Interdit aux moins de 16 ans  

Durée : 1h58  

Il roule trop vite, mais l'air froid qui glisse contre son visage lui fait du bien, certainement lui fait-il comprendre qu’il est toujours en vie. Il ne peut s'empêcher de pousser de longs soupirs, se faufilant entre les voitures avec son scooter cabossé, menaçant à chaque seconde de perdre un des ses éléments. Il faudrait être fou de toute façon pour rouler avec un scooter flambant neuf dans Marseille, au bout de quelques jours, il n'en aurait pas resté grand chose... Le problème n'est pas là, il n'a pas le fric pour se le payer et puis c'est tout. Il a 23 ans et vit toujours chez sa mère, et il est en école de journalisme. Son prénom ? Kyle, oui Kyle... A sa naissance, sa mère qui s'est retrouvé seule avec un marmot qui ne faisait que brailler à du péter les plombs, et sous cachets, l'a gentiment appelé Norbert. Comment voulez vous qu’il trace son chemin avec un nom qui rappelle un nom de chien... Il a décidé de ne pas le porter même s’il le mérite certainement. Kyle n’est pas issu d'une famille aisée, bien au contraire, sa mère travaille dans un restaurant miteux de la Rue Curiol, ou sa principale clientèle sont de pauvres prostituées androgynes, mi-connes, mi-hommes...  

Kyle est en perpétuel conflit avec elle, il pense que depuis quelques années ils ne sont plus sur la même longueur d'ondes, comment le pourrait-il, quand elle lui raconte qu'elle s'épanouie dans son travail et qu'il lui plait. La vérité, c'est que son patron, qui trempe dans des affaires plus que douteuses, la saute dans la cuisine quand elle à besoin d'une petite rallonge pour finir le mois.Quand il dit qu’il n’est pas issu d'une famille aisée, il devrait plutôt dire qu’il n’est issu d'aucune famille... Peut être est-ce mieux comme ça...  

Kyle a une chambre au dernier étage de l'appartement ou il vit avec sa mère, l'endroit ou il peut rester des jours entiers enfermé sans voir le temps qui passe. Même s’il n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche, Kyle soigne plus que tout son look : Vu les études qu’il mène, il n’a pas le droit d'arriver comme une merde, assis entre son camarade de classe, Hubert dont le père est rédacteur chez France 3, et entre Philippe fils du directeur du centre des impôts. Dans cette classe, les phrases se terminent toujours la bouche en cul de poule, tandis que Kyle pense aux culs de ses prochaines virées nocturnes... Ses cheveux sont déstructurés, tantôt blonds tantôt bruns... face à toutes "ces raies au milieu" il faut dire qu’il ne passe pas inaperçu. Sa réputation à la fac n'est plus à faire, on lui a faite parce qu’il provoque et qu’il est différent. Il ne porte pas la cravate ni le costume, et souvent on le regarde arriver le regard en coin, insistants ou envieux… Kyle s’en contre fou, à vrai dire c'est le but recherché et ça le fait limite bander.  

Pour se payer de quoi faire parler de lui et financer ses fringues hors de prix, Kyle bosse dans une boite de nuit les week-ends, proche du restaurant de sa mère. C'est une des plus grosses boite gay de Marseille, ou beaucoup de monde passe. La démarche est simple, être souriant avec la clientèle et ne pas hésiter à mettre en valeur sa plastique. Quand au boss, il suffit de lui faire croire que c'est le job de sa vie, et que pour rien au monde il n’oserait le lâcher… Pauvre con, quarante ans, "plein aux as" certes, mais aussi ringard que sa dernière paire de pompes. Il ne se rend même pas compte que toute la petite troupe qui s'agglutine autour de lui chaque soir est une bande de mouches à merde prêtes à bouffer son cadavre dès qu'il ne respirera plus. C'est comme ça que ça marche ici, on se côtoie tous de près ou de loin, on à l'impression de faire partie de la grande famille... on devrait plutôt dire que c'est une sacrée famille de tatas, mais Kyle est bien obligé de jouer le jeu. Les consommations au bar ne se vendent plus comme avant, il a beau porter une paire de Dolce et Gabbana en guise de serre tête, aucun des clients n'a plus de fric en poche qu'une pute à de clients sexy. Alors il lui faut jouer de mille artifices, tantôt vilain garçon prêt à vous mettre une bonne fessée avant de vous retourner contre la porte des chiottes, tantôt gentille salope, prête à ouvrir tout ce qu’il peut pour vous faire plaisir, maître ! Il faut s'adapter à la clientèle, tel un commercial tout terrain, prêt à vendre sa panoplie de casseroles, coûte que coûte... Kyle méprise tous ces gens, parfois il rêve qu’il fait sauter cette boite de sardines dans un tonnerre de feu et de sang, mais il n’est ni dans un film ni au journal télévisé, alors le reviens à la réalité. Trouble réalité.  

Parmi la foule sur la piste de danse et tandis que quelques rails se dessinent discrètement au détour d'une table, des corps à demi morts se désarticulent sur les podiums, t-shirt à strass et chorégraphies vous incitent à venir faire l'amour sans retenue... La fashion-victim est déjà "has-been", ce qu'il faut maintenant pour être vu c'est du "Sex-addict", peut importe si un doigt se perd dans votre bouche pendant que vous mimez une sodomie profonde avec votre meilleur ami contre la cabine du Dj, ce qui compte c'est d'attirer de nouveaux participants pour le casting de votre nuit. Au détour du bar, l'ambiance semble plus class, de beaux garçons en chemises entrouvertes accoudés au comptoir vous lancent des sourires électriques... de grands et beaux "seigneurs" qui ne vous approcherons pas et se contenteront de vous percez du regard chaudement... Pendant que vous serez pris dans une fusillade de regards insistants au bar, titubant entre les corps imposants pour aller chercher une dernière Bière, avant une prochaine "dernière des dernières" d'autres, déjà dans un plus sale état que vous, se seront perdus au fin fond d'un couloir obscur, le regard vide. Dévêtus et à quatre pattes, ils rencontreront les "seigneurs" que vous avez croisé au bar... et qui cette fois ci, ne se contenteront pas de les percer du regard. Ils ne prendront pas la peine d'utiliser une capote pour baiser une sale chienne ivre. Dans le noir, faire bonne impression est inutile.  

La musique s'enchaîne toujours plus forte couvrant le peu de discussion que vous essayer d'aborder autour d'un verre, avec ce garçon que vous ne connaissez pas, et qu'au final vous ne connaîtrez pas plus que ça... Les pulsations de votre cœur augmenteront petit à petit sur le rythme saccadé du DJ à moitié camé.  

Certain glissent au sous sol, sur les derniers orgasmes inconscients. L'odeur acre de cet amour à la chaîne à donné la nausée à plus d'un, et l'on retrouvera les plus cinglés d'entre vous y pataugeant encore dedans, s'endormant sur les cris des derniers aventuriers en quête d'extrême.  

Il est temps pour Kyle d'enchainer quelques pas sur la piste de danse, le débardeur retroussé derrière le cou, et de sentir toutes ces petites mains moites venir se poser sur lui... Un mélange ou l'alcool trop puissant l'assourdit... sa langue s'acharne contre les leurs et l'emmène sur les chemins glissants du plaisir…  

L'odeur de la luxure monte d'un cran, le grand marché va bientôt fermer ses portes. Vous vivrez le lendemain comme un levé sans soleil parce que vous n'aurez pas gagné grand chose... seulement quelques bleus au cœur, ou ailleurs...