Un pays d'Orient lointain, une date indéterminée.  

Satiwa (Nathan Lai) s'est arrêté au bord de la route - à son âge le corps du guerrier ne veut plus porter cette vieille carcasse ridée percluse de rhumatismes et de cicatrices. Il soupire profondément en s'allongeant sur l'herbe du soir, pose son barda de jute, ses armes... Autour de lui, la nature bruisse d'un vent calme.  

Il regarde le ciel, ferme les yeux - au loin, une cloche sonne régulièrement.  

"- Je crois que je suis mort."  

Il pense qu'il ne bougera plus désormais - est-ce ainsi que la vie s'échappe ? C'est comme si Satiwa voyait son corps de loin, s'éloigner et lui rejoindre les nuages.  

Sa main gauche bouge et caresse les fleurs. Il est encore là.  

Autour de lui, les nuages semblent accélérer leur course, comme s'ils lui signifiaient la fin de toute chose. Sa vie ici, il l'a passée à répondre aux exigences des seigneurs de guerre - aujourd'hui, le guerrier fatigué aspire à tout autre chose. Se poser. Enfin.  

La paix du corps mais surtout celle de l'esprit…  

Rongé par la culpabilité, Satiwa se remémore les visages - de ceux qu'il a croisés, qu'il a combattus, qu'il a tués de sang froid, et plus rarement aimés. Les nuages s'emparent de ces visages qui ne sont bientôt pour lui que bouillie mémorielle.  

Si les victimes disparaissent, la culpabilité, elle, demeure. Il est une âme en peine - entre le Ciel et la Terre, pas encore sortie de son enveloppe ni plus tout-à-fait parmi les vivants.  

"- Je crois que tu as raison."  

La jeune femme qui s'adresse à lui (Enya Goldenthal) a l'image de sa soeur mais ce n'est pas elle - sa soeur est morte quand lui n'était qu'un enfant.  

"- Et pourquoi ne serais-je pas elle ?"  

Sa soeur, victime de la brutalité et de la barbarie des hommes. Ces mêmes hommes qui l'entraineront, lui, encore enfant, dans une spirale de souffrances et de batailles.  

Enfant-soldat il fut, enfant-soldat il est resté.  

Les nuages virent au cramoisi.  

"- Suis-je condamné à errer ainsi avec ce fardeau ?"  

Il a retrouvé son corps. La femme l'accompagne à présent sur les lieux d'un charnier - un de ceux qu'ils a parcourus. Sont-ils à son origine, ou leurs ennemis ? Charnier contre charnier, tout se mélange : le sang appelle le sang, il n'y a jamais de vainqueurs.  

Les nuages, à présent franchement menaçants, laissent perler des gouttes de sang.  

Le soleil à nouveau. La jeune femme à présent souriante.  

Il ne connait pas cet endroit, un fjord lointain qu'il traverse dans un frêle esquif. Est-il en train de traverser la vie ou est-il la proie du délire ? La jeune femme esquisse un sourire :  

"As-tu vraiment le choix ?"  

Sa main droite touche une pierre. Il est toujours là.  

Pour continuer à avancer, il devra se perdre pour se retrouver.  

(Script original)