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Guards Brothers présente
Deus Vindicta

Le canasson sur lequel se balançait Baudoin avait surement des airs de mulet à bonne distance. Veuve qu'il l'avait appelé. Baudoin ne savait finalement pas trop pourquoi. Peut-être était-ce à cause des nombreuses femmes qu'il avait éplorées, ou alors c'était la noirceur de son pelage qui rappelait le deuil.  

Le Deuil.  

Sa Majesté Yvain avait toujours été assez respectueuse des traditions. Peut-être plus encore que son père - le feu Oséas dont l'ultime héritage fut un fils pieu, honorable et honoré. Aspirant tant de respect qu'alors qu'il n'était encore qu'un second né - avant la mort de son frère Robin - son père le voyait déjà trônant à sa succession. Baudoin aussi. En tant qu'Épée d'Yvain, il avait assuré sa sécurité en tant que Ser Baudoin de Lasque, petit fief dont sa Seigneurie lui avait autrefois fait cadeau.  

 

Ce fut la mince voix d'Almon qui l'extirpa de sa méditation. Almon n'était qu'un gosse. Un pauvre échanson qui avait choisit le mauvais chevalier. Et pourtant, quand Baudoin avait mit un pied dans sa tombe, Almon avait sauté avec lui. Si les deux n'avaient rien en commun, Baudoin était sous force de constater que c'était peut-être le seul ami dont il pouvait véritablement se vanter d'avoir conservé.  

« Ser, nous arrivons au Bois-des-Loups. »  

La Forteresse Noire se dessinait à travers l'épaisse brume qui flottait au dessus des arbres formant un cercle autour du château. Les pensées de Baudoin l'avait quelque peu sorti de la réalité, et il remarqua que devant eux se déroulait une longue file de cavaliers et de chariots, de chevaliers et de marchands qui avançait lentement sur un rythme de procession.  

Bois-des-Loups se situait en pleine sur le Plas, marquant la frontière entre les deux Royaumes - Rodoc à son sud, Cerve au nord. Malgré sa position de ville frontalière, son Seigneur, le Lord Ilin Blood avait juré allégeance au Royaume de Cerve.  

 

Peu à peu, Baudoin et Almon se rapprochèrent de la ville. Almon montait une espèce de mulet qui semblait porter le poids de la misère du monde sur son pauvre dos. Si bien que lorsque la bête commença à souffler plus fort qu'un boeuf, Almon mit pied à terre et la tira par la bride.  

La pluie commença à tomber lorsqu'ils franchirent la porte d'entrée de la ville, protégée par de hautes murailles - un fait unique sur le continent tout entier, si l'on exceptait les deux capitales Noirfort et Grand-Cité. Deux gardes étaient postés de chaque côté de la porte. Il jetait des regards perçants à tous les voyageurs, s'attardant d'avantage sur ceux portant des mailles ou du fer.  

Alors que la campagne était d'un calme absolu, Bois-des-Loups vivait dans un profond vacarme. Outre les marchands criant leurs articles, on entendait aussi une musique tonitruante. Un saltimbanque jouait du luth en chantant des vers très connus sur un ton très triste. Baudouin connaissait cette chanson, c'était Le Loup du Roi.  

 

Et qui on dit, fusse t-un un loup  

Cingla vents et bois, courant l'aube et nuit  

Le Chevalier Edmond trouva la princesse  

Son épée coupa l'air et nul âme ne l'entendit  

Plus jamais, non jamais ne l'entendit.  

 

Ils avancèrent dans la ville. Baudoin prévoyait d'y rester trois jours, le temps de prendre du repos. Le trajet sans halte de Grand-Cité à Bois-des-Loups avait été terriblement fatiguant, et si il ne se plaignait pas, Almon semblait à bout de souffle. Ils s'arrêtèrent près d'une taverne miteuse dont le nom signifiait presque son type de fréquentation Le Chien Galeux. Une enseigne délabrée représentant un cadavre canin pendait en-dessous du nom du lieu.  

Almon emmena les bêtes aux écuries et ce fut ainsi que Baudoin rentra seul dans l'auberge. Elle était plus spacieuse qu'il ne l'aurait crut, à vrai dire. Si ce n'est que dans un coin étaient entassés plusieurs meubles complètement démantelés. Un barde livrait une chanson paillarde aux paroles perverses, trois hommes d'armes du Bois-des-Loups buvaient de bon coeur au centre de la pièce. Tout autour, des quidam plus ou moins louches buvaient une choppe avec ou sans compagnie.  

