Il faut tout ranger. Ici et là, un océan de cartons vides ne demandant qu'à être remplis attendait. Diverses affaires traînaient sur le carrelage froid et poussiéreux. Dans tout ce bordel, un homme, à genoux, demeurait au milieu des cartons. Il prenait, il hésitait, puis il triait. Il y avait ce qu'il devait garder et ce qu'il devait jeter. Certains choix n'étaient pas facile. Devait-il garder ou pas cette vieille balle déchirée avec laquelle il a tant joué au foot dans son jardin ? Et cette drôle de peluche orangée et défoncée, offerte par sa mère ? Finalement, il jeta le tout à la poubelle. Son regard se posa alors sur l'album photo de la famille. Machinalement, il l'ouvrit et le feuilleta rapidement avec tendresse et mélancolie. Un cliché attirait son regard. Il ne devait pas avoir beaucoup plus de quatre ans. Il était assis sur les genoux de sa mère, qui riait aux éclats. Derrière, on pouvait voir un livre, avec une étrange épée dessinée dessus. Soudain, il se souvenait enfin.  

Martin Andrews avait emménagé dans son nouvel appartement depuis quelques semaines, maintenant. La maison de ses parents, où il vivait jusque là, lui rappelait des tonnes de souvenirs si radieux et gais qu'ils étaient devenus une véritable souffrance après la mort brutale de ses parents, Alice et Frederick. C'était il y a un an. Martin avait alors eu le sentiment d'être détruit de l'intérieur. Aujourd'hui encore, il ne pouvait accepter ce fait : ses parents étaient morts. Et, quand il faisait ses cartons, la dernière fois, l'espoir avait recommencer à irriguer son esprit quand il avait trouver cette photo. Car l'épée, dessinée dessus, est l'épée qui permet de contrôler le temps.  

Ce livre, Martin l'avait cherché pendant des jours et des jours, sans jamais parvenir à mettre la main dessus. Il avait dû se rendre à l'évidence : il ne l'avait plus. L'on aurait alors put redouter qu'il se morfonde alors dans son échec, mais ce fut tout l'inverse qui se produisit. Il passait ses journées à chercher ne serait-ce que le moindre petit détail d'un non moins petit et lointain souvenir. Pendant de longues semaines, toutes ses recherches restèrent sans résultat. Jusqu'au jour où il trouva enfin un indice.  

Alors qu'il était avachi dans son confortable canapé de cuir, une chose attira son attention : la lampe qui éclairait d'une lueur douce la pièce émettait un grésillement inquiétant. Il se leva, et, après avoir éteint la lumière, y regarda de plus près. Il eut vite fait de repérer l'origine du trouble : un petit bout de papier enroulé qui sentait le brûlé était coincé. Il le retira et entreprit de l'examiner, intrigué.  

Intrigué, Martin l'été encore plus après la lecture du petit papier. D'abord, il avait reconnu l'écriture si particulière qu'était celle de son père. Mais les mots qui étaient inscrits étaient encore plus troublant que le reste : « L'épée des temps se trouve enfouie au plus profond de la grotte de Huis. ». Martin avait déjà fait ses bagages.  

Vite, il monta dans sa vieille voiture aux couleurs délavées, et partit. Il partait vers cette grotte, il partait plein d'espoir.  

Quelques heures plus tard, après un long et ennuyeux trajet qui l'avait un peu calmé dans ses ardeurs, il arrivait enfin. Il commençait à faire nuit, et la perspective de pénétrer dans cette grotte obscure ne le réjouissait guère. Après s'être demandé s'il valait mieux attendre le lendemain ou pas, il entra finalement, le petit de papier froissé au fond de sa poche, et une lampe torche dans une main.  

Au fur et à mesure qu'il s’enfonçait dans les entrailles de la grotte, Martin avait de plus en plus chaud. Il s'arrêta un instant, et retira sa veste, qui lui échappa des mains et d'où tomba son portefeuille. Il s'apprêtait à la ramasser, quand un bruit lui glaça le sang. Il prit la lampe et éclaira tout autour de lui. Il n'y avait rien, personne d'autre. Il prit enfin sa veste et reprit son avancée, laissant derrière lui son portefeuille.  

Martin enrageait. Il y avait bien quelque chose, au fond de cette maudite grotte ! Mais ce quelque chose, un rustique coffre de bois, était vide ! Il avait eu beau fouiller encore et encore, il n'avait rien trouvé. Dépité, il se laissa lourdement tomber au sol. Fatigué mentalement et physiquement, il se demandait s'il n'allait pas se laisser mourir ici. Mais bien vite, les visages souriants de ses parents lui apparurent. Il ne pouvait pas renoncer. Et encre moins se laisser mourir.  

Plus loin...  

Non, ce mur qui les séparait ne marquait pas la fin de cette grotte. Non, Martin n'allait pas mourir. Non, Adam Batt n'allait pas lui donner cette précieuse épée. Le vieil homme au regard argenté se releva lentement. Dans sa main, il tenait l'épée. L'épée du temps. Il savait que Martin la convoitait. Pourtant, il ignorait ce qu'il ferait avec. Par contre, il savait mieux que quiconque ce qu'il pourrait faire avec. Il s’apprêtait à reprendre sa marche qui l'emmenait vers son devoir, lorsque soudain, il se ravisa. Il sortit de sa poche une petite bille nacrée, parfaitement ronde et polie, belle. Il la laissa tomber sur le sol. Elle fit un petit bruit en tombant, puis elle se mit à rouler, rouler, et elle traversa la paroi. Adam reprenait sa route.  

- Ô Temps ! Je dois détruire cette épée que tu as façonné ! Ô nature, vie ! Je dois vous sauver ! Ô Martin ! Pardonne-moi s'il te plait !  

Martin, la tête enfouie entre ses bras, pleurait toutes les larmes de son corps. Le roulement de la bille sur le sol inégal lui fit relever la tête. Intrigué, il l'arrêta dans sa course puis la ramassa. Il n'y avait pourtant rien, avant. Subitement, il compris : ce mur ne marquait pas la fin de la grotte ! Sa foi ravivée, il entreprit alors de chercher comment il pouvait continuer son chemin.  

Pendant ce temps, Julie, la petite amie de Martin, s’inquiétait de ne pas le voir. En consultant l'historique du navigateur internet, elle put savoir où il était parti : Martin avait fait un itinéraire pour se rendre à la grotte de Huis. Et Julie s'y rendait.  

Et pendant ce temps, Adam continuait sa progression. Encore, et toujours.