Well Walling Production présente Tenebrae
Film participant au concours "Gay" organisé par Sergiot
Bande Originale : Ashram - Elizabeth
Un scénario de Sonia Loïs, avec : - Victoria Fitch : Angèle - Carrie Cave : Céline - Jackson Horowitz : Benjamin (le frère de Céline) - Sylvester Collins : Danny (le meilleur ami d'Angèle) - Simon Stevenson : Patrick Tanguy (un prof de fac) - Vincent Horner : Edouard (le père de Céline)
Angèle décida de se suicider un mardi. Car pour elle, le mardi était le jour qui représentait parfaitement le désespoir : l'effervescence du lundi s'était évaporée et toute la semaine s'étendait à l'horizon, interminablement longue. Au contraire, le vendredi était un jour heureux, le samedi était lumineux et le dimanche avait une douceur indolente qui lui faisait penser au coton. Absolument pas adéquat pour mourir. Elle avait hésité avec un jeudi, mais le jeudi, c'était trop loin pour qu'elle puisse patienter jusque là. Mais ce fut ce mardi-là qu'Angèle rencontra son plus grand amour.
En début de soirée, elle prépara un sac à dos rempli avec de lourdes pierres pour mettre toutes les chances de son côté et s'élança dans la ville de Paris. Son choix était fait depuis longtemps quant à on lieu de trépas : la femme avait toujours eu un faible pour le pont Mirabeau, qui, en plus d'être magnifique, était connu pour être le lieu de suicide d'un célèbre poète d'origine roumaine : Paul Celan était l'auteur du poème préféré de la future morte. L'idée de mourir comme il était mort remplissait Angèle d'une étrange joie lugubre.
Le mois de mai approchait et la nuit était particulièrement belle. Un joli quart de lune se reflétait de manière blafarde sur les eaux troublées de la Seine. L’astre veillait sur le paisible pont, lui-même éclairé à la perfection par des lampadaires à la lumière douce. Angèle soupira d’aise : tout était parfait. Elle avait bien fait de choisir cet endroit, ce jour-là, à cette heure-ci. Tout était pratiquement désert, à l’exception de quelques autos impatientes qui venaient troubler le repos du lieu. Il y avait aussi quelques passants, mais rien qui puisse réellement la déranger.
D’un pas décidé, celle qui voulait mourir s’engagea sur les voies piétonnes du pont et marcha jusqu’au centre de la construction. Elle voyait la Tour Eiffel, et plus proche d’elle, les deux statues qui faisaient face au fleuve. Un agréable vent frais venait se perdre dans ses cheveux, comme une main amoureuse qui irait caresser ses mèches folles pour ensuite descendre doucement dans son cou. Même la brise venait lui dire adieu alors qu’elle était sur le point de s’unir à l’eau glacée de la mort. À quelques mètres d’elle seulement, une adolescente, qui devait avoir dix ans de moins qu’elle, la regardait d’un œil indifférent, une cigarette au bout rougeoyant entre les lèvres.
Angèle respira profondément. La lune fut voilée par quelques nuages. Le ciel lui-même lui offrait un linceul céleste ! C’était le moment où jamais de sauter. La femme s’approcha du bord, les yeux fermés, et leva théâtralement les bras au ciel. Elle avait envie de se donner en spectacle. Une mort surjouée pour une vie parfaitement insipide, c’était tout ce qu’il lui restait. "- Bete, Herr, bette zu uns : wir sind nah !" récita Angèle en savourant chaque mot.
Un éclat de rire la déconcentra. La fille qui fumait à côté d’elle venait de se moquer de son poème préféré ! Alors qu’elle ne comprenait probablement rien à la beauté de ces mots qu’elle prononçait dans leur version originale. Voyant que la suicidaire la regardait, l’adolescente sourit en haussant les épaules, comme pour s’excuser. Elle tira sur sa cigarette, relâcha paresseusement la fumée de nacre et déclara : "- Très bon choix de texte pour un suicide, quoiqu’un peu cliché. Mais pour ma part, je préfère ce poème en anglais, pas vous ? “Handled already, Lord, clawed and clawing as though, the body of each of us were your body, Lord… Pray, Lord, pray to us, we are near !”" Nouveau rire de la part de la jeune fille. Et nouvelle bouffée de tabac. Puis elle soupira. "- Tenebrae, probablement le meilleur poème de Paul Celan…" Sa voix se brisa et elle se remit à regarder l’horizon avec un air incertain. Un air qui donnait l’impression qu’elle était un peu plus âgée que ce qu’elle n’était réellement. Angèle sentit son estomac se serrer. Ou peut-être était-ce son cœur. En tout cas, c’était quelque chose qui la mettait particulièrement mal à l’aise, mais qui lui faisait oublier toutes ses envies d’union fatale avec la Seine. "- Comment tu t’appelles ?" fit Angèle d’une voix à peine plus forte qu’un murmure, en s’éloignant du bord. L’adolescente lui adressa un regard furtif et un sourire tout aussi bref. "- Céline." Elles se rapprochèrent légèrement. Déjà, chacune savait qu’elles ne seraient plus jamais des inconnues l’une pour l’autre. De façon tout à fait fortuite, elles s’étaient rencontrées. "- T’as une autre clope pour moi, Céline ?" une série A dramatique de Léa Risson
Musique par Benjamin Sagnier Sorti le 27 mars 2021 (Semaine 847) Entrées : 23 924 299 url : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre§ion=vueFilm&idFilm=16706 |