Baudoin s'approcha du comptoir où se tenait l'aubergiste. Une barbe taillée plus ou moins court à travers son vaste menton trempait dans un verre qu'il s'était servi lui même. Il regardait sa clientèle comme si il s'attendait à ce que l'un d'eux dégaine une arbalète et tire un carreau dans le crâne de son voisin.  

 

Baudoin s'approcha de lui et demanda une chambre. Almon dormira par terre ou dans les écuries. Ils n'avaient pas assez d'argent pour se permettre de prendre deux chambres. L'aubergiste l'inspecta du regard avant de lui demander son dû.  

« De Lasque ? Par le Roi, mais c'est ser Baudoin de Lasque que voilà ! »  

La réplique avait cinglée comme un fouet dans le dos de Baudoin. Il se retourna en instant et vit que l'un des hommes d'armées de Blood s'était levé. Son visage... Il arborait un sourire qui laisser entrevoir sa mâchoire édentée où bouts de nourritures et dents jaunâtres se confondaient. Son visage... Le regard de Baudoin s'attarda sur sa main gauche. Ou plutôt là où elle aurait dut être puisque pendait à travers ses mailles un semblant de moignon. Et c'est là qu'il le reconnu. C'était Harpin Main-Droite.  

« Parait qu't'es l'seul Rodoc qu'est pas endeuillé ? En t'cas c'est ta gueuse que j'vais endeuillé moi ! T'vas goûter mon acier comme j'ai goûté au tiens ! »  

La main gauche d'Harpin Main-Droite, c'est Baudoin qui le lui avait retiré. L'ingrat avait été jadis un espion à la solde des Cerves et on l'avait pris à fouiller dans les affaires du Grand Prêtre. Baudoin l'avait raccourci puis on l'avait vendu avec un groupe de prisonniers il y a bien trois ans. Ses exploits de meurtres et de viols étaient par la suite parvenus jusqu'à Grand-Cité : Main-Droite maniait sa dernière paluche comme si il lui en restait deux.  

Le vilain dégaina son épée. C'était un grand estramaçon où luisaient des reflets aux couleurs pourpres. Une arme qui se tenait à deux mains, mais cela ne semblait pas gêner Harpin qui fonça sur le chevalier et abattis sa lame qui se planta au dernier moment sur une table.  

Baudoin avait paré le coup, sorti à son tour son fer et, parant le nouveau coup lancé par Main-Droite, lui en encocha un sur le genou. C'est alors qu'Almon fit son entrée dans l'auberge. Il y eut un instant durant lequel il regarda à leur tour Main-Droite et son maître se battre. Il dégaina l'aiguille qui lui servait d'épée et fondit sur le mécréant, lui planta entre les côtes. Harpin qui n'avait pas vu le coup arriver s'écroula sur le sol, criant de douleur.  

Baudoin leva sa claymore et lui planta en plein dans le coeur. Tout se passa alors très rapidement : un carreau se planta dans le crâne d'Almon qui s'écroula sur le sol, inerte, son arme assassine toujours dans sa main droite.  

C'était l'un des compagnons de Main-Droite qui avait tiré. Baudoin prit ses jambes à son cou, se prit un carreau dans le mollet mais détala quand même à l'extérieur, en direction des écuries. Elles ne furent pas difficiles à trouver. Il monta sur son cheval et parti au galop dans les rues, en direction de la porte nord.  

C'est à peine si il sentit la pierre s'écraser sur son crâne.  

 

Ses yeux s'ouvrirent péniblement. Il avait mal au crâne. Sur le moment, il se demanda où il était, puis tout lui revint à l'esprit. Main-Droite. Almon. L'arbalète. La pierre. Il se trouvait dans une cellule, étroite et humide. Il y faisait bien plus froid que dans les cachots de Grand-Cité.  

Il essaya de se lever mais le plafond était bien trop bas et il se cogna. Retombant sur son fessier, il décida de ne pas retenter l'expérience. La porte était en chêne et nul part sur les murs ne se trouvait de fenêtre. Il pouvait avoir dormi une heure comme une semaine, il pouvait faire nuit ou encore jour.  

Il ne sait pas combien de temps se déroula avant que la porte ne s'ouvre, laissant apparaître le gardien. Il était grand, avait une moustache de belle taille. Il regarda son prisonnier deux secondes avant de refermer la porte. Surement pour vérifier que les rats ne m'avaient pas dévoré.  

Cependant, à peu près une heure plus tard - si il fallait donner une durée - la porte s'ouvrit à nouveau. Cette fois le geôlier n'était plus seul. A côté de lui, un prêtre. Un vieux barbu aux jambes cassées et au visage détruit par le temps des prières. Il fixa Baudoin un instant avant de dire au garde de les laisser. Celui-ci sortit et ferma la porte.  

