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MMP présente
Roadie

21h00 - Julian California (Leonardo Scherzo) vient de faire une entrée triomphale au milieu de la scène du Stade de Cannasucre qu'il remplit comme un oeuf pour la seconde fois en moins de 6 mois. Reed (Bradley Howarth) observe la scène de loin, des coulisses où une armée de techniciens, habilleurs, danseurs et autres "petites mains" du show-business s'affaire. L'équipe qui accompagne le Barnum de la vedette compte 250 professionnels, sécurité, coachs personnels, prof de yoga et avocats inclus. Une belle réussite préfabriquée, n°1 dans 18 pays - 25 millions d'albums vendus en un peu moins de deux ans, disponible en CD, DVD, VoD, téléchargement (légal ou illégal, qu'importe), albums à colorier, poupées Julian et préservatifs (au Japon) - 250 licences et marques : eau de toilette, pyjamas, coussins, jouets et jeux vidéo...  

Julian California ou la nouvelle coqueluche de l'Amérique dont le destin est de conquérir le monde. Cet été 2031, c'est Cinéjeu Island qui consacre le nouveau 'Kaiser of Pop' (affiches de promo dixit). Impossible de faire l'impasse sur ce quasi-continent...  

 

Ce soir, Reed n'est pas resté avec les siens - les routiers, les chauffeurs et le personnel logistique. "Personnel logistique", la nouvelle identité de ce que l'on appelait autrefois les "roadies".  

Dans la famille Roadies, le groupe de Reed sont des costauds, des tatoués, des gars qui reviennent de loin, qui ont connu les galères des "tours" pourris ou des superstars du début du siècle.  

Une règle tacite du business édictée à la même époque veut d'ailleurs que plus la vedette est fine, androgyne, le contenu de son répertoire inoffensif et son taux de testostérone équivalent à celui d'une Eau Jeune, plus ses équipes de tournée sont imposantes - tant en nombre qu'au tour de biceps. La règle s'applique parfaitement à la seconde tournée du jeunot : un roadie est avant tout du muscle, une carrure qui vous évite les ennuis avec les locaux, un technicien avisé qui aime la route et ce monde-là. Et encore, ces masses de muscle ne sont pas les pires : Reed soupçonne la sécurité rapprochée de California d'avoir été recrutée dans les clubs de fitness de Los Andreas, Miami ou LA...  

 

Il contemple donc le spectacle. Dans trois heures exactement, 30 minutes après la dernière note du second rappel ("spontané" pour le fan mais parfaitement chronométré) qui clôturera un concert réglé comme une horloge suisse, il prendra sa valise à outils et se lancera dans le démontage des échafaudages avec le reste de son crew. Le gars du syndicat est d'ailleurs passé tout-à-l'heure vérifier qu'ils étaient bien réglo avec la législation locale, il paraît qu'on est un peu sourcilleux sur Cinéjeu Island... Pas pire qu'en Europe à son avis.  

Il aura terminé son boulot vers 2-3 heure du matin, ira se coucher, exténué, prêt à repartir demain pour le stade suivant - pas de trajets de nuit cette semaine, la chance. Finalement, peut-être le temps pour une petite bière ou deux avec les copains...  

 

Reed étudie également ce qu'il voit. Non pas la réaction pré-programmée des 35 000 spectateurs hystériques et déchainés rameutés par les fan-clubs et la très efficace campagne de pub - à 80% de présence féminine et à ce niveau de décibels, on parle de "moiteur tropicale" dans le jargon - ni des chorégraphies déjà vues ailleurs et parodiées - le show en lui-même (aux lumières et pyrotechnies parfaites) reprend des éléments de psychologie des masses en vigueur depuis plus d'un siècle, alternant poussées d'adrénaline et "moments intimistes" avec la foule qui exulte et rugit comme un seul homme enivré par sa propre puissance.  

 

Reed se désintéresse également de la musique et des paroles émises par le héros de la foule, bouillie pré-formatée FM un peu "rap", un peu "R&B", un peu "electro" - un peu de tout mais beaucoup de rien. Il faut dire que Reed, comme pas mal de ses collègues, est aussi un musicien à l'oreille fine - et parfaite dans son cas. Il ne se juge pas meilleur que le groupe sur scène, bien au contraire - groupe castré qui mime les pré-enregistrements parce qu'on le lui demande mais suffisamment synchro et pro pour reprendre la composition à la note près en cas de crash des disques durs de la régie-son... De bons gars, parfois sympas avec eux, parfois carrément hautains.  

 

Non : Reed, il bloque sur Nora (Cassandra James), troisième choriste live du groupe - qui mime aussi tout en restant belle.  

Nora, il la drague depuis le début du tour. Elle est mariée (et alors ? - lui aussi), ne veut rien entendre, mais Reed sait : il sait que la route est traitre. Il sait aussi que des filles comme elle préfèrent rêver producteur et album solo (de groupe à la limite, "ça le fait" aussi) plutôt que dans les bras d'un prolo qui pue le métal et la transpiration. Nora, il l'a dans la peau mais elle, si elle peut rigoler un brin avec lui entre deux couloirs d'hôtel, n'ira pas plus loin. Ils se connaissent depuis quelques semaines et déjà il se demande s'il pourrait vivre sans elle. Ca pourrait presque faire l'objet d'une chanson qu'il écrirait - une chanson triste bien sûr, un blues ou un truc dans le genre ; il est comme ça, Reed - toujours à tomber amoureux à la moindre oeillade.  

 

Il se retourne - ça bouge dans les coulisses. On dirait que le tour manager - et "protecteur officiel" de Julian depuis la disparition de ses parents (un storytelling largement médiatisé pour faire pleurer les chaumières) Lou Arad (Hiromi Debney) est en train de faire un scandale. Lui dresse l'oreille, perçoit "loge", "cocaïne", "danseurs", "impensable" et "médias", soupire et revient sur l'objet de son affection. Il se reprend à rêver. La tournée s'achève dans deux mois - autant dire après-demain...  

 

Mais Reed a une idée. Sa chanson, il l'a déjà composée pour elle. Qu'il va proposer à California. Pas à Arad non, directement à l'artiste. Il sait pertinemment que le gamin n'aura aucune envie de mécontenter son manager, que la chanson n'a aucune chance de se retrouver sur la set-up list d'un spectacle tellement dénué d'humanité non-factice. Mais il va tenter sa chance : Julian, dans ses bons jours, est un môme plutôt sensible et assez chic. Des fois que.  

Pas un blues, non - pas "dans la note" du spectacle : un titre léger, simple - une déclaration.  

Si par miracle Julian la chantait sur scène, elle saurait immédiatement qui l'a écrite et à qui elle s'adresse.  

 

Deux mois, Reed - après-demain...  

 

(Script original, réalisé dans le cadre du Concours "On the Road")

Scénario :
une série A sentimentale de Laura Bitro

Bradley Howarth

Cassandra James

Hiromi Debney

Shannon Tasz
Avec la participation exceptionnelle de Leonardo Scherzo, Joanna Lawrence
Musique par Diane Gerrard
Sorti le 11 juillet 2031 (Semaine 1384)
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