Mars 1917, Palais de Peterhof, Petrodvorets, à 6km de Saint-Pétersbourg, Russie  

Son appareil photo en main, Anastasia se promène dans le parc, à la recherche de l'inspiration pour de meilleurs clichés. Elle voit un arbre et le prend en photo. Évidemment, elle l'a déjà vu et l'a déjà surement sur l'un de ses nombreux négatif à la maison. Mais le parc est bien son seul "terrain de chasse".  

A seize ans, la jeune Nastia rêve d'escapades, d'amitiés et même d'amour. Si sa mère la prenait à songer ainsi, elle aurait surement le droit à une bonne correction ! Comme lorsque qu'elle et sa sœur, Olga, ont été prise à fumer dans le jardin, derrière la petite serre.  

Un clic et une fourmi en plein travail se retrouve définitivement pris au piège dans sa boîte à photo. La jeune fille est fascinée par tant de mécanisme. C'est d'ailleurs une passionnée de cinéma et de musique. Elle adore lire en laissant le son de son phonographe livrer des musiques traditionnelles russes, des chansons que sa mère lui défend pourtant d'écouter. L'adolescente est cultivée, mais manque d'amis avec qui étudier. Même si Gilliard, son précepteur, est un très bon ami, un poète, un rêveur plein d'humour et de sagesse, Anastasia souhaite côtoyer des jeunes filles de son âge. Elle aimerait donc entrer à l'institut, étudier des matières utiles seulement pour développer l'esprit.  

L'hiver cristallise les gouttes de rosée matinale. La jeune princesse se penche par dessus la barrière de bois et tend la langue pour lécher la glace. Soudain, elle perd l'équilibre et se retrouve les quatre fers en l'air, sa robe retroussée sur ses genoux. Une rire enfantin retentit, et l'adolescente se redresse sur un coude pour apercevoir celui qu'elle a déjà identifié comme étant son jeune frère, Alexis. Furibonde et joueuse, Nastia se lève d'un bon et poursuit son frère jusqu'à l'intérieur du palais de Peterhof. Leur mère met sévèrement fin à leurs enfantillages et les enjoint à rejoindre le petit salon, où leur père les attend. En le voyant, les deux enfants se jettent dans ses bras. Alexis attrape ensuite la balalaïka posée au pied de la cheminée et entame un morceau plutôt maladroitement interprété. Anastasia se moque de lui et chante mélodieusement une chanson en français que maître Gilliard lui a enseigné. L'ambiance est bonne enfant, jusqu'à ce qu'un domestique entre précipitamment dans le salon, sans frapper, et leur annonce l'arrivée imminente du grand-duc Mikhaïl Romanov. L'empereur Nicolas fait alors sortir sa famille et attend son frère de pieds fermes.  

Anastasia et son frère arrosent quelques plantes dans la serre lorsque leur père et leur oncle se séparent. Nicolas a la mine sombre, le visage rongé par l’inquiétude. Il enlace succinctement sa femme avant d'aller rejoindre son bureau. Tatiana pousse sa sœur et son frère à l'étage, pour qu'ils aillent se changer avant le dîner.  

Dans une toilette toute neuve, l'adolescente se mire dans la glace, admirant la couleur ciel de sa robe. Elle descend un étage et prend place sur son siège habituel. On sert la famille Nikolaïevna avant qu'un escadron rouge ne fasse irruption dans la salle à manger. Nicolas ordonne aux hommes de sortir alors qu'ils le saisissent par un bras et le conduisent dehors. sa famille est escortée dans la cour et on les forcent à monter dans un fourgon. Ils attendent là quelques minutes, puis le cortège démarre, alors que les domestiques, affolés, restent impuissants.  

Le tsar explique alors à sa famille qu'il a abdiqué, que le nouveau gouvernant de la Russie est Mikhaïl. Les révolutionnaires rouges viennent de les faire prisonniers et ils doivent désormais faire profil bas s'ils veulent rester en vie. Olga étouffe un cris d'effroi alors que sa mère se serre contre son époux.  

Pour eux, l'enfer vient à peine de commencer...  

1918, Villa Ipatiev, Iekaterinbourg, Oural, Russie  

La jeune souveraine admire avec envie l'éclat du soleil à travers la fenêtre. Voilà quatre jours qu'elle n'est pas sortie et elle désir par dessus tout marcher dans la brume matinale. La journée s'étire, infinie. Nastia s'adonne à l'écriture et corrige son frère sur quelques fautes de français. Alexis va mieux même s'il est surveillé de près par le docteur Botkine suite à sa grave crise d'hémophilie survenue à Tobolsk, à leur précédente demeure.  

Olga et Tatiana veillent avec affections sur leurs cadets et Maria brode quelques figures originales sur l'une de ses robes. Leur mère lit, mais son esprit vogue ailleurs alors que leur père est en grande conversation avec Botkine.  

Anastasia se lève soudainement et s'approche d'un garde de la Tchéka qu'elle tire par le manteau. Elle le supplie de bien vouloir la laissée sortir une dizaine de minutes. Sa mère la réprimande pour son comportement, mais le jeune homme, guère plus vieux qu'elle, fait mine de devoir aller fumer et l'emmène à l'extérieur. Souriante, elle se glisse au dehors et respire profondément l'air pur et frais. Elle remercie poliment le soldat et s'assoit dans un coin, contre un pan de mur, pour rêvasser un instant. Elle l'ignore encore, mais cette sortie lui sauvera la vie.  

Dans la nuit du 16 au 17 juillet, un escadrons bolchéviks les réveil et les descend à la cave.  

Iakov Iourovski, fervent soldat rouge, prend la parole :  

"- Citoyen Romanov... les vôtres ont essayé de vous sauver... Nous sommes dans l'obligation de vous fusiller."  

Sans plus d'explications, l'homme arme son pistolet et tire sur le tsar déchu, qui tombe dans un bruit sourd alors que les fusils mitrailleurs arrosent les dix personnes restantes encore debout. Les survivants sont achevés à coups de crosses et de baïonnettes, puis les corps sont portés dehors, enfournés dans un van et conduit plus loin, dans un bois. Là les corps sont brûlés et inhumés. Les gardes ne prennent pas le temps de compter les morts, mais s'ils l'avaient fait, ils se seraient rendu compte qu'il manquait un corps...  

Quelques minutes avant le massacre...  

Effrayée par ce réveil soudain et le bruit lourd des bottes des bolchéviks martelant le sol, Anastasia, en tête du cortège, cherche une issue à ce guet-apens nauséabond. Dans la cave, lorsque les tirs explosent, elle se cache derrière Tatiana, sont aînés et tombe, assommée, à la renverse.  

Elle reprend connaissance dans une charrette fendant les bois. Au commande, deux jeunes miliciens, dont elle reconnait l'un d'eux. C'est le garde qui l'a laissé aller se promener quelques jours auparavant. Ayant refusés de participer à l'exécution, ils se retrouvent de corvée "ménage". Le jeune homme entend du bruit et comprend que l'adolescente est toujours en vie. Son camarade et lui décide alors de l'aider à s'échapper.  

Mais pour eux, la cavale ne fait que commencer...