« Ser Baudoin de Lasque. Ou plutôt Ser Baudoin le Pleutre comme on vous appelle désormais dans tout Bois-des-Loups, et surement dans tout Rodoc. Je suis Frère Raymond. »  

Il avait une voix rauque et vieillie. La lumière de la chandelle qu'il tenait laisser entrevoir de nombreuses cicatrices sur son visage. Baudoin ne répondit rien. Le prêtre reprit :  

« Assez parlé de moi. Je veux tout savoir. »  

Par tout savoir, Baudoin hésita un instant. Quand il comprit que Raymond voulait connaître en détails les raisons de sa fuite il ouvrit la bouche, d'abord ne sortit qu'un couac bestial, mais il réussi à parler d'une voix enrouée.  

« J'étais le Chevalier protecteur du Roi Yvain depuis sa naissance. Même après la mort de Robin. Lorsque le Roi est mort, tout le monde devait respecter le Deuil. Ne pas prendre les armes... vous connaissez le dogme. Je ne l'ai pas respecté. J'ai défié mon Roi. »  

Les deux hommes se jaugèrent pendant un instant. C'est à peine si, après le long silence qui se bâti, Baudoin n'entendit pas Raymond demander « Et maintenant ?  

- Rodoc ne m'est plus rien. Je n'ai plus aucune terres, mon nom est déchu. Je fuis à Cerve. Noirfort, si votre Roi compte me donner miséricordes, ou plus au nord encore, aux Murailles-du-Soir, ou à l'Ouest, aux Îles Rousses... n'importe où. »  

Frère Raymond se leva alors. Bien plus petit de taille que Baudoin, lui ne se cogna pas et n'eut nul besoin de baisser son échine. Il dit alors :  

« Je vous accompagne. La potence ou ma compagnie, choisissez. Je peux vous faire sortir d'ici en un claquement de doigts. »  

Baudoin dévisagea l'homme de foi. L'accompagner ? Veut-il finir comme Almon ? Ce fut alors dans un souffle que s'échappa une réponse approbatrice de sa part. Je préfère avoir un prêtre dans les pattes qu'une corde au cou.  

 

Frère Raymond s'était déniché un mulet fripé qui se complétait plutôt bien avec son visage balafré. On avait conservé Veuve et Baudoin s'en réjouissait d'une certaine manière - Almon parti, c'était son dernier lien avec Rodoc. A l'image d'Almon, le prêtre faisait un compagnon de voyage peu bavard et plutôt sympathique. Ne causant que quand il le fallait, ne posant pas de questions inutiles et surtout ne s'arrêtant pas toutes les heures pour aller se vider la panse.  

Chaque soir, ils s'arrêtaient dans les bois, le plus loin possible de la route - les environs de Bois-des-Loups étant peuplés de brigands encore moins fréquentables que le regretté Main-Droite. Ils se couchaient l'un contre l'autre pour conserver le maximum de chaleur et s'endormaient comme des souches. Le matin, Frère allait cueillir quelques baies pour leur ersatz de repas. La journée, ils marchaient, marchaient. Ne s'arrêtant que pour pisser ou boire dans une rivière. Raymond avait décidé qu'on marcherait à côté de la route - dans les bois en contrebas. « Trop de bandits » disait-il. Ils voyaient ainsi passer quelques paysans et braves gens du commun. Le prêtre avait emporté un livre. Baudoin ne savait pas vraiment lire mais arriva un jour, alors que Raymond lisait sur son mulet, à déchiffrer le titre - Seigneurs des Îles Rousses. Une quelconque chronique sur des vassaux Cerves décédés depuis des siècles.  

 

Après ce qui ressembla à un silence de plusieurs jours, ce fut Frère Raymond qui parla. Ils chevauchaient alors tous deux, à une vingtaine de mètres de la route.  

« J'étais jadis en poste sur le Continent Est. Lorsqu'on l'a découvert, on a envoyé de nombreux prêtres là-bas pour convertir à notre religion les sauvages. Peine perdue. Ils priaient une sorte de Dieu Araignée. Je suis revenu sur nos terres il y a trois ans. J'ai réussi à me faire une place à Bois-des-Loups. Ce n'est certe pas Grand-Cité, mais malgré que ma religion soit différente de celle de Cerve, on m'accepte et on me respecte - ils font beaucoup de prisonniers rodocs comme vous et je m'occupe des dernières confessions de ceux qui veulent bien délier leur langue si on ne leur a pas coupée avant. »  

Baudoin regarda le prêtre. Il remarqua alors plus encore ses balafres. L'une d'entre elle traversait son visage de son menton jusqu'à son oreille droite, et semblait avoir été cautérisée avec de l'hydromel.  

