Un manège, ça peut devenir agressif ?  

Jocelyne (Mélodie Duval) se repose trois fois la question dans la tête pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas, de la question que son collègue Grégory (Michael Post) vient de lui poser.  

- Qu'est-ce que tu racontes comme connerie encore ? Bien sûr que n...  

- La semaine dernière, nous avons déjà eu deux cas similaires d'agressions inexpliquées auprès de deux manèges différents, lui coupe Grégory. Deux personnes agressées alors qu'ils rôdaient auprès d'un manège tranquillement avant que des phénomènes étranges se produisent. D'après eux bien sûr. Rappelle-toi. Ma question n'est pas si idiote que ça, je trouve.  

Jocelyne fait un sourire que Grégory ne peut voir pour la simple raison qu'ils dialoguent par téléphone à minuit.  

- Des agressions de quel genre ? Sur les enfants ?  

Mais en fait, c'est sur des adultes, deux hommes d'une trentaine d'années. La conversation s'arrête sur les mots de Grégory. Ils comptent aller voir les manèges en question dès le lendemain matin. Pour que deux personnes soient agressées auprès de deux manèges différents, et que ce soit inexpliqué, cela ne peut pas être un hasard.  

Le mercredi 18 novembre, à Spielberg, Grégory a pris son café dans un bar sur la route pour aller voir le manège qui a fait la première victime de l'enquête. Quant à Jocelyne, elle épluche le dossier de A à Z au moment où son téléphone sonne : Corentin. Agacée, elle ne répond pas. Depuis quelques temps, elle se fait harceler par un garçon qu'une amie en commun les a présenté, et elle a des sentiments envers un autre qu'elle côtoie tous les jours : Grégory. Malgré tout, les relations qu'elle entretient avec Grégory n'ont pas changé. Le sentiment que lui porte son amour secret était franc, clair et naturel. Il l'aime beaucoup. Elle voit bien qu'il a pour elle une sympathie qui croît de jour en jour, mais elle le sent freiné par une chose qu'elle n'arrive pas à décrire. Une chose liée à son lourd passé qu'il refuse de parler à qui que ce soit.  

Voilà le manège avec le propriétaire en train, visiblement, de réparer une pièce. Les deux policiers se présentent et commencent à poser des questions sur ce qui s'est passé le jour du meurtre.  

- L'agression a eu lieu la nuit et personne n'a vu ce qui s'est réellement passé. Elle a eu lieu la veille où j'ai dû changer une pièce à mon manège, un cheval en bois alors que tout le reste est en plastique. J'ai changé la pièce d'origine car elle s'était brisée. Je ne sais pas si c'est une coïncidence mais au moment où je l'ai acheté et après l'avoir installé, j'ai eu un malaise et mon souffle s'est coupé. J'ai failli mourir. Avant votre arrivée, j'étais justement en train d'essayer de l'enlever.(...) J'ai acheté cette pièce chez un ébéniste. C'est un très vieux cheval en bois peint. Il doit provenir d'un manège ancien car aujourd'hui, ils ont toutes les pièces en plastique.  

Pendant que Jocelyne continue de poser des questions, Grégory s'avance vers le cheval de bois et trouve un nom gravé : Hugo Bernez. Ce nom lui dit vaguement quelque chose. Avec le nom de l'ébéniste et ce Hugo Bernez, les deux policiers ne reparte pas bredouille comme ils l'avaient craint. Même si les deux pistes sont faibles et qu'elles ne leur mènera pas loin, ils vont se renseigner dessus.  

L'histoire de Hugo Bernez (Yan Howarth) a commencé il y a un siècle dans un petit village près de Jolywood. Peu importe le nom du village. Ce qui compte vraiment, c'est l'artisan. Il créé des manèges avec ses propres mains, de véritables chefs-d'œuvre. Mais nul ne savait que Hugo était un magicien et il se servait de ça pour construire un manège spécial. Un manège extraordinaire capable de retirer l'âme de celui qui a le malheur de s'approcher de trop près d'une de ses pièces. Le manège de Bernez a été démonté il y a des années et ses pièces ont été dispersées partout dans le monde. Mais depuis quelques temps, comme par magie ou dans d'extraordinaire hasard, les pièces se rapprochent de plus en plus entre elles. Et si le manège de Bernez se reforme complètement, le créateur reviendra à la vie pour terminer son oeuvre encore secrète.  

Cannasucre, tard dans la nuit, vers une heure du matin.  

Maintenant que ses amis sont tous partis, Sarah (Annie Martinez) s'approche du banc pour souffler un peu et s'allumer une cigarette. Elle vient d'apprendre la mort de son petit cousin Charly, il avait seulement onze ans. Là, elle attend que son petit ami Lucas vienne la chercher car il termine son travail dans un petit quart d'heure et il bosse juste à côté. Elle regarde machinalement en face d'elle. Il y a quelques secondes en arrière, Sarah n'y avait pas fait gaffe, mais la pièce de ce manège est en train de l'observer. Elle le sent tout d'un coup et avec certitude. Elle parcoure le dauphin du regard, les yeux écarquillés.  

- Tu veux ma photo ? dit-elle d'un ton sérieux.  

Un léger vent soupire dans son dos. Le dauphin reste affreusement immobile. Des yeux, durs et froids, l'observe.  

- Va te faire foutre.  

Elle dit ça tout haut, en s'adressant franchement au dauphin. Elle ne fait même pas attention qu'elle s'adresse à une vulgaire pièce d'un manège. Elle fume nerveusement sa cigarette mais sans arriver à détourner le regard du dauphin. Jamais quelque chose, ou quelqu'un, ne lui a mis autant mal à l'aise. Et elle n'arrive pas à partir, à se sauver.  

- Arrête de me regarder !  

Sans qu'elle s'en rende compte, les ombres du manège se sont allongés pour se retrouver qu'à une dizaine de centimètres de ses pieds. Les yeux du dauphin sont grands ouverts, à peine vitreux. Ils semblent étinceler. Sarah essaie de se détacher de ce regard, mais elle n'y parvient pas.  

- Hugo Bernez, murmure-t-elle comme hypnotisée.  

Son souffle se coupe au moment même où son téléphone sonne. C'est Lucas.