Courir. C'était la seule chose à faire pour espérer s'en sortir. Et la jeune femme courait, pieds nus dans cette immense étendue herbeuse parfois peuplée de quelques grosses pierres tranchantes. Elle jetait régulièrement des regards, à droite, à gauche, derrière elle...Soudain, elle s'arrêta en plein milieu d'une sorte de clairière, ici, en pleine jungle. Elle avait enfin semé son poursuivant. Épuisée, elle se laissa tomber à terre, reprenant son souffle si précieux. On entendait alors plus que les bruits effrayants de la jungle féroce et sauvage. Elle, elle n'entendait plus rien. Elle s'était endormi, terrassée par la fatigue.  

Son rêve était merveilleux. Elle courait à travers la travers, nue comme un vers. Tout à coups, des sifflements inconnus et inquiétants retentirent. Elle courait de plus belle, craignant pour sa vie. Enfin, elle s'arrêta dans une clairière et...  

…Elle se réveilla. Il faisait jour, désormais, et c'était un petit miracle que Jinaga ne soit pas encore morte. Elle se redressa en douceur, se retourna, et hurla. Elle était entourée d'hommes. Des guerriers, puissant, exhibant fièrement leurs armes de guerre. Celui qui semblait être le chef de ce petit groupe s'avança et lui tendit sa main. Jinaga hésita, mais finit par le rejoindre. Elle ne savait pas qui ils étaient, mais elle se doutait bien qu'il valait mieux rester avec eux que d'être livrer à soi-même en pleine nature hostile.  

Le petit groupe aztèque prenait la direction de son village, Cauatl.  

Après quelques heures de marche qui paraissaient bien faciles après la course de la veille, Jinaga arrivait au village, escortée par ce petit groupe, Humpo en tête. Et la jeune femme devait s'avouer ravie d'atteindre enfin une terre où il serait possible de manger, dormir, de vivre...Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas vécu, trop occupée à survivre en pleine nature depuis tant d'année.  

Humpo, loin de toutes ces pensées heureuses et réjouissantes qu'éprouvait Jinaga, semblait être confronté à un affreux dilemme. Ses hommes étaient méfiants. On ne pouvait pas survivre aussi longtemps, seul en pleine jungle, abandonné à la nature. Encore moins quand on était une femme. Humpo l'avait accueilli à bras ouverts et refusait catégoriquement la sombre hypothèse émise par ses guerriers. Cela n'était pas possible.  

Au début, Jinaga avait été très bien accueillie par les femmes du villages. Pourtant, rapidement, la rumeur qui circulait sur elle s'était répandue et les regards avaient changés. On lisait dans les yeux des gens de la méfiance, souvent, du dégoût, parfois. Pourtant, on ne lui disait rien ; on le laissait simplement paraître.  

Humpo était toujours le seul qui lui faisait confiance. Peut-être était-il aveuglé par l'amour inconscient qu'il portait à cette jeune femme. Aussi, il réfutait toujours cette horrible thèse. Il faisait tout son possible, en tant que chef du village, pour préserver Jinaga.  

Cette dernière se demandait fortement ce qui se passait.  

Un jour pluvieux, Krapl, le prêtre de la petite cité aztèque, sortit de son temple, ce qui était assez rare, et rendit une petite visite à Humpo. Cette étrangère le préoccupait, et, lui aussi, commençait à croire sérieusement en la thèse qui circulait depuis que Jinaga était arrivée.  

- Voyons, Humpo. Tu es notre chef. Tu vois mieux que quiconque ce que renferme une personne. Et pourtant, tu n'arrives pas à te rendre à l'évidence que cette fille est la Déesse du Mal, Dezalcetl ?  

- Non. Tu délires. Vous délirez tous.  

- Prends garde, Humpo. Bientôt, les dieux réclameront sa tête. Car sa présence parmi nous est un mauvais présage pour notre peuple. On s'inquiète dans tout l'Empire.  

La semaine suivante, Humpo sentait la révolte gronder dans son village. Les gens disaient ce qu'ils pensaient tout haut, désormais. L'ambiance n'avait plus rien à voir avec la parfaite harmonie qui régnait il y a peu encore...  

La nouvelle avait traversé tout l'Empire. Des choses étranges avaient été aperçues sur les côtes. Des sortes d'hommes , poilus sur le visage et montant sur d'étranges créatures avaient débarqué d'étranges pirogues. Ils étaient armés jusqu'aux dents.  

Le peuple réclamait désormais la tête de Jinaga. Il pensait que voir tomber la Déesse du Mal calmerait les dieux et arrêterait les envahisseurs espagnols. Jinaga s'était enfuie. Et elle ne savait même plus qui elle était...