« Inspecteur ? On a retrouvé le corps du petit Paul. »  

La mine farouche et balafrée se releva et apparut à son interlocuteur. Il semblait fatigué. Fatigué de cette affaire et de ces derniers jours. La nouvelle que lui apportait Hutcherson aurait put le réjouir du fait qu'elle se terminait enfin, mais il n'en fut rien : ces jours de recherche intense n'avait servit à rien, à rien car leur but principal était de trouver Paul, sept ans, vivant.  

Le regard qu'il jeta alors à Hutcherson signifia alors tout : son désarroi, le malheur que ce soit déjà le troisième, et surtout sa question où ?.  

« A la lisière de la forêt. Mr Obben allait chasser quand il a vu ce qu'il a décrit comme "une forme harmonieuse, petite et décomposée." Les insectes l'ont bouffé, sans parler des loups. »  

Connely se releva de son fauteuil. Vérifiant que son revolver hérité de son grand père était bien sur lui, il ajusta son manteau. Il fit signe à Hutcherson de le suivre. Tous deux sortirent par la porte de derrière, prenant le volant de leur voiture de fonction d'un beige troublant.  

« Il faut aussi que je vous dise, Inspecteur. La presse de Saltus va s'emparer de l'histoire dès demain. Ils ont pris des photos, il faudrait faire une perquisition. Et n'envoyez pas les deux clampins de la dernière fois qui avaient laissé la moitié des photos. »  

Connely ne répondit pas. Son silence signifiait en son langage qu'il approuvait. Connely n'était pas très bavard, le plus souvent, son regard et son visage signifiait chaque interrogation qu'il avait à soumettre.  

Et ça depuis la mort de Jenny.  

Le simple fait d'y repenser le renvoya dans ses sombres pensées. Ce n'est que la voix agaçante d'Hutcherson qui le fit ressortir de sa méditation. Ils arrivaient, comme venait de le faire remarquer son adjoint. Il reconnaissait la belle maison des Obben.  

Les Obben vivaient à Saltus depuis bien trente ans. La mort de leur fille les avaient profondément choqué et ils avaient préféré se retirer à la campagne pour oublier leurs problèmes, Mr Obben ayant racheté la scierie Finch. Mrs Obben, jadis belle à ce qu'il parait, avait perdu ses esprits, elle était devenu folle depuis la mort de leur défunte fille.  

Un peu comme lui, se dit Connely... Mais Jenny n'était pas sa fille.  

Mr Obben avait noyé son chagrin dans la boisson et dans la chasse, s'amusant à tirer sur tout ce qui bougeait dans le bois de Saltus, leur maison se trouvant en lisière de cette vaste forêt sombre abritée selon les légendes par les Hiwes, sorte de mi-loups mi-hommes vivant en meute et dévorant les personnes perdues.  

Ils enjambèrent la clôture. Kenny, l'un des sept agents de l'ordre de Saltus, était déjà là, près de Mr Obben. Le Docteur Freiman, son crâne chauve luisant sous les rares rayons du soleil à s'aventurer là où il se trouvait, à la lisière des bois.  

Kenny et Mr. Obben détournèrent leur regard vers Connely et son adjoint. Kenny déglutit, son cou de grande taille ne pouvant cacher cette gêne qu'il avait à chaque fois qu'il voyait l'Inspecteur. Lorsqu'ils arrivèrent à leur niveau, la tension de Kenny arriva à son apogée. Il tremblait presque. Connely l'ignora et, laissant Hutcherson en compagnie des deux hommes, continua son chemin jusqu'au niveau du Docteur Freiman.  

Il s'accroupit aux côtés du vieil homme à la grosse barbe grise et le regarda derrière ses épaisses lunettes. Qu'est-ce que nous avons ? disaient en coeur ses yeux avec une insistance des plus marquée.  

« Il est là depuis au moins deux semaines. » commenta le médecin. « Je n'ai ni les connaissances ni les moyens pour en dire d'avantage, vous le savez, mais au vu des marques ici... » Il montra du doigt une griffure au niveau du haut de l'épaule gauche. « ...et là... » désignant une vague zone rouge sur le côté droit du cou. « Il est mort par strangulation. Pendu ? Je ne pense pas. Je dirais étranglé avec sang froid et surement battu avant coup. Il a quelques vagues blessures sur les jambes. Déduction, bien sur, car il s'agit surement du même auteur que pour Tina et Jacob. »  

Tina Anderson, cinq ans, et Jacob Freuberg, presque dix ans, avaient tous les deux été retrouvé il y a de cela respectivement cinq semaines et trois semaines. Retrouvés morts par strangulation, battus avant coup. Aucun viol n'ayant été perpétré, il en a été déduit que les meurtres n'avaient aucun mobile, la sexualité étant écartée.  

Il se releva et signifia rapidement au Docteur qu'il allait envoyer de quoi emporter le corps. Il reparti dans le sens inverse à grandes enjambées et passa sans dire mot devant les trois messieurs qui semblaient attendre sa venue. Le voyant les ignorer, Hutcherson accouru derrière lui et demanda avec insistance :  

« Vous n'interrogez pas Obben ?  

