1972.  

Le couloir de ce grand et luxueux immeuble new-yorkais semble être interminable. Des mètres et des mètres de parquet, de tapis et de tableaux. Enfin, dans l'obscurité ambiante, la porte se dessine. Une main l'ouvre, en silence, puis rentre. Toutes les lumières sont éteintes. Tout est silencieux. Immobile. Comme mort. La main allume une lampe qui éclaire enfin quelque chose. On aperçoit alors une table où quelques morceaux de papier où sont griffonnés quelques mots à la hâte traînent là. Un peu plus haut, un cadre de belle taille. Pourtant, à l'intérieur, il n'y a n'y peinture, ni dessin, ni photographie. Non, il n'y a que des médailles. Toutes plus prestigieuses les unes que les autres. La main revient alors et éteint la lumière, nous arrachant à la contemplation des récompenses.  

La pièce d'à côté, maintenant. Elle est bizarrement plus petite que les autres. Il n'y a qu'en grand lit et une modeste table de chevet. Le réveil indique 5h21, alors que la main pend dans le vide. Endormie.  

Le soleil se lève à peine et Frank Bender se lève déjà. Pas besoin de déjeuner. Il part déjà travailler. Machinalement, il prend les clés de sa voiture, et sort de son appartement richement décoré. Il descend les marches quatre à quatre, comme il en a l'habitude. Dehors, il monte dans sa voiture, puis démarre enfin vers son bureau: la police de New-York.  

A peine était-il arrivé que son supérieur, le deputy inspector Corry Branagan l'apostropha.  

- Venez dans mon bureau, Bender!  

Le capitaine s'exécuta. Il prit place à l'endroit que lui indiquait Branagan d'un geste de la main.  

- J'ai une enquête pour vous et votre équipe. Un bâtiment a explosé. On pense que c'est un acte criminel.  

- Très bien. Où est-ce?  

- A Borough Park  

Il sortit alors du bureau et alla chercher les membres de son équipe. Mais ce fut eux qui le trouvèrent en premier. Le lieutenant de police Mike Darczin le retint par la manche.  

- Où allez-vous, chef?  

- Ah, je ne vous avez pas vu, Mike, pardon. Venez avec moi, on va à Borough Park. Mais où est Nina?  

- Quelque chose de grave?  

- Non, un immeuble a explosé, c'est tout. Branagan m'a dit qu'il n'y avait pas trop de dégâts mais que c'était sûrement criminel. - Ah, Nina, vous voilà!  

Mike avait pâli.  

L'immeuble qui avait explosé se situait en plein milieu de Borough Park, un quartier juif de Brooklyn. Tout avait été dévasté par l'explosion. Pourtant, les gens passaient à côté sans sembler voir ce désastre. Il avaient peut-être un peu peur de la police. Frank s'avança le premier dans les décombres et il en fut saisi par l'odeur qui se dégageait. Une forte odeur de gaz.  

**  

Partout, des fils barbelés. De nombreux gens sont là. Il fait froid. Très froid. Pourtant, ils sont seulement vêtus d'une chemise de nuit. La neige commence alors à tomber en gros flocon. Et au même instant, alors que des portes s'ouvrent, une forte odeur de gaz se répand aux alentours.  

**  

Frank reprenait ses esprit. Quand il releva la tête, il vit que Mike était tendu.  

- Qu'est-ce qu'il y a?  

- C'est que...Mon frère habite ici. C'est aussi mon quartier. Pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé.  

- Je comprend.  

Les fouilles reprenaient, malgré l'odeur dérangeante et entêtante. Bizarrement, il n'y avait rien. Aucun reste d'appartement. Aucun corps. Il n'y avait que tous les murs qui s'étaient effondrés. Toute cette poussière. Et cette odeur de gaz...Ils rentraient au poste.  

Ils avaient dès lors cherché s'il y avait des disparus à ladite adresse. Une famille juive l'était depuis ce matin, date de l'explosion. Tout les autres étaient dans les transports à cette heure-ci. Aucune trace. Ils étaient sûrement morts dans l'explosion. Pourtant, il n'y avait aucune trace de corps sur le lieu de l'explosion.  

**  

D'énorme buchers s’élèvent désormais dans les cieux. Des buchers où s'entassent des dizaines et des dizaines de corps humains. Une étincelle, et tout part en fumée. Une fumée noire à l'odeur répugnante qui vient se mêler avec l'odeur de gaz... Son fusil fait brutalement taire ceux qui pleurent...  

**  

On avait fait venir quelques résidents de l'immeuble. Dont une jeune femme au regard à jamais triste. Tout ceci n'avait donné aucun résultat. Pire: Frank, qui posait les quelques questions, s'était fait insulter. «Monstre!». «Tueur!». «Traître!». «Monstre», encore une fois. La personne interrogée avait hurlé ces mots à n'en plus pouvoir. Frank n'avait rien pu tirer d'elle et il s'était sentit très mal. De plus, en sortant de la salle, Nina et Mike lui avaient lancé un regard noir. Comme s'il avait fait quelque chose de mal...  

L'enquête piétinait depuis des semaines. Un jour, Branagan fit venir Frank dans son bureau.  

- Vous n'avancez pas beaucoup dans votre enquête...  

- Non, en effet...  

- C'est normal. C'était une vaste mascarade.  

Frank paraissait soulagé. Il n'y avait point d'enquête qu'il ne pouvait pas résoudre.  

- C'était pour me tester?  

Pour toute réponse, Branagan lui tendit une enveloppe qui renfermait autre chose qu'une lettre. Frank l'ouvrit en tremblant, et en ressortit une croix gammée en fer.  

- C'était pour vous révéler au grand jour.  

- Je...Je ne comprend pas...  

- Vous n'êtes pas Frank Bender, lieutenant de police et héros de guerre! Vous n'avez pas sauvé des vies par vos actions! Vous êtes Franz Froelinger! Vous êtes un nazi! Vous êtes un salaud, un monstre!  

Les images défilaient dans la tête de Franz. Il revoyait tout ce qu'il avait voulu oublier, et fait oublier, tout ce qu'il avait fait. Il avait eu beau cacher la vérité pendant près de vingt ans, elle l'avait rattrapé au grand jour.  

Branagan fit alors un léger signe de tête au dehors. Nina, de l'immeuble d'en face, l'avait bien aperçu.  

Elle appuya sur la détente...