Koenigstein, Autriche, de nos jours  

Mathias (Ron Blakstad) est un jeune homme sans histoire.  

Sans histoire au sens propre : Mathias est inconnu des services sociaux. Inconnu du monde. Sans identité.  

Quand sa génitrice est tombée enceinte de lui à 25 ans, elle a un temps pensé à l'interruption de grossesse. Puis à l'abandonner. Pour finalement le porter à terme.  

Mais elle ne voulait pas que cela se sache. Elle a donc menti à tous : à sa famille, à ses amis, ses collègues de travail, ses voisins : non, elle n'était pas enceinte et non, n'avait jamais eu d'enfant.  

A 28 ans, elle rencontra quelqu'un. Alors que son enfant vivait encore dans un placard, cet ami l'installa dans des combles aménagés au sous-sol, interstice construit par les anciens propriétaires qui leur servait de remise : 1 mètre 20 de hauteur sur 3 mètres de large et 3 de longueur. On installa l'enfant ici, entre le sous-sol de l'appartement et la dalle du rez-de-chaussée. On dissimula la trappe du mieux que l'on pût.  

La mère de Mathias savait qu'il finirait par grandir et ignorait comment gérer la situation. Son compagnon avait abandonné l'idée de déclarer l'enfant : elle risquerait alors la prison. Lui aimait bien la mère et son fils, il s'y était attaché.  

Ils n'eurent pas l'occasion d'aller plus avant dans leur réflexion - un vieillard roulant en contre-sens sur la nationale mit un terme à leurs questionnements.  

Le carambolage qui s'ensuivit fit trois morts : le couple et le conducteur en tort.  

Mathias resterait inconnu de tous, dans sa remise.  

Très vite, l'enfant - désormais de 10 ans - s'aperçut que personne ne venait lui apporter à manger. La femme et l'homme étaient partis. Il gratta à la trappe à s'en faire saigner les doigts, hurla, pleura, fureta. Puis s'attela à trouver une sortie.  

Ce lieu confiné avait toujours été sa vie, il ne connaissait rien d'autre, n'avait jamais vu la lumière du jour, seulement éclairé par un néon qu'il s'avait allumer et éteindre. Il ignorait les concepts de décence, de propreté, d'habillement.  

Seul comptait pour lui ses propres instincts : manger, dormir, manger, dormir - son seul univers. Il savait à peine parler, vivait nu tantôt debout, tantôt accroupi avec le vocabulaire d'un enfant de 5 ans, n'avait jamais lu un seul livre et dormait sur une paillasse nauséabonde.  

A force d'efforts, il finit des restes de nourriture qu'il engloutit et termina le peu d'eau qui lui restait. Mais nulle sortie, nulle échappatoire.  

Au bout de deux jours, épuisé par ses efforts, il finit par se laisser mourir comme un animal abandonné.  

La propriétaire de l'appartement décédée, sa demi-soeur Karyn (Stephanie Baxter) fit son apparition sur les lieux au matin du cinquième jour. Encore sous le choc, on lui avait recommandé de faire l'inventaire du lieu dans le cadre de l'héritage. L'administration avait fait diligence : la mère de Mathias et son ami avaient été incinérés dans l'accident, on avait quasiment rien retrouvé d'eux. Karyn comptait leur offrir une sépulture décente un jour.  

Ce jour-là, Karyn venait chercher des papiers. Cet appartement, elle n'avait pas eu l'occasion d'y venir souvent, leurs relations s'étaient distendues depuis presque 10 ans… Mais elle était restée sa demi-soeur et n'arrivait pas vraiment à se faire à l'idée d'une telle perte.  

Fichus papiers, elle n'arrivait pas à les trouver. Elle tenta sa chance au sous-sol.  

Le plafond, recouvert d'un grand drap clouté, lui parut bas dans un premier temps. Elle continua de chercher dans les nombreux cartons qui trainaient là. Rien. Elle remarqua, trainant dans un coin, un escabeau.  

C'est alors qu'elle aperçut la trappe, mal dissimulée au-dessus du drap - une remise probablement. Et un cadenas.  

Sa recherche d'une clé fut tout aussi vaine. Elle ne se sentait pas de jouer à l'acrobate ni à l'exploratrice et téléphona directement à son compagnon. Le soir-même, ce dernier passait tandis que Karyn terminait son inventaire.  

"- Alors ces papiers ?  

- Introuvables, mais il y a cette remise…"  

Un puissant coup sur le cadenas le descella immédiatement, sortant Mathias de sa léthargie : quelque chose avait bougé dessous - "elle" était revenue ! Il avait dormi sur la trappe ces derniers jours dans l'attente de son retour mais, affamé et déshydraté, il n'avait plus la force de ramper.  

"- C'est bloqué, comme si on avait posé quelque chose sur la trappe…"  

Le compagnon de Karyn prit une grande inspiration et poussa de toutes ses forces, projetant le petit corps maigrelet à l'autre bout de la pièce, l'assommant.  

L'odeur qui se dégagea de la petite pièce fit reculer le couple. Se bouchant le nez, ils découvraient le lieu de vie d'un être humain qui avait été le secret le mieux caché de la famille.  

Un enfant sauvage.  

Un enfant qui, Karyn allait très vite s'en apercevoir, partageait une étrange ressemblance avec son propre père...  

(Script original)