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Le Voleur de Prose

Jamais Je (Chuck Beck) ne fais attention à la manière dont j'écris mes lettres ou mes rapports destinés à mon supérieur. Je n'écris pas particulièrement bien et je n'attache à ma graphie qu'une médiocre attention. Pourtant, il y a bien dix ans de cela, je fus sujet à d'étranges faits.  

 

Alors que je rentrais de l'usine où je travaillais comme contremaitre, je trouvai dans ma boîte aux lettres, une grande enveloppe de papier blanc. Elle devait contenir de la publicité pour je ne sais quel vendeur de tondeuse à gazon ou autre supermarché, mais au lieu d'une prospectus en papier glacé, elle contenait une lettre... Il y était marqué que j'avais été sélectionné parmi tout les utilisateurs du papier à imprimante, je n'avais pas d'imprimante, mon petit salaire ne me le permettait pas. La lettre se finissait par une petite phrase toute bête : "À Bientôt dans nos papeteries La Vallée©. En la lisant, j'imaginais la petite vendeuse la petite vendeuse à la sortie du magasin qui arborait un sourire niais et hypocrite en mâchant ostensiblement un chewing-gum fraise-pastèque.  

 

J'avais complètement oublié la lettre quand, deux semaines plus tard, je reçu un colis. Il contenait un petit écrin recouvert de cuir synthétique rouge qui protégeait un stylo-plume. Et quel stylo-plume ! Il avait une coque en bois polie et vernie. Sa plume était d'une finesse exquise et se finissait en une pointe infiniment petite. À côté, mon stylo Vaterman de collection qui avait pourtant valu une certaine somme à l'ami qui me l'avait offert paraissait d'un vulgaire morceau de plastique auquel on avait attaché une plume...  

 

 

Au début, je ne m'en servis pas de peur de l'abîmer. Je le laissais dans son écrin et ne le sortais que pour le contempler. Je le trouvais tellement beau que j'avais oublié d'enlever la petite carte où il était griffonné "À Bientôt dans nos papeteries La Vallée©. Ce ne fut qu'après une semaine que je me résolu à m'en servir. Avec ce stylo, ma graphie était parfaite. La plume glissait sans le moindre bruit ni accroc sur le papier. Le simple fait d'écrire ou de former des lignes, même dénués de sens, me grisait. Ainsi, pendant peut-être trois heures, je dessinais des formes biscornues et insolites sans la moindre espèce de sens. Ce soir là, je m'endormis paisiblement sur mon bureau, le stylo miraculeux à la main. Le lendemain, je me réveillais affalé sur le petit bureau. Le stylo, m'avais glissé des doigts et était tombé sur les feuilles que j'avais barbouillées de dessin la veille au soir. Je le ramassai et le remis dans son écrin. Le bureau était au summum du désordre ; les feuilles que j'avais maculées d'encre se mêlaient aux relevés de compte et aux factures. J'entrepris de classer le tout mais, quand je saisis une une des feuilles barbouillés, mon cœur faillit s'arrêter. Au lieu des courbes et des boucles auxquelles je m'attendais, je trouvais des mots, organisés en phrases et rangés en lignes. Il y avait, là où il y aurait dû y avoir des gribouillis, un texte ! Ah, si j'avais, sans les regarder, jetés ces stupides papiers, toute cette abominable histoire ne se serait jamais produite. Ce texte était une nouvelle, une nouvelle policière. Et ce n'était pas une nouvelle qui avait été écrite par un de ces romanciers de gare, c'était un texte d'une grand beauté. L'œuvre commençait doucement et d'un coup, l'intensité augmentait. La ponctuation donnait la pulsation et les adjectifs, les nuances de cette symphonie de mots. À la fin du texte, le suspense était maintenu jusqu'à la dernière ligne où la chute, point d'orgue final du morceau, vous coupait le souffle tant elle était surprenante.  

 

D'où venait ce texte ? Était-ce moi qui, inconsciemment, l'avais écrit ? C''était tout simplement impossible. Les feuilles devaient venir d'une des fenêtres (il est vrai que parfois, pendant l'été, une petite brise ramène des journaux ou des paquets de chips éventrés. La veille, il y avait eu du vent et la fenêtre de la cuisine, celle qui donne sur la route, était ouverte. Mais, si cette hypothèse s'avérait vrai, où étaient passées les feuilles de la veille ? Elle s'étaient volatilisées.  

 

Plusieurs jours passèrent sans que je me serve du stylo, il me faisait trop peur. Après trois semaines, je me décidais d'envoyer le texte à une maison d'édition. J'en choisis une peu connue pour ne pas attirer l'attention. Je m'inventai un pseudonyme, pour les mêmes raisons. Le lundi suivant, je reçus une lettre manuscrite de l'éditrice (Carri Goldsmith). Elle disait qu'elle avait adoré ma nouvelle, que ce texte l'avait marquée comme aucun autre ne l'avait fait. Elle acceptait de publier ma chronique.  

 

J'appris quelques mois plus tard à manier le stylo ; À présent, je savais que certaines courbes pouvaient donner des rebondissements inattendus dans une nouvelle ou que, si j'ondulais ma plume à un rythme répétitif, j'obtenais une délicate histoire d'amour. Outre le genre, mes textes n'avaient que des points communs. Ils étaient tous d'une incroyable beauté, faciles à lire, cohérents, en un mot, ils étaient parfaits. Trois mois plus tard, j'avais créé assez de nouvelles pour en faire un recueil.  

