Clifford DeMoore (Ronald Hand) venait d'achever son discours à la tribune des Nations-Unies, à New-York. En face de lui, les représentants du monde entier commencaient à bruisser : est-ce que les traducteurs s'étaient plantés, avaient-ils mal interprété ce que cet ex-Docteur en physique spatiale et astronaute venait de leur expliquer ?  

A la tribune, "Cliff" n'était pas peu fier de son effet : revêtu du costume d'énergie pure qu'il s'était créé, il venait d'asséner à l'assistance une terrible information : puisque les humains étaient incapables de protéger leur planète, il pourvoirait à cette tâche. A commencer par la déforestation de l'Amazonie, qu'il annonçait vouloir arrêter séance tenante. Peu lui importait les impératifs économiques des pays concernés, il s'agissait d'une question de survie pour l'humanité. N'était-il pas un enfant de la Terre que des rayons cosmiques avaient profondément transformé ? Peu lui importait le concept de nations : il était désormais apatride à ses yeux, citoyen du monde...  

Le Gardien : un titre qu'il s'était donné en tant qu'individu doté des pouvoirs d'un Dieu et nanti d'une mission et d'une destinée.  

A l'extérieur du bâtiment officiel, la Police Militaire avait bien du mal à contenir la ferveur fanatique de milliers de fans venus applaudir leur héros. La retransmission du discours s'était faite en Mondovision - à travers le globe, des millions de citoyens lui vouaient un culte : pour eux, il était le Fils de Dieu revenu parmi les siens.  

Mais depuis que le gouvernement Américain a été obligé de reconnaitre son existence (C. deMoore avait "officiellement" disparu avec les passagers d'une navette spatiale perdue*), les relations se sont brusquement tendues avec la Chine et la Russie : quoi, les américains disposaient d'une arme secrète - qui en plus échapperait à leur contrôle ? Impensable. Chacun, de son côté, avait annoncé que le moindre survol de leur pays par ce surhomme serait assimilé à un acte de guerre.  

Encore ivre de son pouvoir nouveau, DeMoore n'en avait cure : il réglerait le contentieux nucléaire plus tard. Il avait bien assez de temps devant lui : il avait aussi arrêté de vieillir.  

A Washington, devant son petit poste de télévision, Brad LaFleur* (Daryl Emerson) n'avait pas perdu une miette du discours de son ami. Brad avait aidé Cliff il y a bientôt deux ans quand celui-ci s'était enfui de la base militaire où les Services Secrets avaient cru qu'ils pourraient le retenir. Il leur avait échappé, à moitié amnésique après le crash de la navette et l'effet des rayons sur lui. Les mecs avaient envoyé des mutants doués de pouvoirs "psi" à sa recherche et fini par l'armée et leurs prototypes de "mékadroïdes" pour tenter d'arrêter ce pauvre Cliff : ça avait été un sacré bordel dans le centre-ville, un "punch-out" qui avait fait le tour du monde à l'époque. Comme au cinéma.  

On avait traité Cliff - ou ce qu'il était devenu - de "terroriste" : n'importe quoi - ce "Gardien", comme il se faisait désormais appeler, était un gars à la recherche d'une Vérité sur l'Homme. Il voulait voir le meilleur en lui et pensait qu'il était temps de le mettre en face de ses responsabilités. Brad avait eu un peu peur de ce discours : Cliff avait l'air tellement sûr de lui… et puis le jeune noir s'était rappelé qu'il avait lutté pour les droits civiques il n'y a pas si longtemps. A l'époque, lui aussi avait été maltraité.  

Aujourd'hui, ça recommençait, mais sur une échelle globale. Ah, c'est sûr, voir débarquer un surhomme à la tablée de l'ONU n'était pas chose courante. Le Gardien faisait peur. La CIA avait demandé à Brad de se tenir à leur service en cas de problèmes psychologiques aggravés de son ami. Finalement, avec ces "rayons de l'espace" dont Cliff lui-même ignoraient l'origine, on ne savait trop à quoi s'en tenir.  

Mais le discours de son pote l'avait bien fait marrer : il jetait un caillou dans la mare. Ca allait être fun.  

"- Il a complètement pété les plombs !"  

Maison Blanche, à quelques kilomètres de chez Brad, dans le bureau ovale.  

Le nouveau Président des Etats-Unis, Richard Christchurch (Mickael Glau) avait également suivi la retransmission du discours de DeMoore. Il était comme les journalistes à se perdre en conjectures. A la différence qu'autour de lui, les membres les plus éminents de la plus puissante armée du monde se tenaient au garde-à-vous.  

Cet abruti costumé était en train de mettre les USA en porte-à-faux : ils avaient caché l'existence d'un surhomme qui maintenant se voyait comme le Christ, donnait des leçons de morale et avait le pouvoir de botter le cul de n'importe quelle armée. Et prétendait sauver la rainforest ? L'ancien locataire ici-même avait essayé de dissimuler le scandale, puis de l'éliminer par tous les moyens : ils avaient menacé ses amis, sa femme, envoyé contre lui leurs meilleurs agent. Non, ça n'avait servi à rien.  

