Tous ses hommes gisaient morts dans un fossé, en un amoncellement malodorant de cadavres sanglants qu'on recouvrait à présent de chaux. Patrick se tenait là immobile, sans une larme, à regarder faire les opérations de nettoyage. Son bataillon avait fait un vrai carnage aujourd'hui. Deux villages entièrement brûlés et une compagnie adverse anéantie lors d'une embuscade ambitieuse. De quoi leur valoir à tous à la fois la médaille d'honneur et la peine capitale. Mais Patrick ne pensait pas aux conséquences de cette journée qu'il avait anticipé et crainte depuis deux années entières. Il n'avait en tête que les cris atroces des femmes et des enfants qui brûlaient, puis des soldats inexpérimentés qui mouraient par dizaines sous les coups de ses hommes. Ses hommes, qui tous étaient finalement morts dans la bataille. Tailladés, transpercés, amputés, décapités... La cavalerie était arrivée bien en retard sur place, seulement pour y trouver des corps sans vie et un Patrick McCreary blessé à la tête, inconscient, la face contre la boue, une lame barbare à portée de main.  

L'enterrement de fortune achevé, au cours duquel un prêtre n'avait cessé de réciter des paroles obscures sur la destinée des âmes courageuses et des âmes perverses, le commandant de la cavalerie offrit sa monture à Patrick pour le chemin du retour. Il s'agissait d'un grand honneur pour un soldat d'infanterie. On reconnaissait par ce geste son héroïsme et sa valeur supérieure parmi les hommes de son rang qui servaient les dessins de l'Empire. Patrick ignorait cependant qu'une fois à destination, au campement de la Troisième de Cavalerie, on abattrait sous lui son destrier, souillé de l'avoir porté, avant de le trainer sans ménagement dans un cul de basse-fosse d'où il ne sortirait pas avant un an.  

Et c'est exactement ce que l'on fit.  

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Patrick McCreary avait été diagnostiqué du syndrome de la folie. Désormais aveugle, il passait le plus clair de son temps à hurler des insanités à l'adresse de l'ancien Dieu qui l'avait supposément abandonné et trahi. Il lui imputait la responsabilité de la mort de sa femme et de ses deux enfants à naître, la mort de ses hommes d'arme, la mort de sa mère, de son père et de tous ceux qui avaient eu le malheur un jour de le côtoyer. Son cas était irrécupérable selon les spécialistes de l'école de médecine et selon les membres éminents du Clergé. Une commission d'enquête avait été instaurée pour déterminer de quelle façon un adepte du culte hérétique du Christ avait pu s'infiltrer dans l'infanterie impériale en dépit de toutes les barrières administratives en place. Le cas Patrick McCreary soulevait des questions auxquelles il n'était pas aisé de trouver des réponses toutes faites. Le Haut Conseil était embarrassé et le Bas-Peuple réclamait du sang d'Infidèle.  

On décida après quinze mois que le commandant McCreary de la Quinzième d'Infanterie serait éviscéré en bonne et due forme sur le parvis de justice du Temple Impérial, devant des représentants du Haut-Conseil, du Clergé, de l'Armée et du Bas-Peuple. On l'accusait de folie et d'hérésie, en plus des charges de crime de guerre, de haute trahison, de meurtre et d'abus de pouvoir.  

Après plus d'un an passé dans la noirceur la plus profonde, à manger des rats et à subir les séances journalières de torture, Patrick avait été tout disposé à reconnaitre les crimes qu'on lui imputait, surtout qu'ils n'étaient pas faux. Il avait bel et bien ordonné la destruction de deux villages barbares, pourtant sous la protection de l'Empire. Cela faisait partie de l'Opération. Au départ, il le croyait. On le lui avait dit de source sure. Puis à mesure qu'on le torturait, il s'était mis à douter. N'avait-il pas lui-même voulu massacrer ces créatures impies, davantage pour ce qu'ils étaient que pour ce qu'ils représentaient dans la stratégie militaire ? L'esprit malade de McCreary ne savait plus faire la différence entre sa propre volonté et celle qu'on lui avait inculquée à l'académie.  

Suivre la parole de l'Empereur ou suivre son coeur et sa tête ? Les deux étaient-ils vraiment incompatible ? Patrick l'ignorait. Il détestait maintenant le système qui l'avait mis dans cette position où il se sentait trahi. Trahi par son dieu et trahi par le régime.  

Il avait massacré femmes et enfants sur ordre, avec promesse d'amnistie, et voilà qu'on l'emmenait sur le parvis de justice pour y être exécuté au nom de l'Empire. Patrick McCreary avait désormais des envies de meurtre. Ses bourreaux et les spectateurs présents ignoraient qu'en cet homme bouillait une rage plus puissante que toutes les armées de l'Empire, et qu'il avait la force et la volonté de renverser à lui seul ce régime de mensonge et de trahison.  

C'est pourtant exactement ce qu'il entreprit ce jour-là.  

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Patrick McCreary - Dylan Lee  

* Tous les autres rôles sont interprétés par des acteurs amateurs de Gérardmerveille.