Abby Ashford (Isabel Martinez) est chef de projet chez un développeur de jeux vidéos. Elle dirige à ce titre leur studio à Bombay.

Dans un pays où le droit d'auteur est quotidiennement bafoué par des revendeurs à la sauvette de musique ou de films, elle n'est pas étonnée de voir tourner régulièrement des copies pirates de films ou des DivX sur les serveurs de l'entreprise dont elle a la charge. Avec des journées de travail de douze heures, ses équipes ont bien le droit de se distraire de temps à autre.
C'est sûr, si le siège de Camberra apprenait ça, elle ne donnerait pas cher de son matricule. Mais enfin, tant qu'ils bossent, et bien, aucune raison qu'on vienne lui chercher les poux dans sa tête...

Un soir, Imin, un de ses développeurs orienté objet lui propose un CD-R avec le dernier épisode de la série "Spade". Elle lui répond gentiment qu'elle n'est pas super friande des films d'action. Elle se laisse néanmoins convaincre par la présence sur la galette du film de fantasy, "L'Empire de Shun". Une bonne soirée en perspective. Le tout rippé en DivX de moyenne qualité avec, ajoute Imin, un "Bollywood"-movie en prime.
Bon. De quoi combattre ses insomnies efficacement se dit-elle.

Dans la soirée du lendemain, elle decide de jeter un oeil sur le CD. 5 fichiers sur 650 Mo : 3 films, 1 fichier de bandes-annonces diverses repiquées sur le net et le cinquième fichier que son lecteur semble avoir du mal à décrypter. Problème de codec, peut-être.
01:30 du matin... Elle a décroché sur le Bollywood - elle a décidément du mal avec le cinoche du crû... Elle émerge doucement du sommeil devant l'explorateur de fichier de son ordinateur.
Ah oui, le dernier fichier : ce problème de codec.
Elle prend le document et le fait glisser sur son bureau, sort le CD et le range dans son boitier : elle n'aime pas garder les affaires des autres trop longtemps.
Elle revient devant son ordinateur, de plus en plus intriguée : pas de suffixe, 12Mo, une date de création qui affiche "11 décembre 1995" : ça pourrait être tout et n'importe quoi.

Tous ses lecteurs et logiciels refusant de lire le format décidément hétéroclite du fichier, elle décide d'appliquer une stratégie de "reverse engineering". Si le fichier n'est pas "lisible" mais qu'il apparaît sur son bureau, c'est que le code est reconnu a-minima par le système : elle va donc, tout simplement, le hacker.
"- On va voir ce que tu as dans le ventre, petit."

Quelques heures plus tard, on la retrouve avec des cernes de plus, shootée au thé ("penser à en racheter") et satisfaite. Il y a bien une vidéo, en plus d'un tas de fichiers annexes, temporaires ou peut-être issus de l'ordinateur sur lequel le fichier a été dupliqué et gravé pour la première fois...
"Voyons ce qui m'a donc fait suer." Elle clique sur l'icône.

Sur une fenêtre de la taille d'un timbre-poste apparaît un homme. Un arabe, la quarantaine (?) en djellabah, la barbe bien entretenue et des lunettes en demi-lune posées sur un front qui commence à se dégarnir. Visiblement, il se filme à distance par une caméra sur pied. Il est assis devant une table sur laquelle il (?) a posé un fatras de manuscrits, parchemins, dessins, photos (?). L'image est de mauvaise qualité et le son pourri - pour le dire poliment. C'est du multimédia d'avant-guerre. D'ailleurs, l'image n'est pas numérique, on l'a forcément transférée sur un support digital plus tard.
L'homme commence a réciter une étrange litanie : peut-être une psalmodie... Ca ne ressemble à rien de connu et n'a aucune des caractéristiques du chant religieux traditionnel arabe. Curieux.
Abby passe en accéléré le reste de la vidéo. Visiblement, il continue à réciter. La modification de vitesse laisse apercevoir de manière flagrante qu'il est en train de s'exciter de plus en plus. Abby commence à ressentir un certain malaise.
Arrivée aux dernières secondes du film, elle remet la lecture en mode normal.
L'homme sort un poignard courbe de sa robe et s'égorge avec.
Fin de l'enregistrement. Un bruit blanc sur une demi-seconde et c'est fini.
14mn30.

Abby reste interdite devant son écran.
Elle part se coucher livide.
Elle est la première arrivée au bureau, dès les premières lueurs du jour.
Elle attend Imin.
Qui ne vient pas travailler.

(Script original)