Cliff deMoore, touché par les Rayons Cosmiques (et ils venaient d'où, ces rayons, bordel ? La NASA avait été infoutue de le lui dire) et la "Grâce", devenu Gardien d'on ne savait quoi, se voyait investi d'une mission. Mais en attendant, deMoore était toujours citoyen US - même si lui se voyait autrement. Un casse-tête diplomatique : lui retirer sa nationalité serait inédit (mais la situation n'était-elle déjà pas assez inédite comme cela ?) et risquait d'attirer les propositions d'autres états à son encontre…  

Rien de connu ne pouvait arrêter ça - il leur fallait penser différemment, outside the box.  

Un des généraux profita de cette réflexion de son patron pour l'entreprendre avec beaucoup de diplomatie : l'armée avait peut-être une explication pour les rayons qui avaient transformé Cliff en demi-Dieu. Et il se pouvait bien qu'il ne s'agisse pas de rayons cosmiques "naturels"…  

Christchurch resta interdit quelques instants durant lesquels on aurait entendu voleter une mouche. Il reprit sa respiration et empêcha sa main droite de trembler.  

"- Et c'est maintenant qu'on me le dit… ?"  

Quelques toussotements dans l'assistance furent suivis par l'entrée d'une jeune femme (Gaëlle Wilson) dans la pièce. Vêtue au grade de colonel mais ses yeux d'un blanc laiteux et son derme bleuté trahissaient une origine peu commune. Elle passa devant la rangée de militaires, pas du tout surpris de sa présence ni de son physique. Certains baissaient même la tête, visiblement intimidés par l'extraordinaire charisme qui se dégageait d'elle.  

"- Mais qu'est-ce que c'est que ç… ?" La jeune femme ne laissa pas le 1er citoyen terminer sa phrase. Quoique s'exprimant dans un anglais parfait, son accent était indéfinissable.  

"- Monsieur le Président, avec tout mon respect, ce qui se joue ici avec l'apparition du Gardien dépasse de loin la simple question diplomatique. C'est de la race humaine et de son avenir dont nous parlons."  

Christchurch était repassé de la surprise à une très grande gravité teintée d'inquiétude - il plissa les yeux :  

"- Vous avez quelque chose à voir là-dedans ?  

- C'est une longue histoire, mais si nous voulons préserver l'humanité des menaces qui l'attendent, ce n'est pas UN gardien qu'il nous faut, mais une équipe en ordre de bataille."  

Paraguay, région du Chaco Seco, quelques jours auparavant.  

L'anthropologue Bernard Fulner (Denny Baxter) n'était pas si éloigné que cela des préoccupations du Gardien, mais lui n'avait rien pu faire pour endiguer la disparition des indigènes de la région. Autrefois vivants au contact de la terre loin de l'agitation du nouveau monde, leur rencontre avec les microbes occidentaux s'était achevée dans les hôpitaux de la région. La théorie officielle voulait que "les blancs" leur avaient refilé des bactéries inconnues qui les avaient terrassés.  

Bernard n'en croyait rien : pour lui, il s'agissait d'un génocide organisé au seul bénéfice des gros propriétaires terriens boliviens et brésiliens.  

Aujourd'hui, les tribus autrefois isolées comptaient à peine quelques centaines d'individus et vivaient recluses, contre des centaines de milliers il y a dix ans. Dégoûté par cette situation, Fulner s'était lancé à corps perdu dans l'étude de la magie chamanique de ces peuples à tradition orale, pour que personne ne les oublie. Et ce qu'il avait découvert était fantastique.  

Il avait étudié une ancienne prophétie : au moment de la disparition des tribus du Chaco Seco, un "corps" se lèverait, constitué de pierre, d'eau et de terre, un Golem élémentaire des temps anciens, haut de plusieurs dizaines de mètres de hauteur, qui viendrait châtier ceux qui avait fait disparaître ses adorateurs.  

Il était temps pour ce Golem de se réveiller. Pour cela, il fallait un sacrifice : Bernard Fulner était prêt à y consentir. Lui-même ostracisé par ses pairs et redevenu célibataire après un second mariage catastrophique, il ne croyait plus en la capacité de rédemption de l'Homme : il n'avait plus rien à perdre et pensait de plus en plus que l'humanité devait être châtiée pour tout ce qu'elle allait continuer à commettre - pour les crimes passés, c'était hélas trop tard.  

Il avait trouvé une sorcière (Elizabeth Du Prez) pour l'invocation et la transformation. Elle avait vu toute sa famille périr sous ses yeux - elle, la doyenne - et en avait gardé une rancoeur amère : ce Bernard serait le terreau du Golem, il deviendrait cette créature terrifiante et punitive.  

Et tous verraient alors le vrai pouvoir des Enfants de la Terre.  

* voir Le Gardien - Année Zéro (2020)  

(Script original, seconde production relative au Gardien - super-héros de l'AriVerse - séquelle de Le Gardien - Année Zéro (2020) : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=15211)