 

Mon premier livre parut. Cette nouvelle aurait dû me combler de joie mais, au lieu de cela, j'éprouvai un terrible remord. Je n'avais pourtant rien fait de mal. En fait, j'avais la vague impression d'avoir volé quelque chose. Ce n'était pas un délit évident, mais plutôt un subtil pressentiment ; j'étais, au plus profond de moi, persuadé d'avoir volé les textes qui venaient de paraître....  

 

À sa sortie, personne ne parlait du recueil mais peu à peu, il progressa sur la liste des romans les plus appréciés du moment. Le bouche à oreilles avait un incroyable pouvoir. Les ventes de ce livre augmentèrent de plus de cinquante pour cent en un mois. Après deux mois, j'étais devenu le phénomène médiatique du moment. Les admirateurs de mon livre réclamaient des rencontres avec son auteur. C'est alors que la "traque de Mister Mystère" comme m'appelaient les journaux, commença. Plusieurs personnes prétendaient être l'incroyable auteur de ces fantastiques nouvelles, et tous les soirs, au journal télévisé, un "Mister Mystère" était invité. La vue de tous ces imposteurs à la télévision ne m'inquiétait point, mieux, elle m'amusait.  

 

L'argent m'avait transformé, j'étais devenu un homme sans scrupule qui haïssait les ouvriers au visage durci par les conditions de travail, semblables à moi un an plus tôt.  

 

Les premiers faits étranges se déroulèrent après la parution de mon nouveau roman fantastique ; un écrivain avait été cambriolé mais aucun objet de valeur n'avait été dérobé. D'après la victime, il n'y avait que le manuscrit d'un roman qu'il allait soumettre à sa maison d'édition. Cependant, ce manuscrit était ce qu'il y avait de plus cher à ses yeux, il assurait que si ce roman avait paru, il aurait été considéré comme un chef d'œuvre. Après cet évènement il avait arrêté d'écrire et était tombé dans une dépression qui l'avait anéanti. Le plus étrange se produisit deux mois après le vol du romancier ; on le retrouvait mort d'une crise cardiaque, mon livre à la main.... Mes plus grand admirateurs assuraient sous les caméras que la beauté de mes texte l'avait tué mais j'avais une toute interprétation. Je savais à présent d'où venaient tous "mes" textes. Le malheureux romancier avait été tué par mon livre ! Il était mort en reconnaissant ses écrits, ceux qui avaient disparus deux mois plus tôt.  

 

Un immense sentiment de culpabilité m'envahit, j'avais volé et profité des chefs d'œuvres de cet homme? J'avais causé sa mort alors que ces écrits me faisaient vivre....  

 

Mais maintenant que cet homme était mort, où le damné stylo allait-il puiser ses textes ? Peut-être ne fonctionnait-il déjà plus. Je courus vers mon bureau, pris le stylo et griffonnai quelques lignes sur un coin de mon cahier. Aussitôt, les lignes se réorganisèrent pour former l'incipit d'un roman d'aventure. Rassuré, je continuais l'intrigue pour créer un nouveau livre, en sachant parfaitement qu'à ce moment là, un cambriolage avait lieu chez un écrivain. Cela ne me terrifiait même pas. l'idée de commettre un crime tranquillement assis dans mon fauteuil en cuir devenait même plaisante.  

 

Le lendemain, tout les journaux parlaient d'un vol inexplicable qui s'était produit dans la grande villa d'un auteur très populaire. Quand je lus cet article, j'éclatai d'un rire sardonique. Dans deux mois, le livre serait publié et son véritable auteur pourrai encore une fois y succomber.  

 

J'avais vu juste, deux mois plus tard on conduisit le romancier à l'hôpital. Il était tombé dans un léger évanouissement. Et bien sûr, mon livre se trouvait à ses côtés au moment où il avait perdu connaissance. Quand il s'était réveillé quelques heures plus tard en hurlant mon pseudonyme, les médias interprétèrent cela comme une forme de schizophrénie passagère. Il fut d'ailleurs interroger dans une section psychiatrique de l'hôpital. Mais sa folie perdurait. Au journal de vingt heure, on ne parlait plus que de ça.  

 

Quelques jours plus tard, alors que je promenai en ville, un homme s'avança vers moi.  

-"C'est lui ! C'est lui le voleur ! Avoue-le, tu me les a volés ! Mes manuscrits, où sont-ils ? Rends-les moi !" hurlait cet homme. En fait, il ne m'était pas totalement inconnu, c'était l'homme à qui j'avais volé un roman. Mais comment m'avait-il reconnu ? Personne ne connaissait ma véritable identité. C'était comme si le diable me demandais de payer mes dettes. Rapidement, des policiers arrivèrent sur les lieux et prirent l'écrivain par le bras pendant qu'il continuait de me montrer du doigt en hurlant mon pseudonyme à la foule.  

 

Ce stylo ne faisait que m'anéantir. Il fallait que je disparaisse avant qu'un passant particulièrement sagace fasse le rapprochement.  

Je pris mes jambes à mon cou jusqu'à mon appartement. Arrivé chez, moi, je tentais en vain de briser le stylo en le jetant dans un feu incandescent, en le tordant mais que faire, il résistait. Comment faire pour rompre ce rêve devenu cauchemar ? Il fallait détruire le porte-plume avant que la tentation de publier un nouveau chef d'œuvre ne me reprenne...

Scénario : (2 commentaires)
une série Z dramatique (Fantastique) de Sandrine McClean

Chuck Beck

Carrie Goldsmith
Musique par Barclay Buffett
Sorti le 12 juillet 2019 (Semaine 758)
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