendemain, il se réveille avec une gueule de bois… et une partie de sa surface non-plane ! Il est en train de prendre du volume. Il informe aussitôt son amie le cercle qu'il ne pourra pas venir travailler ce jour.  

"- Tu as encore essayé de faire bouger les lignes ?  

- On peut dire ça comme ça."  

Il repense à la sphère. Qu'adviendra-t'il de lui si l'on découvre qu'il est en train de devenir autre chose ? Serait-il toléré - ou chassé ? Chassé probablement : ses pairs sont trop carrés et trop intolérants.  

Et pourtant, que de merveilles leur cachait-on ? Ce qu'avait dit la sphère au sujet de son propre peuple : fallait-il que chaque civilisation passe par la barbarie et l'obscurantisme avant de s'ouvrir à la connaissance ? Elle-même n'avait-t'elle pas avancé qu'il existait une vie au-delà de la troisième dimension ?  

Devait-il prévenir les autorités, sachant qu'il ne pourrait cacher bien longtemps son nouvel état, sa contamination par le savoir ?  

(Script original, adaptation de Flatland de Edwin A. Abbott, 1884)  

Télécharger le roman en Français et gratuitement (domaine public) : http://www.ebooksgratuits.com/pdf/abbot_flatland.pdf  

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NB qui a son importance : j'ai découvert en écrivant ce texte que deux films - sortis in real life comme on dit - existaient déjà de cet ouvrage, et produits tous les deux en 2007. Ce script ne semble pas présenter de ressemblances avec eux. Si les joueurs souhaitent sanctionner ("plagiat honteux, bouuuuuh !") ou s'abstenir de voter, qu'ils le fassent sans arrière-pensée.  

Pour les curieux : http://www.flatlandthefilm.com/