Francesca (Enya Dudley) marchait, passant à travers les gouttes dans cette rue passante du centre-ville. Elle rangea son parapluie noir et fin et rentra dans ce petit café si connu des amoureux. Elle s'assit, seule à une table, posa son sac à côté d'elle et croisa les jambes. Elle attendait.  

Alexandre (Andreas Martinez) courait dans la rue, n'ayant pas de parapluie sous la main pour se protéger des gouttes qui tombaient, de plus en plus lourdes. Un bouquet de rose à la main, il ralentit le pas avant de s'arrêter au coin de la rue. Il rajusta sa chemise mouillée par la pluie, se recoiffa comme il put en se regardant dans la vitrine du boucher et reprit enfin sa courte route. Il entra dans ce petit café et il l'aperçut, seule, assise à une table. Il...  

Antoine (Reginald Alexander) leva sa plume. Il hésitait quant à la tournure que devait prendre l'histoire. Son histoire.  

Antoine Lemarchand était écrivain. On lui devait notamment la très célèbre série de romans autour du personnage d'Alexandre Romain, jeune homme charmeur autant que charmant et qui avait une certaine facilité avec les filles. Les romans sentimentaux s'enchainaient, et Antoine voyait sa renommée grandir de plus en plus. Pourtant, une ombre, et pas des moindres, venait noircir ce tableau. Alexandre n'avait jamais connu de relation amoureuse. Il était trop complexé pour ça.  

Mais aujourd'hui, alors qu'il écrivait encore et encore des pages par dizaines pour son nouveau roman, il ne pouvait s'empêcher de penser à cette lettre qu'il avait reçu la veille. Une lettre d'amour. Et le moins que l'on pouvait dire, c'était que le pauvre Antoine en était tout chamboulé...  

Lui qui n'avait jamais vécu de relation amoureuse qu'au travers de son fameux personnage littéraire, lui qui détournait les yeux lorsqu'une fan le regardait avec des étoiles dans les yeux, comment pouvait-il s'y prendre? C'était bien plus facile dans les livres, à vrai dire. Car là, au moins, on peut se cacher derrière cette épaisse couche de papier.  

Antoine lisait et relisait encore cette lettre. Ses yeux parcouraient lentement les mots délicatement couchés sur le papier. Elsa...Sans la connaître, il l'aimait déjà. Il prit sa plume, une feuille vierge, et délaissa l'écriture de son roman pour pouvoir enfin répondre à cette femme. Il ne fallait pas que le courage qu'il avait actuellement ne s'évanouisse, il devait faire vite.  

«Chère Elsa,  

Je me nomme Alexandre. Alexandre Romain. J'ai vingt-cinq ans, les yeux bleus et les cheveux rebelles. J'aime les femmes. Les femmes m'aiment. Remarquez, c'est plus pratique comme ça! Je serai tout à fait ravi de vous rencontrer! A notre amitié (et plus si affinités!).»  

Il n'y avait pas à dire. Antoine n'y arrivait pas. Il était obligé de se cacher derrière son personnage. Un personnage, qui, il faut bien l'avouer, est fortement différent de son auteur.  

...Il se dirigea vers elle, le visage rayonnant. Elle lui souriait. Il l'embrassa sur les joues, avant de se laisser tomber sur la banquette rouge, en face d'elle. Ils ne se quittaient pas du regard. Le serveur arriva. Francesca prit un café. «Deux», rectifia Alexandre. Les cafés ne mirent pas longtemps à arriver. Alexandre parlait, parlait, et Francesca buvait ses paroles encore plus que son café. Enfin, les mots laissèrent place à la chair et aux divines émotions.  

Toute la nuit, Antoine avait attendu la réponse de son inconnue amante. Il ne cessait de regarder dans sa boîte mail si un nouveau message n'était pas arrivé, délaissant encore son livre. Heureusement que son éditrice n'était pas là...Finalement, la réponse tant attendue arriva aux alentours de deux heures du matin.  

«Ah ah! Que vous êtes drôle! Ma foi, j'aimerai bien voir à quoi ressemble ce fameux Alexandre Romain. Que diriez-vous si nous nous retrouvions demain, au café Blavis, vers 11h? Bonne nuit!».  

Antoine avait brièvement répondu par l'affirmatif, puis s'en était allé se coucher tout guilleret qu'il était. Il avait hâte et redoutait ce moment à la fois.  

Antoine était tout beau tout parfumé, prêt à rencontrer sa dulcinée. Le problème était qu'il avait un peu trop dormi et qu'il était désormais en peu en retard à son rendez-vous galant. Pourvu qu'Elsa ne s'en aille pas. Après tout, il n'avait que dix minutes de retard. Il gara sa voiture très vite dans une petite ruelle et courut vers le café Blavis. Alors qu'il approchait, il ralentit la cadence, rajusta sa chemise qui le boudinait un peu, et poussa la porte du café. Au même moment, une femme en sortait, l'air contrarié. Incrédule, il la laissa sortir avant de l'interpeller:  

- Madame? Vous êtes...Elsa?  

Elsa (Alma Danae) se retourna. Elle riait. Antoine l'invita à boire un verre chez lui à défaut d'être au café Bravis et elle accepta.  

- C'est marrant, je ne vous voyais pas comme ça, Alexandre. , fit-elle en insistant bien sur le dernier mot.  

- Qui ça? Moi c'est Antoine. Antoine Lemarchand.  

Tout se passait à merveilles chez monsieur Antoine, cet écrivain. Elsa ne le quittait pas des yeux, lui ne la quittait pas non plus. Et on parlait, et on riait, et on buvait...La joie était au rendez-vous pour cette première fois. Elsa approcha ses lèvres d'Antoine. Celui-ci se dit alors: «Mais qu'est-ce que je fais? Qu'est-ce que je fais?!!». Alors, il entendit dans sa tête, Alexandre Romain qui lui criait: «Mais emballes-là, bon Dieu!». Antoine ferma les yeux et fit ce qu'Alexandre lui disait.  

Il n'aurait jamais cru que l'amour pouvait avoir ce goût là.