Assise dans le salon, la tête posée tendrement sur l'épaule de son père (Patrick Maidstone) qui lui caresse doucement les cheveux, Nina (Margot Broughton) attend avec impatience. Car c'est aujourd'hui. C'est aujourd'hui que la lettre qui doit lui dire si elle est admise ou non à Sciences-Po doit arriver. Elle se remémore son dossier envoyé à la fin de l'année dernière. Rien qu'en y pensant, elle sait qu'elle sera admise. L'on sonne alors à la porte. Sa mère (Marie Alborth) se lève pour aller voir mais Nina se précipite en courant et arrive bien avant elle. Elle ouvre la porte et voit le facteur. Il l'a! Elle prend la lettre et se précipite de nouveau à l'intérieur, passant devant sa mère qui aller chercher le reste du courrier auprès du facteur médusé. Elle l'ouvre alors avec précaution, comme si elle avait peur d'abimer ne serait-ce que l’enveloppe cachetée. Puis, Nina commence alors la lecture, à haute voix, de sa lettre.  

Mlle Nina Promberger, nous avons le grand plaisir de vous annoncé que votre dossier a été retenu. Nous vous attendons donc le 25 août 2022 à l'Institut d'études politiques de Paris....  

Et la lettre continuait, s'étirant inutilement sur le reste de la page. Car Nina n'en avait cure, pour le moment, du reste: elle était admise.  

Deux mois plus tard.  

Nina était sur le quai de la petite gare de sa petite ville picarde. Ses parents étaient à ses côtés. Ils étaient venus lui dire «au revoir», car c'était aujourd'hui qu'elle partait pour Paris. Le voyage serait court, l'émotion, intense. Elle quittait ses parents pour étudier, pour vivre. Bien qu'elle aurait certainement plus de liberté, cela représentait quand même un énorme déchirement. Soudain, le train arriva en gare. Les nombreux passagers descendirent alors, pendant que le père de Nina lui répétait comme depuis des jours toutes ses recommandations que Nina commençait à connaître par cœur à force. Puis, l'on put enfin monter dans le wagon. Nina serra ses deux parents dans ses bras, en même temps, dans une étreinte emprunte d'une émotion rare. Puis, elle les lâcha et leur adressa un dernier sourire. Son père prit alors sa grosse valise et la déposa alors à l'intérieur tandis que Nina montait elle aussi. Son père, avant de descendre, ne put s'empêcher de déposer un délicat baiser sur son front. Il descendit et le train s'ébranla. Nina adressa de grands signes de la main à ses parents, sa mère sortit un mouchoir, et, une fois hors de vue, Nina ne put s'empêcher de craquer.  

Trois mois plus tard.  

Nina raccrochait le téléphone. Elle s'efforçait de ne pas trembler, de ne pas craquer, elle tentait de dissimuler le gêne qu'elle ressentait au fond d'elle-même. Et pourtant, elle était seule dans son petit et excessivement cher studio parisien. Elle venait d'avoir longuement ses parents au téléphone. Elle leur avait assuré que tout allait bien, que les cours étaient merveilleux, que l'appartement aussi...Elle leur avait également dit qu'elle arrivait à se débrouiller seule pour payer le loyer. Et c'était bien là le problème: elle ne pouvait pas leur avouer que les petits boulots qu'elle faisait les week-end par ci par là ne suffisait pas. Elle ne pouvait pas se résoudre à leur avouer, elle avait tellement honte. A cette pensée, tous les efforts consentis jusque lors tombèrent en ruine: elle fondit en larmes, seule dans sa tristesse.  

Mais elle dut vite se ressaisir: il fallait qu'elle soit présentable. Elle sécha donc ses larmes et alla se préparer. Une fois qu'elle fut maquillée et qu'elle se fut changée, elle sortit de chez elle et prit sa voiture. Un quart d'heure plus tard, elle était arrivée. Elle descendit de la voiture et se hâta d'aller frapper à une petite porte noire et écaillée dans la rue. Un homme d'une cinquantaine d'année lui ouvrit et la fit entrer.  

- On avait dit combien, déjà?  

- 250 € de l'heure.  

C'était donc avec la prostitution que Nina payait ses études et son loyer. Elle était totalement brisée d'en arriver là, mais elle faisait tout son possible pour le cacher à tous le monde. Même à Salma (Estelle Green), sa meilleur amie de la Fac. Aux yeux de son petit ami, Ted (Chris Kubota), elle paraissait donc joyeuse, pleine de vie. Lui ne se doutait de rien, et ne se gênait pas pour la taquiner. Qui aime bien châtie bien. Elle répondait avec le sourire, plus mordante que jamais, sous les apparences, du moins. Mais au fil des jours, des mois entiers, le moral de Nina baissait incontestablement. Elle s'efforçait toujours de paraître joyeuse, mais elle y parvenait de moins en moins bien. Et Ted s'en rendit compte, un soir. Il décida donc de l'inviter au restaurant, puis d'aller s'amuser en boîte. Nina accepta dans la perspective que cela pourrait lui remonter le moral. Le dîner se passa à merveilles, Nina retrouvait enfin la joie de vivre, après de nombreux mois de galères. Pourtant, ce n'était qu'une parenthèse de – trop - courtes heures. Ce soir, elle avait oublié qu'elle avait un «client». Mais comment s’éclipser et trouver une bonne excuse. Pourtant, elle n'eut pas la peine de trouver une excuse. Ted, qui était parti chercher des boissons, revenait.  

- Je suis désolé chérie, mais j'ai euh...oublié de fermer la porte de chez moi. Il faut que j'y aille.  

- Oh, qu'est-ce que tu peux être con ?! Allez, vas-y.  

Son ton était doux et elle faisait tout pour être convaincante. Elle n'avait pas gobé l'énorme mensonge de Ted, mais il l'arrangeait. Elle attendit un peu qu'il soit parti et fit de même. Elle rejoignait son client d'un soir.  

Alors que Nina s'apprêtait à accomplir son «travail» obscure, Ted tait au téléphone.  

- Oui, bonjour monsieur Rodier. Oui, Nina est libre demain soir. Donc, on dit demain soir, 23h15, pour 300 € l'heure? Et oui, les tarifs augmentent...Très bien monsieur Rodier, en vous souhaitant un agréable plaisir, mais croyez-moi, vous n'aurez pas de souci la dessus...  

Ted raccrocha.