- Aucune utilité. Nous repartons. »  

Il croyait être enfin parti quand il entendit la voix mielleuse de Kenny lancer des "Inspecteur ! Inspecteur !" et lui courir après. Connely s'arrêta et fit signe à Hutcherson de l'attendre à la voiture. Kenny arriva à son niveau. Il pleurait. De grosses larmes s'écoulaient sur ses joues de gosse et son regard n'inspirait rien d'autre à Connely que de la pitié.  

« Je voulais juste vous dire... » commença t-il, mais il fut coupé par Connely.  

« Tu m'as déjà tout dis. Maintenant, tu restes là, tu surveilles le corps, tu attends la venu de l'ambulance et restes avec l'autre fou jusqu'à ce que tout le monde soit parti. »  

Il se détourna de Kenny et reparti aussi vite qu'il était arrivé vers le véhicule, laissant le jeune policier sur place. Il enjamba la clôture et rejoint Hutcherson qui avait déjà pris le volant.  

Neuf jours s'étaient écoulés depuis la découverte du corps de Paul Brickman. Connely avait dut expliquer à ses parents qu'on avait retrouvé leur fils sans vie, décomposé, ce qui expliquait pourquoi on leur avait déconseillé de voir le corps. Ce que la mère a pourtant voulu à tout prix faire, découvrant son Paulo blanc, nue comme un vers et présentant de nombreuses liaisons dut aux insectes et aux loups.  

Elle avait perdu connaissance.  

Mais c'était désormais du passé, et depuis désormais un nombre relativement important de jours, le Chasseur d'Enfants comme l'avaient surnommé les médias n'avait plus frappé.  

S'asseyant sur son bureau, Connely aperçu une lettre à son attention. Une enveloppe presque vierge avec simplement son nom écrit à l'encre en plein centre. Il l'ouvrit et en sorti une feuille de papier noire d'encre.  

Ne sachant pas quoi en faire d'autre, il en entreprit la lecture :  

« Monsieur l'Inspecteur,  

« Je vous écris cette lettre parce que depuis le 26 avril dernier, vous m'ignorez. 26 avril où je vous ai expliqué que moi et Jenny avions entretenu une relation avant sa mort.  

Je comprends parfaitement la façon dont vous ne m'adressez plus la parole, mais j'aimerai simplement compléter ce que je vous ai dit le 26 avril avec ceci : jamais Jenny n'a dit du mal de vous, elle m'expliquait qu'elle vous admirait mais que le fait que vous soyez trop souvent absent ne pouvait la satisfaire. Je peux vous dire avec la plus profonde sincérité qu'elle a toujours dit que vous étiez un homme extrêmement sensible et gentil mais que vous étiez trop rarement avec elle pour la consoler de ses problèmes dut à sa profession.  

J'espère que ces quelques mots auront put vous permettre d'en savoir plus sur les raisons de ma relation avec Jenny, qui n'était que purement et simplement sexuel, encore une fois.  

Cette lettre m'a permis de vider mon sac, j'en ai moins sur le coeur.  

Amicalement,  

Kenny »  

Quel espèce d'enculé. Connely chiffonna la lettre en une boule difforme et lança dans la poubelle sans bouger un pied. Si il en avait le pouvoir, il renverrait ce putain de gosse lécher les tétons de sa mère, ou s'amuser à la marelle avec ses copains totalement abrutis.  

Connely détourna son attention de ce qu'il venait de lire, car en plus d'être insultant, c'était mal écrit et sans aucune tact... se disant cela, il en eut un sourire aux lèvres. Quel idiot ce Kenny... Ce ne lui était pas arrivé depuis plusieurs semaines... La bêtise du gamin qui l'avait fait cocu l'amusait chaque jour de plus en plus.  

C'est alors que la porte de son bureau s'ouvrit à la volée. C'était Hutcherson. Il suait, il était essoufflé. Son regard évoquait autant de chose que son supérieur pour une fois : de la peur, de la terreur, de l'effroi.  

« Inspecteur, vous n'allez pas en croire vos oreilles. On a vu les quatre enfants McDonald accompagné d'un homme partirent dans la forêt ce matin. »  

L'information ne se fit pas attendre. Connely s'empressa de sortir de son bureau et d'embarquer dans la voiture avec Hutcherson. Celui-ci lui expliqua que le père Trevor, âgé de quatre-vingt dix ans et en fauteuil roulant avait vu cette scène et s'était empressé d'ouvrir la fenêtre : n'ayant pas le téléphone et ne pouvant sortir de chez lui il avait gueulé par la fenêtre jusqu'à ce que quelqu'un l'entende. Il était six heures du matin et sa maison étant un peu éloigné du reste du bourg, il a fallu attendre une heure avant que quelqu'un arrive enfin. Ils venaient de prévenir la police quand Hutcherson était arrivé dans le bureau de Connely.  

D'après lui, Kenny et les autres policiers étaient déjà en train de faire la battu dans la forêt.  

La forêt.  

Il lui revint alors les anciennes légendes la concernant : ces disparitions ancestrales d'enfants et de promeneurs, dévorés par ces grands loups. Ces grands méchants loups mangeurs de chaire fraîche, qu'il préféraient jeune comme le lui racontait sa grand-mère...  

Vyacheslav Grinkoz est Inspecteur Connely  

Stanley Cherry est Hutcherson  

Pamela Kubrick est Mrs McDonald  

Vivy Thamine est Jenny Connely