« Pourquoi m'avoir accompagné ? » demanda t-il alors.  

Raymond sourit. Un sourire qui, au milieu de ces cicatrices, avait l'air d'une plaie de plus.  

« Parce que je suis comme vous, Ser Baudoin. Nous fuyons tous les deux, à notre manière, mais vers le même point de chute. »  

Ce fut la seule fois en deux semaines où ils s'adressèrent réellement la parole. Après quinze jours de marches depuis Bois-des-Loups, ils arrivèrent à la demeure de la maison Richemont. Château-Rouge s'étalait dans son paysage montagneux, ses murs si ancrés dans le paysage que la forteresse avait l'air d'être elle même un pic rocheux.  

Des paysans cultivaient la terre de tout côté, et lorsqu'ils s'approchèrent un peu plus du château, Frère Raymond s'approcha de Baudoin.  

« Ne nous arrêtons pas ici. Trouvons un marchand et achetons du pain et du fromage, mais il nous faut partir le plus rapidement possible. »  

Baudoin n'eut aucun intérêt à en demander la raison. L'accueil qu'il avait reçu à Bois-des-Loups lui avait refroidi l'idée de dormir dans les auberges.  

Il acheta nourriture et eau et ils reprirent leur route dans l'heure. Peu à peu, Château-Rouge disparu dans la brume montante et finalement, après vingts minutes, on se trouvait à nouveau en plein milieu des bois.  

Brusquement quelque chose siffla dans les airs, et une flèche perfora le flanc du mulet de Frère Raymond. Celui s'écroula et le prêtre eut juste le temps de se dégager. Baudoin regarda par la provenance de la flèche. C'était un peu plus loin dans les bois.  

« Suivez-moi. » dit-il à l'adresse de Raymond.  

Ils avancèrent dans les bois, lui sur Veuve, le prêtre sur ses pattes. Une nouvelle flèche siffla et cette fois-ci, se planta sur l'épaule de Baudoin. Il tomba sur le sol. Arrache-là... arrache-là... Il retira la flèche et se releva. Le Frère s'était caché derrière un tronc d'arbre. Un peu plus loin, Baudoin aperçu deux ombres qui filaient. Il n'avait pas d'arc, encore moins d'arbalète. Et il ne vit pas arriver l'homme derrière lui qui lui asséna un coup d'épée dans le dos. La maille le protégea et il eut le temps de se retourner pour voir un homme de six pieds de haut.  

Il se livrèrent tour à tour des coups d'épée. L'autre frappait fort. Très fort. Et il résistait comme un roc. Cependant il était beaucoup moins agile que Baudoin.  

Le chevalier le frappa sur le flanc gauche. Celui-ci fut déstabilisé et Baudoin en profita pour lui planter son épée dans le ventre. Il suffoqua, puis s'écroula sur le sol.  

Le Ser de Lasque reprit son souffle alors que son compagnon de voyage fouillait la victime. Alors, il s'arrêta net, et regarda Baudoin dans les yeux.  

« Je le connais. » dit-il. « Ser Arn Derosse, membre de la garde personnelle de Lord Aymon Richemond, à Château-Rouge. »  

Ils savaient tous deux ce que ça voulait dire. Et nul n'eut besoin de le signifier à haute voix, alors qu'un second homme surgit de sa cachette et trancha net la main tendu de Frère Raymond.  

 

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Deus Vindicta marque le début d'une "franchise" créée par Guards Brothers : un serial se déroulant dans le même univers, quelques deux siècles plus tard, verra le jour en fin d'année. Deux autres films sans liens de personnages avec Deus Vindicta verront aussi le jour, voir plus si le succès critique est au rendez-vous. Enzo Kanno interprète Ser Baudoin de Lasque, tandis que Jeremy Carter est Frère Raymond. Lara Wryn est Aude et Pamela Kubrick interprète Dame Jeanne Verredacier - les deux présents personnages n'apparaissent pas dans la partie du script présentée ici.

Scénario : (3 commentaires)
une série A fantastique (Medieval) de Roco TPF

Enzo Kanno

Lara Wryn

Jeremy Carter

Pamela Kubrick
Avec la participation exceptionnelle de Fabrice Cosmic, John McAndy
Musique par Shannon Harris
Sorti le 21 juin 2025 (Semaine 1068)
Entrées : 20 769 929
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